Tribune de Christophe Caresche, Député de Paris (PS) et Richard Yung, Sénateur des Français établis hors de France (PS)
Le 13 décembre dernier, le Conseil européen a décidé de réaliser l’union bancaire en confiant la supervision de toutes les banques européennes à une autorité spécifique créée au sein de la Banque centrale européenne (BCE) et en harmonisant les systèmes nationaux de restructuration bancaire et de garantie des dépôts.
Ces propositions sont nécessaires pour assurer une surveillance efficace et indépendante de l’activité des banques, dont on a pu voir dans le passé qu’elles pouvaient avoir des pratiques spéculatives et dangereuses pour l’économie et les ménages. Il est également nécessaire de faire en sorte qu’en cas de difficultés, voire en cas de faillite d’une banque, ce soit d’abord les actionnaires, les créanciers et les dépôts non garantis qui soient appelés à combler les dettes. Le recours aux fonds publics ne doit venir qu’en dernier ressort. Tous les pays de la zone euro, et même au-delà, partagent cette conception et sont en train de se doter des législations nécessaires au niveau national. Il reste à parachever cet édifice au niveau de la zone euro.
Nous pensions qu’il y avait un large consensus sur l’action à mener, à commencer avec l’Allemagne, toujours soucieuse de réglementation vertueuse. Les questions à trancher sont certes difficiles : indépendance, au sein de la BCE, de la mission de supervision bancaire par rapport à celle de politique monétaire ; mode de fonctionnement du mécanisme de supervision et articulation avec les autorités nationales compétentes ; conditions d’harmonisation des fonds de garantie ; règles de renflouement interne (« bail-in ») ; égalité de traitement entre tous les États membres, qu’ils appartiennent ou pas à la zone euro ; etc. Cependant, l’heure n’est plus aux tergiversations.
C’est pourquoi les récentes déclarations du ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, demandant que les traités européens soient modifiés préalablement à la réalisation de l’union bancaire ont surpris et déçu. Elles ont surpris car elles contredisent l’engagement pris par Berlin en décembre dernier. Elles ont également déçu venant d’un pays toujours prompt à appeler à un fédéralisme plus achevé. Au demeurant, la demande formulée par nos amis d’Outre-Rhin n’a pas de sens car il est parfaitement possible de légiférer à traité constant. De plus, chacun sait qu’une renégociation des traités est plus difficile, voire impossible, puisqu’elle requiert l’unanimité des vingt-sept – et bientôt des vingt-huit. En tout état de cause, une telle initiative prendrait plusieurs années. Or, la crise chypriote a souligné l’urgence d’adopter cette réforme, qui conditionne la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité (MES). Elle est aussi l’une des conditions d’une reprise saine et stable de l’économie européenne.
C’est pourquoi nous appelons les chefs d’État et de gouvernement à faire preuve de courage politique en adoptant, d’ici à juin, le paquet législatif en cours de négociation et en soutenant les propositions que la Commission formulera prochainement en vue de la création d’une autorité et d’un fonds européens de restructuration bancaire. Du parachèvement de l’union bancaire avant les élections européennes de 2014 dépend la rupture du cercle vicieux entre la dette souveraine et la dette bancaire.