Le mercredi 9 février 2011, j'ai présenté devant la commission des lois une communication sur les initiatives européennes en matière de droit de la famille.
M. Richard Yung. - La réunion à laquelle j'ai assisté au nom de la commission le 30 novembre dernier a été organisée par la commission des affaires juridiques du Parlement européen et elle a porté sur les initiatives européennes en matière de droit de la famille.
L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne a changé la donne puisque la coopération judiciaire en matière civile relève maintenant de la procédure législative ordinaire. Seules les mesures relatives au droit de la famille obéissent à la procédure législative spéciale qui requiert l'unanimité au sein du conseil.
Mme Viviane Reding a introduit les travaux de la réunion en insistant sur la nécessité de faciliter la vie des citoyens européens qui s'établissent ou circulent dans un autre pays que le leur.
Quatre sujets ont été examinés à cette occasion : les successions transfrontalières, le règlement transfrontalier des divorces et les régimes matrimoniaux, la reconnaissance des couples et des différentes formes de conjugalité dans l'Union et, enfin, les médiations familiales.
La commission des lois a déjà eu l'occasion de se pencher sur le premier sujet avec la proposition de résolution rapportée par notre ancien collègue M. Pierre Fauchon. Le projet de règlement relatif aux successions transfrontalières vise à établir un cadre législatif cohérent pour le règlement des conflits de lois en matière de successions, la détermination du juge compétent et la reconnaissance mutuelle et l'exécution des décisions en la matière. La loi applicable serait celle de la dernière résidence du défunt sauf à ce qu'il ait expressément opté pour sa loi nationale.
Nous nous étions inquiétés en commission de ce qu'on puisse ainsi échapper au mécanisme de la réserve héréditaire. Force est de constater qu'aucune garantie n'est donnée sur ce point, ce qui nous impose de rester vigilants.
S'agissant des divorces transfrontaliers et des régimes matrimoniaux, l'Union européenne ne connaît que le règlement Bruxelles II bis qui définit le juge compétent et pose le principe d'une reconnaissance mutuelle en matière matrimoniale.
Deux initiatives sont à signaler : tout d'abord, la coopération renforcée en matière de divorce, première de l'histoire de l'Union. Elle répond à l'impasse dans laquelle était placée l'Europe, la Suède s'étant opposée à la proposition de règlement dite « Rome III » qui visait à permettre aux époux de choisir comme loi applicable à leur divorce, celle de leur mariage, celle de leur nationalité, celle de leur résidence habituelle ou celle du juge du lieu où ils se sont mariés.
Le Conseil JAI des 2 et 3 décembre dernier a validé le projet de règlement restreint aux 14 Etats membres de cette coopération renforcée.
La seconde initiative n'est pas à proprement parler communautaire puisqu'il s'agit uniquement d'une initiative bilatérale sur la création, en février 2010, d'un régime matrimonial franco-allemand. Elle répond à des difficultés avérées. Ce régime fonctionne comme si les époux étaient sous le régime de séparation de biens : ils conservent l'administration, la jouissance et la libre disposition de leurs biens personnels et chacun reste seul tenu des dettes nées de son chef avant ou pendant le mariage. Ils ne peuvent cependant pas déroger à certaines règles impératives relatives au logement de la famille et à la solidarité des dettes engagées dans l'intérêt du ménage. Ce régime franco-allemand constitue un progrès notable. En inspirera-t-il d'autres ?
La question de la reconnaissance des différentes formes de conjugalité ne fait l'objet d'aucune initiative particulière de l'Union européenne. En revanche, cette thématique a été débattue au cours de la réunion.
Certains Etats membres reconnaissent le mariage homosexuel, d'autres un partenariat entre personnes de même sexe équivalent au mariage, d'autres des partenariats conventionnels similaires au Pacs et, enfin, certains ne connaissent que le mariage entre personnes de sexe différent. Cette hétérogénéité n'est pas sans poser de difficultés lorsque se pose la question de la reconnaissance dans un Etat donné d'une union contractée dans un autre Etat. La solution qui semble se généraliser est celle de la reconnaissance des unions étrangères dans leur qualification d'origine, sous réserve des dispositions d'ordre public.
Le dernier thème sur lequel a porté la réunion est celui du développement de la médiation familiale dans le cas des enlèvements internationaux d'enfants. Une réflexion est engagée pour constituer un groupe de travail spécifique au sein du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, chargé d'examiner les moyens les plus appropriés pour promouvoir et améliorer l'utilisation de la médiation familiale internationale dans les cas de rapts internationaux d'enfants. Cette question se pose en Europe mais aussi vis-à-vis d'autres pays comme le Japon, qui n'a pas ratifié la convention de La Haye.
Un rapport doit par ailleurs être prochainement déposé par la commission des affaires juridiques sur l'application du règlement Bruxelles II bis sur la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière d'autorité parentale.