26 mars 2025

Un autre visage de l’Amérique

Né juste après la guerre, je fais partie de cette génération qui considère les Américains comme nos libérateurs en 1944 (débarquement de Provence, de Normandie, conquête de l’Italie et de la Corse. On peut y ajouter toute l’aide donnée à l’Europe pour sa reconstruction sous différentes formes mais en particulier à travers le plan Marshall (merci à Dean Acheson et à Jean Monnet). Les Etats-Unis ont été pour nous le pays de la liberté dans tous les domaines, y compris culturel (peinture, jazz, littérature) mais aussi celui de la création et de l’innovation, celui du combat pour les droits civiques.

Pourtant ce qui se passe en ce moment à Washington amène à se poser des questions sur toutes ces valeurs et à y regarder de plus près. Les Etats-Unis se sont construits sur le génocide des Indiens – sans doute 14 à 15 millions -tant par des actes de guerre que par les maladies importées et par l’abattage massif des bisons qui étaient les principale ressources des Indiens. Le gouvernement américain a ensuite procédé à l’enfermement des quelques survivants dans des “réserves” qui ressemblent à des camps de concentration, vivant dans la pauvreté et dans l’alcoolisme. Même si le mot génocide parait excessif, le résultat des années 1750 -1870 s’en approche. D’autres exemples peuvent être cités : 2 millions de civils tués au Viet-Nam, un million en Irak sans parler des milliers de morts dans de nombreux pays d’Amérique latine ou centrale considérés comme l’arrière-cour des Etats Unis, et le soutien à de nombreux dictateurs.  Rappelons les mensonges honteux du Président Bush junior et de ses principaux ministres affirmant que Saddam Hussein disposait d’armes nucléaires et avait acheté de l’uranium en Afrique. On doit citer également le camp de Guantanamo où de nombreuses personnes ont été enfermées de manière illégale sans la moindre défense juridique, torturées et soumises à toutes sortes de sévices. Même si une partie d’entre eux sont des terroristes djihadistes le droit à une justice saine doit être respecté. Ce camp fonctionne encore aujourd’hui.

Trump a déjà indiqué le peu de cas qu’il faisait de l’OTAN et de la défense de l’Europe qu’il considère comme un adversaire destiné à affaiblir les Etats-Unis. Il faut mentionner le refus de Trump de s’engager pour l’Ukraine et son rapprochement avec la Russie dont il partage les valeurs (autoritarisme, mépris du droit, culte de la personnalité, volonté impérialiste). C’est ce qui explique que le roi de la rodomontade, du coup de menton se soit complètement couché devant Poutine – et encore, on n’a pas tout vu.

Le pire a été le refus de Trump de reconnaître sa défaite à l’élection présidentielle de 2020, sa tentative de corrompre certains des grands électeurs, ses attaques contre le résultat du vote en Géorgie et surtout l’attaque quasi militaire du Capitole par ses sbires armés. Que tout cela soit désormais passé sous silence, qu’aucune sanction n’ait été prise, dépasse l’entendement.

Les actions menées par Trump dès le début de son second mandat ne sont pas pour nous rassurer : attaques contre les juges et la justice, contre les médias et les universités. On peut y ajouter la volonté de mettre au pas les scientifiques. Il reprend les délires de la droite la plus conservatrice contre l’avortement, contre les trans et les homosexuels. Ayant confié un mandat inégal à l’ineffable Musk, l’entreprise de démolition de l’Etat fédéral peut commencer. L’idée n’est pas celle des libéraux, limiter l’Etat à ses fonctions régaliennes, elle est de démolir l’Etat, les institutions et le droit. Tout le pouvoir serait concentré entre les mains d’une oligarchie des plus riches qui décideraient sans aucun contrôle de ce qui est bon ou pas (pour eux).

La situation est donc grave car l’exemple américain peut devenir un modèle pour tous les apprentis dictateurs qui hésitent encore à franchir le pas (voire la Hongrie).

Devant le silence assourdissant du Parti démocrate, des anciens Présidents Clinton, Obama, Biden, de Kamala Harris et de l’opinion publique, il incombe à nous, démocrates de la vieille Europe, de reprendre le flambeau de ces valeurs que sont la démocratie, les libertés publiques, le respect du droit et de la justice, la recherche d’une démocratie sociale, et de combattre ce mauvais génie qui menace le monde.

 Expulsons Trump le plus rapidement possible.

Richard Yung

Richard Yung, Sénateur des Français de l'étranger de 2004 à 2021, partage ici ses réactions à l'actualité.

Voir tous les articles de Richard Yung →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *