Récemment publié chez Grasset, « La promesse” d’Anne Lauvergeon. Ce livre m’a fasciné à deux titres. Le premier, certainement secondaire, est la personnalité de l’auteur (on dit aujourd’hui “autrice” mais ce n’est pas un joli mot). Ingénieur des mines, normalienne, agrégée de physique … stop, on ne peut faire mieux dans la nomenklatura française. Plus important, elle sera la conseillère en économie, puis sherpa, puis secrétaire générale adjoint de l’Elysée entre 1990 et 1995 auprès de François Mitterrand.
La suite de sa carrière laisse un peu rêveur. Bien sûr, elle est promise aux plus hautes responsabilités, et de fait la voilà qui vole du statut d’associé chez Lazard frères, à Alcatel, puis au poste de PDG de la Cogema, puis à celui de PDG d’Areva. Celle que l’on a surnommée “Atomic Anne” devient le maître du monde dans le nucléaire. Mais pour différentes raisons, tout cela n’aboutit pas vraiment (si l’on peut dire). Ses relations avec Chirac puis avec Sarkozy ne seront pas sereines. Elle n’arrivera pas à boucler les accords nécessaires avec GDF puis avec EDF. Après quoi, elle est accusée de salaires et de primes surélevées pour des résultats plus que décevants, et ce sont des rapports d’audit puis de la Cour des Comptes qui le disent. S’y ajoute une sombre affaire concernant une société de production d’Uranium (Uramin) dans laquelle son mari, Olivier Fric, est cité. Je ne peux prendre part aux jugements en la matière mais cela laisse un goût salé. Aujourd’hui, elle mène son entreprise de conseil aux grandes entreprises. Une sorte de “condottiere” des affaires, très forte, courageuse, sans grande écoute des autres et sans doute un peu limite comme on dit.
Le second volet est plus intéressant. La « promesse” est celle qu’elle a faite à François Mitterrand d’écrire sur toute la période où elle a été associée de très près à l’action internationale puis à la vie du Président. Lisant son livre, on retient les liens entre ces deux personnes si différentes : François Mitterrand, si littéraire, si complexe, engagé (in fine) dans le socialisme, avec une histoire personnelle que peu ont eu ; et elle, toute jeunette, scientifique, directe, avec si peu de réseaux.
C’est une histoire d’amour pour elle (elle le cache), sans rien de condamnable : la pensée, le culte de l’amitié, le goût de la découverte, l’histoire. Il lui a tout appris et elle a tout appris avec avidité et plus. Bien sûr, on sent qu’elle est emportée par son admiration : le nombre de repas pris ensemble dépasse deux par jour, et si on y ajoute ceux que le Président goûtait avec tel ou tel de ses amis ou de ses conseillers, cela fait beaucoup. De même si l’on pense aux promenades (réelles) de François Mitterrand avec Jacques Attali et plusieurs autres, on reste rêveur. Mais qu’importe ! Le livre est émouvant par la description de l’homme Mitterrand, de ses sensibilités et de ses amitiés, de sa grande qualité.
Pour moi qui ai été un rocardien de stricte obédience, ayant toujours combattu au sein du PS la ligne étatiste des mitterrandiens, je rends les armes ! Pour un peu, je l’aimerais !
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