Jeudi 6 juin, j’ai présenté en conférence de presse mon rapport sur les conséquences des manipulations du Libor et de l’Euribor.
Suite au scandale international de manipulation des taux du Libor et, dans une moindre mesure, de l’Euribor, le Sénat a souhaité enquêter sur les moyens de réformer ces taux interbancaires de référence sur le marché londonien. Ces taux définissent le prix auquel les banques se prêtent de l'argent, mais aussi indirectement ceux des crédits aux ménages et aux entreprises. En effet, le Libor sert de référence pour les 350 000 milliards de dollars de produits financiers à terme.
La remise en cause de la fiabilité de ces taux peut donc avoir de lourdes conséquences sur les marchés et leur stabilité. C’est pourquoi l’Europe s’interroge sur les moyens d’encadrer plus strictement leur fixation. Cette réflexion est accompagnée par celle du Sénat qui a présenté à la presse, jeudi 6 juin, les conclusions de son travail d’enquête sur la régulation du Libor et de l’Euribor. J’ai formulé dans mon rapport, réalisé au nom de la commission des affaires européennes du Sénat, une proposition de résolution européenne pour une réforme européenne des taux.
Je suis revenu sur les principaux enjeux de mon enquête :
1. Quels constats peuvent être posés sur le rôle et l’importance des indices de taux tels que le Libor et l’Euribor ?
Ces indices sont censément des valeurs de référence, guidant l’analyse et l’interprétation des marchés qui participent des décisions d’investissement. Ils ont d’abord été utilisés comme référence pour des activités de prêts et d’emprunts à taux variables : prêts hypothécaires, à la consommation, financement des entreprises ou des collectivités publiques, cartes de crédit et comptes d’épargne...
Leur importance a particulièrement évolué avec la croissance des marchés financiers : ils servent aujourd’hui de référence mondiale pour des volumes substantiels de produits dérivés de taux. Ces indices constituent aussi des références fondamentales pour les banques centrales. L’Euribor est, en zone euro, un élément essentiel de la transmission de la politique monétaire de la Banque centrale européenne.
Le Libor et l’Euribor sont ainsi devenus des biens publics.
2. Les enquêtes se sont multipliées. Que nous apprennent-elles ?
Les fraudes ont révélé les conflits d’intérêts inhérents à la conception de ces indices. Les manipulations identifiées étaient motivées par le souci des banques des panels du Libor et de l’Euribor de générer des profits sur les marchés avant la crise, puis de maîtriser les informations sur leur propre situation une fois la crise éclatée.
Au-delà des conflits d’intérêts, les carences multiples du processus d’élaboration sont désormais reconnues. Le Libor et l’Euribor sont établis à « dires d’expert » dans le cadre de procédures élaborées en totale autorégulation et hors de toute supervision. Ils sont de plus le reflet d’un marché interbancaire qui s’est trouvé considérablement réduit depuis la crise.
3. L’Europe prévoit d’inscrire la gouvernance des taux de référence interbancaire dans le cadre de sa future proposition législative sur la gestion globale des indices. Quelles priorités identifiez-vous ?
Il faut adresser des messages clairs à la Commission européenne.
Il s’agit d’assurer la pérennité de l’Euribor en le dissociant du Libor que les autorités du Royaume-Uni ont déjà réformé. Ces indices de taux doivent être des activités régulées et supervisées dans le cadre européen. Les autorités publiques ne peuvent plus s’exonérer d’une implication dans le processus. La Banque centrale européenne est légitime et compétente pour assumer cette responsabilité. Ces manipulations doivent désormais être soumises à des sanctions conséquentes : le Sénat a déjà proposé des dispositions en ce sens, l’Europe doit le faire aussi.