Recep Erdogan aurait bien voulu restaurer le califat de la Sublime Porte mais sa défaite brutale aux élections municipales de dimanche dernier l’en empêchera !
Toutes les grandes villes, à commencer par Istanbul, ont donné la majorité au CHP, le parti social-démocrate fondé il y a un siècle par Kemal Atatürk. Ainsi d’Ankara, İzmir, Bursa,Antalya ; sans parler des scores élevés du DEM pro-kurde dans cette province, malgré la forte répression qui le frappe (maires démis et emprisonnés).
Il y a de nombreuses raisons à cette défaite d’un autocrate de 70 ans, au pouvoir depuis 2003 : l’inefficacité des secours et de la reconstuction après le tremblement de terre ; l’inflation galopante (70% en 2023) ; l’islamisation à marche forcée de la société ; la corruption généralisée. Le peuple turc est resté fidèle aux idéaux d’Atatürk : la laïcité et la République.
Le résultat montre que même s’il a dérivé vers un régime autoritaire, illibéral, Erdogan n’est pas devenu un dictateur comme on en voit sur ses frontières : il y a en Turquie une démocratie vivante et une liberté d’expression à l’image des pays qui, tels la Pologne, ont récemment renoué avec ces valeurs.
Mais il ne faut pas crier victoire trop tôt. Celui que l’on surnomme le Reis et son parti, l’AKP, disposent de presque tous les leviers du pouvoir : justice, police, presse, base rurale, ainsi que de beaucoup d’argent. Il a aussi pour reprendre la main quatre années sans élection jusqu’aux élections présidentielles de 2028, et c’est un expert en la matière. On peut craindre en particulier que la guerre contre les Kurdes s’intensifie, qu’il se rapproche de la Russie et se marque contre l’Occident et l’Ukraine.