À trois semaines du premier tour, Nicolas Sarkozy n’a toujours pas présenté son programme. Néanmoins, il a égrené quelques propositions par ci par là, au cours de réunions avec ses sympathisants ou lors de shows télévisés.
L’une d’elle, la création d’un « Buy European Act », laisse particulièrement pantois.
Derrière ce nom anglais se dresse le problème de la concurrence inéquitable à laquelle doivent faire face les entreprises européennes dans l’accès aux contrats publics.
En effet, d’un côté, l’Union européenne se caractérise par une ouverture à 90% de son secteur des marchés publics, de l’autre, ses partenaires n’ouvrent leur commande publique que très partiellement pour certains (USA, Canada…) voire pas du tout pour d’autres (la Chine notamment). Concrètement, aujourd’hui, une entreprise chinoise construit une autoroute sur fonds européens en Pologne alors que les entreprises européennes ne sont éligibles à aucun appel d’offre lancé par les pouvoirs publics chinois.
Les socialistes européens, mon camarade Henri Weber notamment, dénoncent depuis fort longtemps ce manque de réciprocité et cette asymétrie qui pénalisent les entreprises européennes et ne jouent pas en faveur de la croissance économique européenne. La fermeture des marchés publics des pays tiers représente un manque à gagner de 12 milliards d’euros par an d’après Michel Barnier, commissaire au Marché Intérieur.
Le parti socialiste européen revendique depuis des années une clause « Buy European » dans le domaine des marchés publics. Et les socialistes se sont toujours battus en faveur de la réciprocité dans les marchés publics et d’un engagement fort contre la réduction des coûts de production via le dumping social, fiscal et environnemental.
Aujourd’hui, la Commission européenne semble avoir pris conscience de la situation de concurrence déloyale dans laquelle se trouvent les entreprises européennes. Et après un long travail préparatoire, elle a enfin proposé d’adopter une réglementation pour favoriser la réciprocité dans l’accès aux marchés publics.
Mais la conception sarkozyste du « Buy european act » diffère de celle de Bruxelles. Pour le candidat sortant il s’agit non pas de lutter en faveur d’une ouverture réciproque des marchés publics mais tout simplement d’adopter les pratiques protectionnistes que nous dénonçons tous et que nous voudrions voir disparaître.
Nicolas Sarkozy prétend empêcher les entreprises non ressortissantes de l’UE d’accéder aux marchés publics européens. Mais cette promesse populiste faite à Paris, il ne pourra la tenir à Bruxelles. Car il sait très bien qu’elle est contraire aux engagements européens pris à l’OMC et que nombreux sont les gouvernements des autres états membres qui refuseront de le suivre sur la voie du repli sur soi. Or la politique commerciale relève entièrement de la compétence de l’UE et nous sommes donc 27 à prendre les décisions.
La proposition de la Commission a l’avantage d’être beaucoup plus raisonnable car contrairement à celle du candidat sortant elle n’est pas fondée sur le protectionnisme électoraliste et le repli sur soi qui caractérise la campagne de Nicolas Sarkozy.
Les socialistes européens et français continueront à prôner le « juste échange », c’est à dire la réciprocité, l’équilibre et le respect des normes (sociales, environnementales…) dans les échanges commerciaux.