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Richard Yung
Octobre 2021

Le 8 février, ma collègue Fabienne KELLER, sénatrice (LR) du Bas-Rhin, et moi-même avons présenté, dans le cadre du groupe de suivi sur le Brexit et la refondation de l'UE, une communication sur la gouvernance de la zone euro.

Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de la réunion du groupe de suivi.

M. Jean Bizet, président. – La gouvernance de la zone euro devra occuper une place importante dans les conclusions des travaux de notre groupe de suivi. Je remercie nos deux collègues d’avoir approfondi cette question, en lien étroit avec la Présidente de la commission des finances Michèle André et le Rapporteur général Albéric de Montgolfier. L’audition de Jean-Claude Trichet et de Pervenche Bérès nous avait donné des pistes intéressantes pour notre réflexion. On sait néanmoins que la Commission européenne doit présenter un Livre Blanc en mars. Nos conclusions ne pourront donc pas être définitives. Le Sénat devra poursuivre ses travaux sur le sujet.

Mme Fabienne Keller. – La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne constitue aujourd’hui une opportunité indéniable pour réaffirmer le projet politique que constitue l’euro. Je rappelle que les Traités prévoient que tous les États adhèrent à terme à la zone euro. Le renforcement de l’Union économique et monétaire apparaît cependant aujourd’hui dans l’attente d’un second souffle, alors même que les institutions européennes multiplient des rapports en faveur d’un approfondissement de la zone euro, avec en filigrane l’instauration d’instruments contra-cycliques (budget européen, mécanisme d’assurance chômage européen, mutualisation d’une partie de la dette). Aller plus loin implique désormais un choix collectif en faveur d’un renforcement de la coordination des politiques budgétaires et donc de nouveaux partages de souveraineté.

Une première étape doit consister en la poursuite de ce qu’on appelle la phase I de l’approfondissement de l’UEM, lancée en octobre 2015. Censée se terminer le 30 juin 2017, il s’agit d’un approfondissement par la pratique, utilisant les instruments existants. Plusieurs dispositifs ont déjà été mis en place : réforme du semestre européen, révision de la procédure pour déséquilibre macro-économiques, création d’autorités nationales de la productivité, institution d’un comité budgétaire consultatif européen, unification progressive de la représentation de la zone euro au sein des instances financières internationales ou lancement d’une consultation sur un socle européen des droits sociaux. Certains – comité budgétaire, autorités nationales de la productivité – mériteraient de voir leur rôle clarifié afin de mieux évaluer leur apport.

Il convient d’aller plus loin sur les autres propositions, en favorisant notamment la mise en place d’un Code de convergence social et fiscal. Il est nécessaire d’établir progressivement un mécanisme d'incitation à la convergence des règles relatives aux marchés du travail et aux systèmes sociaux afin de véritablement renforcer la dimension sociale de la zone euro. La démarche en matière sociale devra également être prolongée dans le domaine fiscal, au travers de la réflexion en cours sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) en vue de renforcer la convergence des économies de la zone et lutter contre le développement de la concurrence fiscale entre les États. Un calendrier doit notamment être mis en place en vue de rapprocher la fiscalité des entreprises. Toute convergence en la matière ne doit pas se faire au détriment de la compétitivité des entreprises françaises ou des recettes fiscales nationales. Le couple franco-allemand peut constituer le cadre pour accélérer cette convergence.

La réforme du semestre européen doit également être prolongée. Le semestre européen devrait être divisé en deux périodes afin de mieux mettre en avant l’évaluation de la situation de la zone euro. Le premier trimestre serait dédié à l’analyse de la situation macro- économique de la zone euro. L’orientation de la politique budgétaire et de la politique économique au niveau de la zone pourrait ainsi être définie. Le deuxième trimestre serait consacré à l’examen des pays.

L’Union bancaire doit également aboutir le plus rapidement possible. Il s’agit de mettre en œuvre un fonds européen d'assurance des dépôts. La possibilité pour le Mécanisme de résolution unique prévu dans le cadre de l’Union bancaire de pouvoir emprunter auprès du Mécanisme européen de stabilité lorsqu’il doit affronter une crise systémique doit également être envisagée. À défaut, il devra être doté de moyens suffisants pour être crédible.

Une réforme de l’UEM ambitieuse passera par une réflexion sur la mise en place d’un Fonds monétaire européen ou d’un budget de la zone euro. Je laisserai Richard Yung détailler ces projets. Tous sont néanmoins conditionnés par le renforcement de la légitimité démocratique de l’UEM – un renforcement au demeurant d’ores et déjà nécessaire aujourd’hui. Il semble à ce titre indispensable de réfléchir à une meilleure association des parlements nationaux.

