Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en 2009, la Commission européenne s’est vu infliger un « carton jaune » par les parlements nationaux.
Douze chambres parlementaires – dont le Sénat français – ont en effet adressé à l’exécutif européen un « avis motivé » contestant, au nom du principe de subsidiarité, la proposition de règlement relatif à l’exercice du droit de mener des actions collectives, qui traite notamment du droit de grève des travailleurs détachés dans le cadre d’une prestation de services.
Présenté le 21 mars dernier, ce texte tend à subordonner pour partie le droit de grève aux libertés économiques (liberté d’établissement, libre prestation de services). En d’autres termes, il vise à permettre la limitation des droits fondamentaux de tous les travailleurs européens qui sont envoyés par leur employeur dans un autre État membre pour réaliser une mission temporaire. Un million de personnes sont concernées.
En vertu du mécanisme d’alerte précoce, un tiers des parlements nationaux a estimé qu’en encadrant l’exercice du droit de grève, la Commission européenne a outrepassé ses pouvoirs. En effet, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) exclut catégoriquement le droit de grève du champ des compétences de l’Union.
La Commission européenne doit désormais réexaminer sa proposition de règlement. Pour respecter le principe de subsidiarité, elle doit poser le principe selon lequel les droits sociaux fondamentaux des travailleurs priment sur les libertés économiques dans le marché intérieur. C’est précisément ce que j’avais demandé dans une proposition de résolution que j’avais déposée au Sénat… en 2009.
Je me réjouis de cette initiative commune. Elle est le signe d’une réelle implication des parlements nationaux dans le processus législatif européen. Elle contribue également à casser l'image – largement véhiculée – d'une Europe purement technocratique. La démocratie européenne vient de marquer un point. Il faut désormais le faire savoir à nos concitoyens, qui sont encore nombreux à avoir le sentiment que la construction européenne se fait sans les peuples.