Le 3 avril, je suis intervenu dans un débat sur le thème « Les enjeux d’une politique industrielle européenne ».
Vous trouverez, ci-dessous, la vidéo et le compte rendu de mon intervention et de la réponse qui m’a été apportée par la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, Agnès Pannier-Runacher.
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M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Il y a un mois environ, la France a signé avec l’Allemagne un manifeste pour une politique industrielle européenne. Nous nous en réjouissons tous.
Simplement, j’ai cru comprendre que parmi les autres pays membres de l’Union européenne, certains avaient accueilli avec une certaine fraîcheur cet accord. Pourriez-vous nous en dire un peu plus, madame la secrétaire d’État ? Quels sont ces pays et, surtout, quels sont les points de friction ?
Dans ce manifeste, Paris et Berlin proposent que le Conseil européen bénéficie d’un droit de recours en vue de revenir sur les décisions de la Commission en matière de concurrence. Quelle forme cette procédure d’appel politique pourrait-elle prendre ?
Il est désormais temps de faire des propositions pour réformer la politique de concurrence et les règlements en la matière. J’ai compris que Mme Vestager était plutôt ouverte sur le sujet. Je proposerai pour ma part que la Commission prenne en compte dans son appréciation l’ensemble du marché européen et réalise ses études et projections à moyen et long terme.
Nous devrions également revenir sur l’interdiction des aides publiques aux entreprises, règle qui n’existe nulle part ailleurs. Comme vous le savez, nos amis américains, parmi d’autres, ne se privent pas d’aider leurs entreprises.
Je propose par ailleurs de limiter l’intervention de la Commission aux cas les plus importants et les plus affectés par les échanges entre les pays membres.
Enfin, on l’a rappelé à plusieurs reprises, je souhaiterais restaurer ou imposer le principe de réciprocité. Il est anormal que nous ne puissions pas accéder aux marchés publics de la plupart des pays situés en dehors de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Yung, pour répondre à votre interrogation à propos des pays qui accueilleraient fraîchement les propositions de la France et de l’Allemagne, je crois utile tout d’abord de rappeler tout le travail que mène actuellement Peter Altmaier pour embarquer l’Allemagne elle-même dans cette démarche. Il s’agit en effet d’une vraie révolution copernicienne que de s’engager dans un tel projet.
Je discutais récemment avec l’un des dirigeants du BDI, l’équivalent du Medef allemand dans l’industrie : celui-ci accueille plutôt favorablement ces propositions. Le seul point de tension, le seul sujet d’inquiétude, mais qui me paraît en fait davantage relever d’une question de vocabulaire, concerne la notion de « champion européen ».
Il est vrai que les Français y tiennent, au regard notamment de la structuration de leur industrie et compte tenu de l’existence de très grands groupes qui sont les leaders mondiaux de leur secteur. L’Allemagne et le Portugal font valoir que leur industrie repose sur des groupes de taille plus modeste, le Mittelstand allemand et les PME portugaises en particulier. Ces États sont sensibles aux enjeux en termes de consolidation. Je crois que l’on peut les rassurer sur nos intentions dans le cadre des travaux que l’on mène ensemble. Il ne s’agit pas d’imposer les grands groupes français partout en Europe.
L’autre point de tension concerne évidemment le budget.
Le deuxième sujet qui fait à peu près consensus a trait à l’innovation, en particulier en matière d’intelligence artificielle et de numérique : l’ensemble des pays s’accordent sur l’idée selon laquelle il faut élever le niveau de jeu et investir ensemble.
Vous m’interrogez sur l’interdiction des aides publiques aux entreprises. Je précise que ce type d’aides n’est pas interdit, mais encadré. Ces aides le sont d’ailleurs dans tous les pays membres de l’OMC. Au sein de l’Union européenne, elles doivent respecter les règles européennes.
Les aides aux PME sont autorisées : c’est ce qui nous a permis de créer un dispositif de suramortissement, par exemple. De même, les PIIEC représentent des aides massives à destination de secteurs entiers : ainsi, la France investit 1 milliard d’euros dans les nanotechnologies et 700 millions d’euros dans le secteur automobile, au travers des batteries électriques. Ces aides existent d’ores et déjà.