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Richard Yung
Octobre 2021

Instaurer un climat de confiance et un nouvel équilibre entre responsabilité et solidarité. Tel est l’objectif du nouveau pacte sur la migration et l’asile, que la Commission européenne a présenté le 23 septembre dernier, soit quelques jours après l’incendie du plus grand camp de réfugiés d’Europe, situé à Moria (île grecque de Lesbos).

Prenant acte des maigres progrès réalisés depuis 2016 en matière de réforme du régime d’asile européen, la Commission propose de créer un cadre européen commun pour la gestion de la migration et de l’asile. Il s’agit d’« éviter que ne se reproduisent des évènements comme ceux survenus à Moria » et, plus largement, de faire en sorte que l’UE soit mieux préparée à une crise migratoire comparable à celle de 2015-2016, au cours de laquelle près de deux millions de personnes avaient franchi illégalement les frontières extérieures de l’UE.

Lors de son premier discours sur l’état de l’Union, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait promis une « approche axée sur l’humain et empreinte d’humanité ». Force est malheureusement de constater que la promesse est très partiellement tenue.

À l’instar du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, je regrette que les propositions de la Commission soient principalement axées sur la question du « retour » des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. La part du pacte consacrée à la protection des frontières extérieures de l’UE est, à mon sens, excessive. Il faut probablement y voir la volonté de la Commission d’obtenir l’assentiment des pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie), qui perçoivent l'Europe comme une forteresse assiégée et demeurent opposés à la relocalisation de demandeurs d’asile sur leur territoire.

Les propositions de la Commission figurent dans douze documents, dont cinq propositions de règlement. L’approche de l’exécutif européen se veut « globale ».

Afin d’» établir rapidement le statut d’une personne à son arrivée » sur le territoire de l’UE, l’exécutif européen propose la mise en place d’un « filtrage préalable ». Ce dernier serait effectué dans le cadre de centres d'accueil et d'enregistrement s’apparentant aux hotspots conçus en 2015. Il serait destiné à identifier les demandeurs d’asile « cherchant à induire les autorités en erreur, dont le pays d’origine présente un faible taux de reconnaissance [inférieur à 20%] et qui ne sont pas susceptibles d’avoir besoin d’une protection, ou qui constituent une menace pour la sécurité nationale ». Ces personnes seraient soumises à une procédure d’asile à la frontière (traitement de la demande dans un délai maximum de douze semaines), à l’exception des enfants non accompagnés et des enfants de moins de douze ans ainsi que leur famille. La Commission souhaite ainsi rendre « plus efficace » la procédure d’asile normale, qui continuerait de s’appliquer aux personnes considérées comme éligibles à une protection. Quant aux personnes déboutées du droit d’asile, elles feraient l’objet d’une procédure de retour rapide (délai maximum de douze semaines).
En matière de migration et d’asile, j’ai appris à me méfier des procédures accélérées, qui ne garantissent pas toujours le plein respect des droits fondamentaux et du principe de non-refoulement, et donnent souvent lieu à un contentieux pléthorique. À l’instar de La Cimade, je crains que la procédure de filtrage à la frontière ne permette aux États de « déroger aux conventions de droit international » qui s’appliquent sur le territoire européen.

En vue d’améliorer « l’efficacité des retours », qui ne sont effectifs que dans un tiers des cas environ, la Commission propose la mise en place d’un « système commun de l’UE en matière de retour » (refonte de la directive dite « retour » ; nomination d’un coordinateur chargé des retours ; promotion du retour volontaire ; etc.). Elle souhaite par ailleurs faire de la politique en matière de visas un levier de la réadmission des migrants en situation irrégulière. Conformément au nouveau code communautaire des visas, les États membres pourront, sur proposition de la Commission, réduire le nombre de visas accordés aux ressortissants des pays les moins coopératifs.
Je suis totalement défavorable à ce « chantage aux visas », qui est contre-productif et risque de porter préjudice à des personnes susceptibles de contribuer au développement de leur pays d’origine, à commencer par les étudiants. Je partage le point de vue de La Cimade, qui dénonce « l’obsession européenne pour l’amélioration du "taux de retour" » et craint que la révision de la directive dite « retour » n’entraîne « un recul sans précédent du cadre de protection des droits fondamentaux des personnes migrantes ».

Contrairement à ce que Mme von der Leyen avait initialement annoncé, le règlement dit « Dublin III » ne sera pas aboli. Les règles permettant de déterminer l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile seraient seulement « affinées » en vue d’» aider les États membres confrontés aux difficultés les plus grandes » : élargissement de la notion de famille aux frères et sœurs ; introduction d’un critère relatif à la possession d’un diplôme européen ; clarification de la responsabilité d’un État à la suite d’opérations de recherche et de sauvetage.
Ces propositions vont plutôt dans le bon sens. Il faudra cependant veiller à ce que le critère de réunification familiale prime effectivement sur celui du pays de première entrée. Le règlement dit « Dublin III » donne déjà la priorité à la réunification familiale. Or, selon un récent rapport du Parlement européen, les États membres imposent trop souvent des « règles pour encadrer et restreindre la réunification familiale en exigeant un niveau de preuve contraignant » (test ADN, évaluation de l’âge).