L'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prévoit une conférence interparlementaire, réunissant représentants des parlements nationaux et du Parlement européen. J’ai pu encore mesurer, la semaine passée, les limites de cette réunion. Il s’agit aujourd’hui de la réformer et de renforcer son rôle, tant son format n’apparaît pas adapté pour permettre l'organisation de débats de fond entre parlementaires nationaux et européens. Le temps accordé aux exposés d'experts, ainsi que le nombre de sujets à l'ordre du jour doivent être réduits. La conférence devrait, en outre, être associée aux travaux de la Commission sur l’évaluation de la situation agrégée de la zone euro, sur les projets de recommandation visant les États dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance ou de la procédure de déséquilibre macro-économique mais aussi au suivi de la situation des États qui bénéficient d’une assistance financière. Elle doit pouvoir auditionner tout acteur institutionnel de l’UEM.

Dans ces conditions, ce véritable parlement de la zone euro pourrait se réunir, à Strasbourg, pour au moins deux sessions : la première au début du semestre européen, en novembre, pour l’examen de la situation de la zone euro, et la deuxième, en juin de l’année suivante, pour la présentation des projets de recommandation par pays. Nous serions ainsi en amont des procédures budgétaires nationales. Il s’agit désormais d’aller plus loin que les conclusions adoptées par la conférence de l’article 13 et d’envisager l’adoption de résolutions par la Conférence. Il pourrait être envisagé que ce soit cette Conférence qui valide, au nom des parlements nationaux, le principe d’un engagement du Fonds monétaire européen pour aider un État membre. L’engagement de crédits resterait cependant une prérogative des parlements nationaux.

Je laisse la parole à Richard Yung pour aborder les autres pistes envisageables pour renforcer la gouvernance économique de la zone.

M. Richard Yung. – Fabienne Keller vient de présenter les voies à suivre afin d’achever la phase I du complément de l’UEM et d’assurer l’indispensable renforcement de la dimension démocratique de cette Union, en particulier le rôle des parlements nationaux. Pour ma part, je voudrais développer deux séries de réflexions : d’abord, quant à la mise en place d’un mécanisme de stabilisation budgétaire pour la zone Euro ; ensuite, quant à la gouvernance exécutive de cette zone.

En ce qui concerne un éventuel mécanisme de stabilisation budgétaire, je ferai d’abord deux rappels.

Premièrement, le Pacte de stabilité et de croissance, depuis vingt ans, a surtout été un pacte de stabilité. C’est sans doute une erreur. L'accent a été mis sur le maintien des déficits publics à moins de 3 % du PIB. En dépit des clauses de flexibilité de ce Pacte, l’instrument budgétaire demeure faiblement utilisé par les États membres. Je vous renvoie aux débats auxquels ont donné lieu nos auditions de Mme Pervenche Berès et M. Jean-Claude Trichet, ainsi qu’au récent rapport de M. Mario Monti. Le retour à l’équilibre des comptes publics apparaît comme prioritaire, au risque de peser sur la relance économique. Notre croissance « molle » s’explique sans doute ainsi pour une part.

Deuxième rappel : le rapport dit « des cinq présidents », voici plus d’un an et demi, a prévu une phase II de complément de l’UEM, à compter de juillet 2017 – autant dire : demain – et jusqu’en 2025. L’objectif de cette phase est de mettre en place un mécanisme de stabilisation budgétaire pour la zone Euro. Cependant, la forme de ce mécanisme n’a pas été précisée dans le rapport. Seuls ont été présentés certains critères à remplir, assez généraux : ouverture et transparence de l’instrument pour tous les États membres ; non seulement un rôle de gestion de crise mais aussi de prévention des crises ; une utilisation conditionnée au respect de règles de coordination budgétaire ; enfin, pas de transferts permanents entre pays ni de transferts à sens unique. Ce dernier critère était vraisemblablement destiné à satisfaire l’Allemagne.

Dans ce contexte, deux options sont imaginables. La première serait de transformer l’actuel Mécanisme européen de stabilité (MES) en un « Fonds monétaire européen » (« FME »).

