5 février 2025

Viet Nam : ami; Algérie : oui, demain

Le Viêtnam et l’Algérie ont tous les deux été colonisés par la France sous l’Empire et la IIIème République entre 1830 et 1960.  Le principe était le même : la souveraineté des deux pays disparaissait au profit de la France et leurs ressortissants étaient traités comme des citoyens de deuxième ordre sur le plan politique et économique. Dans les deux cas, il y avait un Gouverneur général qui représentait la République et qui exerçait tous les pouvoirs.

A l’Indochine qui regroupait les trois provinces de l’Annam, du Tonkin et de la Cochinchine, on ajouta le Laos et le Cambodge, les uns et les autres sous forme de protectorat.

En Algérie, après différentes péripéties, on créa trois départements avec trois préfets : Alger, Oran, Constantine. “ L’Algérie, c’est la France” proclama François Mitterrand, à l’époque ministre de l’Intérieur. Mais la colonisation ne fut pas la même : en Algérie il y eut dès les années 1840 une forte immigration de colons français, naturellement dans les meilleures terres, et une vie politique concentrée entre les mains de grands propriétaires. En Indochine, ce fut plutôt des grandes entreprises qui développèrent de grandes plantations d’hévéas et de riz.

Les guerres d’indépendance furent cruelles des deux côtés : près de 100 000 morts au Viêt Nam et 500 000 en Algérie avec des nombreuses atrocités. En 1945, le Viêt Minh (le Parti communiste indochinois dirigé par Hô Chi Minh) prit le pouvoir au Nord et en 1954 la France perdit militairement avec la défaite de Diên Biên Phu. Il ne lui resta plus qu’à négocier une paix plus ou moins honteuse. Le sud du Viêt Nam, indépendant dès 1955, continua à se battre avec une aide militaire américaine très importante.

Malgré cette histoire douloureuse la France et le Viêt Nam sont devenus des partenaires depuis 1985. La coopération économique, le partenariat stratégique global en matière de défense, la coopération décentralisée se sont fortement développés. La question mémorielle fait l’objet de débats entre historiens et spécialistes dans un climat de confiance mutuelle.

En 1962 tous les espoirs étaient permis pour la jeune République algérienne qui devait construire un régime révolutionnaire et socialiste. Nous fûmes nombreux à l’aider jusqu’à ce que les divisions internes amènent le coup d’Etat de Boumédiene en 1965. Une clique de militaires corrompus et incompétents, dans laquelle la Sécurité militaire jouait un rôle central, prit le pouvoir pour 60 ans. La terrible guerre civile des années 1992 à 2002 fit plus de 100 000 morts et une chape de plomb fondit sur le pays.

   Sa seule production est celle du pétrole et du gaz, pour l’essentiel exportée vers l’Europe et la France. La bureaucratie tatillonne a su tuer tout effort de créer de nouvelles entreprises ou développer le secteur économique. Le nationalisme borné a réduit le tourisme à peu de choses. La rente pétrolière va d’abord à l’armée et à ses dirigeants, puis aux camarades du FLN, et enfin à subventionner le prix des produits de première nécessité (blé, énergie,mouton, sel, gaz) et donc à acheter la paix sociale.

La vie politique a été étranglée depuis le Hirak (printemps arabe) en 2019 même si Tebboune a fait semblant pendant quelques mois de le soutenir. Les libertés publiques supprimées. La Kabylie est sous surveillance étroite. Dans tous les domaines , l’Algérie est en perte de vitesse : son soutien au Front Polisario au sud Sahara l’a coupée des autres pays, elle est en conflit avec le Niger, le Mali  et ne joue plus aucun rôle dans le domaine diplomatique. Sa candidature récente aux BRICS vient d’être rejetée.

 Son seul soutien est la Russie, son principal fournisseur d’armes l’Iran, pour cause d’hostilité à l’Occident, l’ancienne Syrie de Assad et la Chine pour les affaires. La principale tactique des “généraux” est de relancer à chaque moment difficile la guerre mémorielle avec la France. Emmanuel Macron a bien tenté à plusieurs reprises de tendre la main mais nous devons maintenant en prendre acte : il n’y a aucun espoir tant que ce régime de dictature collective perdurera. Les pages de blabla de Tebboune dans le journal “l’opinion” d’hier, le démontrent.

Tout cela est d’autant plus dommage que nos relations sont si profondes, que sept millions de personnes vivant en France ont un lien avec l’Algérie, que le peuple algérien est lui si amical envers la France : quel gâchis, quelle perte de temps ! Mais viendra un jour où, les militaires et le FLN enfin mis au rencart nous pourrons à nouveau nous tendre la main au -dessus de la Méditerranée.

Richard Yung

Richard Yung, Sénateur des Français de l'étranger de 2004 à 2021, partage ici ses réactions à l'actualité.

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