La hyène Bouki (ou Donald aux Etats-Unis) avait réussi, à force de mensonges et de tromperies, à prendre le pouvoir dans le royaume des animaux. Elon le chacal, Mario le dingo, Kash la vipère, Pam la louve, tout ce petit monde grognait et mordait à tout va, d’abord envers les animaux qui n’aimaient pas la hyène (et ils étaient nombreux) puis entre eux car il s’agissait de bien se faire voir du nouveau roi et de briller plus fort que les autres. Même si pour la plupart c’étaient des animaux bêtes et médiocres.
La hyène commença par demander à tous les animaux de la savane de lui donner une partie de leur nourriture pour constituer des réserves en cas de guerre ou de sécheresse. On lui apporta ainsi plusieurs chameaux, deux dépouilles de singe, un troupeau de moutons, cinq chèvres encore vivantes, de grands sacs de blé, de riz, de manioc. S’y ajoutèrent des outres remplies de vin de palme et de lait, des dattes, des caisses de bonbons. Bouki entassa tous ces dons dans un grand hangar dont il avait seul la clé, car il n’avait aucunement l’intention de les partager. Au contraire, il avait prévu de tout garder pour lui et sa famille proche. Tous les soirs il se glissait discrètement dans ce hangar et y prenait de quoi améliorer l’ordinaire familial.
Bouki décida que les animaux passaient trop de temps en palabres inutiles sous l’arbre du village de Doumbeliane : il fit couper l’arbre et interdit les réunions et les discussions le soir. Lui seul pouvait décider de ceci ou cela ; parfois mais pas toujours en consultant un de ses affidés. En même temps il fit remarquer que les enfants passaient trop de temps à l’école à ânonner des bêtises, à apprendre le wolof et le français, au lieu d’aider leurs parents dans leur travail des champs ou à garder les troupeaux. Le renvoi de l’institutrice venue de Joal, Mame Diara, fut acté. Quelques vieillards commencèrent à marmonner que tout cela était mauvais et contraire aux règles que les Anciens nous avaient enseignées
Le village avait de bonnes relations avec les villages voisins, peuplés d’autres tribus mais avec lesquels ils échangeaient différents produits, de la pêche, de la chasse, des objets d’artisanat. Dans sa stupidité Bouki décida que ces échanges se faisaient au détriment de Doumbeliane et installa des barrières sur les pistes en obligeant tous ceux qui y passaient à payer une taxe de 20 à 40%. Évidemment le produit de ces taxes allait directement dans sa poche. Les échanges cessèrent progressivement apportant la pauvreté au village.
A ce stade, Bouki, devenu un vieux bouc puant et corrompu, rencontra une belle jeune fille de 16 ans, Mamoumata Condé, et décida de la prendre comme concubine – contre son gré et celui de sa famille. Ce fut le début d’une chasse aux jeunes filles lancée par le chef prédateur et violeur. Dès que quelqu’un exprimait la moindre remarque, les tontons macoutes à la solde de la hyène, déguisés en policiers, le chassaient dans la savane et l’on ne le revoyait plus. Agacé par les quelques critiques entendues çà et là, Bouki décida de détruire la case commune dans laquelle tout le village avait l’habitude de se réunir, le M’Bar, et lança ses nervis à l’assaut de ce petit Capitol qui fut brûlé.
Les animaux de Doumbeliane qui vivaient en paix et heureux, avaient des relations d’entraide et de soutien, devinrent méfiants, se regardant de travers, se demandant quel piège leur était destiné et cherchant comment s’enfuir de ce village devenu impossible à vivre. Les vantardises de Bouki étaient si nombreuses qu’après avoir fait rire, elles faisaient pleurer : “ Je fais résoudre les conflits de la région en 24 heures, Doumbeliane va devenir le village le plus riche du monde et nous serons bientôt l’équivalent de Dakar, je serai le dirigeant le plus célèbre de la terre après le Christ”.
Les mensonges suivaient : “notre village est envahi par des dizaines de milliers de personnes d’autres villages, ces personnes ont pour habitude de voler votre travail, vos femmes, de manger vos chiens et chats, il n’y a aucune crise climatique.” Bouki alla jusqu’à mettre en scène un faux attentat dont il fit semblant de sortir en criant “ continuons la lutte” avec du faux sang sur la main. Enfin un nombre incroyable de promesses devaient enthousiasmer les animaux de Doumbeliane : “nous deviendrons le village le plus fort du monde, la richesse nous sera promise chaque jour, nous pourrons annexer d’autres villages pour nous agrandir”.
Tout ce clinquant n’avait pour objectif que de cacher la vérité, la réalité des faits, et se soldait dans tous les cas par un échec retentissant. Les soi-disant amis de Bouki devinrent adversaires et se mirent à se combattre avec acharnement. La pauvreté, le crime, la violence tombèrent sur le village que tous fuyaient.
Au bout de quelques mois, les animaux en eurent assez et se regroupant en une milice armée attaquèrent Bouki dans sa case fortifiée. Ses propres gardes le trahirent et ouvrirent grand les portes. Le Grand Commandeur, comme il aimait s’appeler, leur fut livré et chassé vers la mer où il ne put que prendre le large pour toujours.
Heureusement Dieu veille sur les hommes, les animaux et leurs villages partout dans le monde. Il envoya ainsi Samba Nouveau Né, fils de l’homme, qui quoique jeune était plein de sagesse et d’expérience. Il put ainsi rétablir la paix et la concorde entre les habitants de Doumbeliane et la folie de Bouki ne resta qu’un lointain et méchant souvenir.