M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite revenir sur l’Agenda 2020, afin d’exprimer toute ma préoccupation au sujet d’un texte confus et redondant, pour tout dire mal ficelé : y figurent, en filigrane, un certain nombre de politiques, dans le domaine notamment de l’énergie, de l’innovation et de la recherche, ainsi que de la mobilité internationale.
Mais c’est l’absence de tout plan de financement qui m’inquiète. J’ai d’ailleurs posé cette même question à votre collègue allemand cet après-midi. La situation est d’autant plus préoccupante que la majorité des États pratique aujourd’hui une politique de déflation et de réduction des budgets. Or je crains que l’on ne transpose cette mauvaise idée au budget communautaire, ce qui me conduit à vous interroger sur les perspectives financières de l’Union. Son prochain exercice financier sera-t-il maintenu à 1 % du PIB européen ? Nous n’en savons rien, ni la Commission ni le Conseil n’ayant évoqué la question.
L’Agenda 2020 risque fort de connaître un sort encore plus fâcheux que le précédent, ce qui aurait un effet politique désastreux, de nature à désespérer tous ceux qui ont placé leur espoir dans l’Europe. La stratégie de Lisbonne a été un échec, et il me semble que nous nous préparons au même scénario.
Je souhaite également connaître, monsieur le secrétaire d’État, la position du Gouvernement sur la proposition de M. Lamassoure, lequel plaide en faveur d’un congrès ou d’une convention européenne pour traiter les problèmes de financement et d’articulation entre les budgets nationaux et communautaire.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Monsieur Yung, vous avez en effet soulevé la question du financement cet après-midi. Au demeurant, vous avez raison de pointer du doigt les difficultés, tant il s’agit d’un vrai sujet stratégique pour la France, à la veille des négociations sur ce que l’on appelle pudiquement les perspectives financières.
Il convient de réfléchir à ce que sera, concrètement, le budget de l’Europe à partir de 2013 : représentera-t-il, comme c’est le cas actuellement, 1 % du PIB européen, c’est-à-dire 135 milliards d’euros environ, ou bien sera-t-il augmenté ?
La France, par exemple, souhaite conserver à l’avenir une politique agricole européenne. Elle considère, d’ailleurs à juste titre, que c’est une arme stratégique pour l’Europe, surtout dans la perspective d’une planète comptant 9 milliards d’êtres humains, qu’il faudra nourrir, et face à des États-Unis qui, eux, subventionnent leur agriculture. Il serait suicidaire d’abandonner la nôtre, d’où la nécessité de prévoir les crédits nécessaires. Parallèlement, une demi-douzaine d’États européens ne veut plus dépenser un sou en la matière, jugeant préférable de mettre l’argent ailleurs, notamment dans les technologies nouvelles, l’environnement, la recherche ou la génétique.
Par conséquent, l'Union européenne doit s’interroger sur les politiques qu’elle entend promouvoir.
En matière de recherche, de diplomatie ou de défense, tout a un coût et les questions ne manquent pas : quel service d’action extérieure européen envisager ? Voulons-nous vraiment des satellites d’observation antimissiles ? Finalement, comment gérer l'ensemble des priorités ?
Aujourd'hui, nous avons beaucoup de mal à financer les programmes de recherche fondamentaux.
Il en est ainsi du projet ITER, qui a pris du retard et suscite de vraies bagarres. J’espère beaucoup que nous aurons le soutien déterminé, sur ce dossier essentiel, de nos partenaires allemands. La question a d’ailleurs été évoquée tout récemment.
Si l’ITER, plutôt que d’être implanté en France, devait l’être au Japon ou en Corée du Sud, ce serait une catastrophe non seulement pour notre pays, mais aussi pour l’Europe. Il s’agit là du plus grand programme de coopération scientifique au monde, et ses retombées industrielles seront considérables. Or, à ce jour, nous ne disposons pas des fonds nécessaires à sa réalisation.
J’ajoute que la Commission a beaucoup de mal à gérer des programmes d’une telle ampleur. Si, a contrario, la politique spatiale est un succès, c’est précisément parce qu’elle relève d’une agence intergouvernementale spécialisée, l’Agence spatiale européenne : celle-ci travaille, certes, aux côtés de la Commission européenne, mais elle n’en dépend pas.
J’attire donc votre attention sur ce point, monsieur le sénateur : si l’on veut vraiment qu’ITER réussisse, il importe qu’il soit confié à des professionnels, et non aux commissaires. Je m’empresse de dire que je n’ai rien contre ces derniers ni, d’ailleurs, contre la Commission, mais la réussite de tels dossiers dépend de la manière dont ils sont « managés ».
Je vous parle avec mon cœur et ma tête : je forme le vœu que ce programme soit couronné de succès, mais, comme vous l’avez souligné, monsieur Yung, se pose alors la question de son financement et des moyens que la France, notamment, est prête à y consacrer.
Lorsque ce programme a été lancé, j’avais rencontré M. Lamassoure, le président de la commission des budgets du Parlement européen, pour étudier avec lui les implications d’un tel projet. À cet égard, j’ai toujours fait en sorte d’associer les parlementaires membres des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat à ces rencontres, car il est temps que les élus et le pouvoir exécutif agissent de concert.
Dans un premier temps, la France doit dire ce qu’elle veut et fixer le montant des moyens financiers qu’elle est prête à engager. Dans un second temps, nous étudierons avec nos partenaires et avec les instances européennes les modalités pratiques de réalisation de ce projet.
Si je ne me trompe pas, M. Lamassoure est favorable à la création d’un impôt européen,…