M. Jean Bizet, président. – C’est une hypothèse séduisante !

M. Richard Yung. – Oui. Ce FME serait en effet de nature à favoriser une gestion plus souple qu’aujourd’hui. A minima, il assurerait la gestion commune d’une partie de la dette des États membres avec l’objectif de renforcer la stabilité de la zone Euro. Il serait doté de capacités de négociation et de suivi propres, afin de limiter les risques d’attaques spéculatives sur les dettes souveraines et de faciliter une éventuelle restructuration de la dette publique d’un pays membre de la zone euro, sans faire appel au Fonds monétaire international (FMI). Il pourrait en outre se voir octroyer une licence bancaire, qui lui permettrait de se refinancer auprès de la Banque centrale européenne (BCE). Il s’agirait là d’une garantie en vue de faire face à une crise frappant directement un grand pays de la zone Euro. On peut en effet s’interroger sur la capacité du MES à assumer de telles interventions, avec ses ressources actuelles : plus de 700 milliards d’euros, dont on a utilisé que le dixième environ.

Ce FME pourrait également émettre de la dette pour les États membres confrontés à des difficultés. Cette dette additionnelle serait garantie par tous les États membres de la zone Euro. À cet égard, je dois dire que le FMI se montre plus ouvert que l’Union européenne qui, sous la pression de l’Allemagne, rechigne à certains scénarios. La difficulté dans laquelle se trouve aujourd’hui la Grèce en témoigne.

Pourrait-on aller plus loin, à plus long terme ? Ce serait la deuxième option : créer une véritable capacité budgétaire pour la zone Euro. Cette idée, pour l’heure, soulève encore de nombreuses questions.

Quant à l’objectif, différentes possibilités existent.

On pourrait créer un « rainy-day fund » – disons : un « fonds pour les mauvais jours » –, mécanisme d’assurance intergouvernemental destiné à assister les États membres en cas de chocs conjoncturels. C’est déjà la vocation du MES, mais il est peu utilisé, et le FME que j’envisageais tout à l’heure répondrait à cette préoccupation.

On pourrait créer un budget de la zone Euro à part entière, orienté vers une réponse contra-cyclique, encourageant les pays ayant d’importants excédents à réaliser des investissements.

On pourrait encore mettre en place plus directement un budget d’investissement de la zone Euro, qui permettrait de faire face aux chocs asymétriques en encourageant les réformes. Cet instrument pourrait aider des États membres faisant face à des évènements imprévus et soutenir les réformes structurelles engagées par des gouvernements contraints par les règles du Pacte de stabilité et de croissance, en démultipliant le programme d’appui à la réforme structurelle présenté par la Commission européenne.

L’idée existe également de créer un système d’assurance chômage à l’échelle de l’UEM : soit un fonds européen qui offrirait une assurance aux chômeurs de courte durée, soit un dispositif de réassurance pour les assurances chômage nationales, activé si le niveau de chômage venait à excéder un certain niveau.

Quant aux ressources permettant d’alimenter ce budget, sujet au cœur de la récente audition de MM. Mario Monti et Alain Lamassoure à laquelle ont procédé en commun les commissions des finances et des affaires européennes, les hypothèses sont diverses. L’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés (ACCIS), objet de propositions de la Commission européenne selon une approche graduée, peut constituer une piste. Il y a également celle de la TVA, ou encore celle de l’impôt sur les sociétés ou d’une taxe sur les transactions financières – qui suscitent les réticences que l’on sait de la part des entreprises et des banques ! On pourrait encore imaginer de mettre à contribution tout ou partie des excédents de la BCE...

M. Jean Bizet, président. – Il me semble que ce dernier point mériterait d’être creusé.

M. Richard Yung. – Sans doute. J’ajouterai que la possibilité d’une mise en commun des dettes dans le cadre d’un « Trésor européen » ne pourrait être envisagée qu’à la condition d’une réelle coordination des politiques budgétaires et économiques des États membres et de leur convergence fiscale.

Les idées sont très nombreuses. Toute la difficulté est de trouver un accord, notamment avec l’Allemagne – mais pas seulement.

En tout état de cause, la perspective de telles réformes appelle, dès à présent, une rénovation de la gouvernance de la zone Euro. Fabienne Keller ayant abordé l’aspect démocratique et parlementaire, je m’attacherai à la dimension exécutive.

À cet égard, le besoin est d’abord de renforcer le pilotage politique de la zone Euro ; nous ne cessons de le dire… Il s’agit d’assurer progressivement la coordination des politiques économiques et budgétaires et une convergence fiscale des États membres, ainsi qu’une meilleure complémentarité avec l’action de la BCE.

Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) a instauré un sommet de la zone Euro. En pratique, cependant, ce sommet, qui n’est réuni qu’en cas de crise, manque de substance. Il conviendrait donc d’en systématiser l’organisation ; le sommet de la zone Euro, par exemple, pourrait se réunir tous les trois ou six mois. Les chefs d’État et de gouvernement, dans ce cadre, établiraient un programme de travail pour la zone, fixant des objectifs en matière budgétaire et fiscale.

Par ailleurs, il est nécessaire de renforcer la visibilité politique de la zone Euro. Le sommet de la zone Euro est certes doté, en droit, d’un président, désigné par les chefs d’État et de gouvernement, mais c’est en pratique le président du Conseil européen. Il faudrait créer un véritable coordonnateur politique de la zone Euro, qui serait le président de l’Eurogroupe et dont les missions seraient notamment de mettre en œuvre les orientations définies par le sommet de la zone Euro et assurer la représentation de cette zone au sein des instances financières internationales. On peut imaginer en outre qu’il soit, sur le modèle du Haut- représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), vice-président de la Commission européenne, qu’il préside le conseil Ecofin et soit responsable du MES puis, le jour venu, du FME, voire d’un éventuel budget de la zone Euro.

Cela dit, je me garderais bien de trancher sur la manière dont toutes ces propositions pourraient recueillir un accord entre les États membres…

M. Jean Bizet, président. – Merci pour ce rappel des pistes actuellement à l’étude pour renforcer la gouvernance économique et cette mise en perspective. Par souci de simplification mais aussi pour l’image, je suis assez favorable à la transformation du Mécanisme européen de stabilité en un véritable Fonds monétaire européen, doté de surcroît d’une licence bancaire. Cela renforcerait la visibilité de l’Union économique et monétaire.

Nous devons également réfléchir à la question des ressources propres. Nous sommes à la recherche de nouvelles pistes en la matière. Sans verser dans la caricature, je suis assez séduit par l’idée d’un prélèvement sur les excédents de la Banque centrale européenne. La taxe sur les transactions financières a été envisagée. La Belgique est cependant en train de se retirer de la coopération renforcée au risque de faire échouer celle-ci. On peut également envisager un reliquat de TVA. Il faudra expertiser à l’avenir ces différentes possibilités.

Mme Fabienne Keller. – Nous devons très vite envoyer un signal avec des mesures visibles. Le Fonds monétaire européen et le Parlement de la zone euro sont des idées séduisantes mais à long terme. Nous devons progresser plus rapidement vers la convergence fiscale, afin de réduire la concurrence en la matière qui donne un sentiment d’inégalité, notamment sur les territoires où est créée effectivement la richesse. Nous devons trouver des mesures symboliques en la matière. Cette question est en train de devenir le scandale de l’Union européenne.

M. Didier Marie. – Concernant les ressources propres, il faudrait s’intéresser à la question de l’évasion fiscale. L’Union européenne comme les États membres doivent être plus performants dans ce domaine, notamment en matière de perception des taxes. Je pense notamment aux grandes entreprises du secteur numérique. Les exemples ne manquent pas ces derniers temps comme l’illustre le cas de l’Irlande avec Google.

M. Richard Yung. – Si M. Trump parvient à diminuer de 35 à 15 % le taux de l’impôt sur les sociétés aux États-Unis, les entreprises américaines cesseront de s’installer au sein de l’Union européenne… La difficulté tient à trouver un accord au niveau européen. Il n’existe pas de volonté politique pour y parvenir…

Mme Fabienne Keller. – Qu’en sera-t-il demain si le Royaume-Uni joue lui aussi sur le biais de la concurrence fiscale. Il existe aujourd’hui un véritable sentiment d’injustice et de révolte concernant ces questions, notamment chez les petites entreprises qui ne peuvent délocaliser leur activité au gré des taux d’imposition. La commissaire européenne Margrethe Vestager mène un combat qu’il convient d’appuyer au plus haut niveau, tant il est un signal fort au sein même de l’Union et au dehors…

M. Jean Bizet, président. – J’insiste également sur cette urgence en matière fiscale. Elle est à mon sens double. Comme le conclut Marcel Gauchet dans son dernier ouvrage, compte-tenu de ses performances économiques, l’Allemagne aura-t-elle encore besoin de l’Union européenne ? Dans ces conditions, quel avenir pour la convergence fiscale dont le couple franco-allemand pourrait être le moteur ? Par ailleurs, comme l’a souligné Fabienne Keller, il existe aujourd’hui un risque certain à ce que, une fois sorti de l’Union européenne, le Royaume-Uni soit tenté par le dumping fiscal…