Nous revenons de trois semaines de visite dans ma chère Grande Île, avec en particulier une longue balade sur la côte est et la remontée du canal des Pangalanes, créé en 1898 par M.Brick, à l’époque directeur des travaux publics, d’où le nom de la ville principale, Brickaville. Il s’agit en fait d’une série de lacs, certains très grands, reliés par un canal creusé grâce (si l’on peut dire) à la main d’œuvre forcée – comme l’a été le chemin de fer. Telles étaient les pratiques coloniales sous Gallieni. Cette voie d’eau (son nom veut dire ”qui relie deux points d’eau”) court parallèlement à l’Océan indien sur 700 km, de Tamatave à Farafangana, et pourrait être un axe de commerce important.
Malheureusement la situation économique fait qu’il n’est utilisé que par les pêcheurs des villages riverains qui y installent leurs nasses à poisson et à crevettes, qu’ils relèvent en pirogue. Quelques pinasses relient les villages, chargées de voyageurs et de charbon de bois.
C’est d’autant plus dommage que les paysages sont d’une grande beauté et que les cultures qui bordent le canal sont riches : girofle, poivre, riz, vanille, litchis, mangues, cultures vivrières…auxquels s’ajoute l’élevage de zébus. De plus, il suffit de traverser le cordon lagunaire qui sépare le canal de l’océan pour trouver une plage de sable fin de 500 km de long, bordée de cocotiers, qui ferait le bonheur de millions de touristes. Les villageois sont très accueillants et fiers de la visite que vous leur rendez : ils vous montrent leurs talents d’artisans : tissage, vannerie, travail du bois, et vous offrent un merveilleux repas de poisson.
Mais comme il n’y a pas d’hôtels, ni de routes carrossables sans parler d’autres infrastructures essentielles, il n’y a aucun visiteur. Nous avons toute cette beauté pour nous tous seuls, ce dont on pourrait se réjouir égoïstement, si ce n’était une énorme perte pour le développement du pays.
Une des raisons, juridique, est que seuls les Malgaches peuvent être propriétaires de la terre et des maisons, ce qui interdit les investissements étrangers. L’autre obstacle est la culture malgache qui considère la terre comme sacrée et réservée aux ancêtres : elle ne doit donc pas être “souillée” par les étrangers.