Dans le projet de réforme du règlement dit « Dublin III » qu’elle avait présenté en 2016, la Commission proposait de mettre en place un mécanisme automatique de répartition des demandeurs d’asile enregistrés dans un État faisant face à des arrivées massives. Devant l’opposition des pays du groupe de Visegrad au principe d’une relocalisation obligatoire en cas de crise, la Commission a retiré son projet de 2016 au profit d’une proposition de règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration. Ce texte prévoit un nouveau mécanisme de solidarité, qui serait obligatoire, mais flexible dans ses modalités.
Les pays hostiles à toute relocalisation de demandeurs d’asile sur leur territoire auraient l’obligation de « parrainer » le « retour rapide des personnes n’ayant pas le droit de séjourner dans l’Union ». Les pays « parrains » auraient la possibilité de concentrer leurs efforts sur « les nationalités au sujet desquelles les chances de procéder effectivement à des retours leur paraissent les plus élevées ». Ils disposeraient d’un délai de huit mois pour organiser le retour volontaire ou l’expulsion des migrants en situation irrégulière. Dans l’hypothèse où le retour ne serait pas effectif à l’issue de ce délai, les pays « parrains » devraient obligatoirement accueillir sur leur territoire les personnes dont ils ont la charge.
Outre la relocalisation et le « parrainage en matière de retour », la solidarité pourrait prendre d’autres formes (renforcement des capacités, expertise technique, etc.).
Malgré les concessions proposées par la Commission, cette « solidarité à la carte » semble loin de satisfaire les pays du groupe de Visegrad, dont l’unique obsession est de « stopper les migrants ».

Afin de permettre aux États membres de « faire face aux crises liées à un grand nombre d’arrivées irrégulières », la Commission a élaboré une proposition de règlement qui prévoit le raccourcissement des délais régissant le mécanisme de solidarité (réduction à quatre mois du délai à l’issue duquel les pays « parrains » devraient accueillir sur leur territoire des migrants en situation irrégulière) ainsi que la possibilité d’accorder à un groupe prédéfini de personnes une protection équivalente à la protection subsidiaire (les personnes concernées seraient celles qui « courent un risque exceptionnellement élevé de violence aveugle en raison d’un conflit armé dans leur pays d’origine »). Cette dernière proposition est bienvenue, contrairement à celle consistant à autoriser les États membres à suspendre l'enregistrement des demandes de protection internationale pendant un mois (période renouvelable une fois). Selon La Cimade, une telle mesure serait contraire aux droits international et européen.

Depuis 2014, de plus en plus de personnes tentent d’atteindre l’Europe en utilisant des embarcations inadaptées à la navigation. La Méditerranée est ainsi devenue le plus grand cimetière du monde. Face à ce terrible constat, la Commission recommande aux États membres de « coopérer entre eux en ce qui concerne les opérations menées par des bateaux détenus ou exploités par des entités privées à des fins de recherche et de sauvetage » (plus de 600.000 sauvetages ont été effectués depuis 2015, souvent dans des conditions chaotiques). De plus, elle juge « nécessaire d’éviter la criminalisation de celles et ceux qui fournissent une aide humanitaire aux personnes en détresse en mer ». Plus largement, elle estime que « l’aide humanitaire imposée par la loi ne peut ni ne doit être érigée en infraction pénale ». C’est un motif de satisfaction.

En revanche, je regrette que la Commission ne recommande pas l’interdiction du placement en rétention des enfants.

Force est par ailleurs de constater que les propositions relatives aux migrations légales constituent le point faible du pacte (lancement de partenariats destinés à attirer les talents ; réforme de la directive dite « carte bleue européenne » ; mise en œuvre de la directive relative aux étudiants et aux chercheurs ; etc.). Ce constat est d’autant plus regrettable que le tarissement des flux d’immigration illégale passe, selon moi, par la définition d’une véritable politique européenne globale en matière de migration légale. Une telle politique devrait avoir pour objectif la sécurisation des parcours migratoires. En d’autres termes, les États membres devraient faire en sorte que les migrants puissent effectuer des allers-retours entre l’UE et leur pays d’origine sans craindre de basculer dans la clandestinité.

Le Parlement européen et les États membres sont invités par la Commission à « imprimer un nouvel élan ». La partie est cependant loin d’être gagnée. Les nouvelles propositions ont reçu un accueil très mitigé, tant du côté du Parlement européen que de celui des États membres. Les pays du groupe de Visegrad considèrent que le curseur penche trop du côté de la solidarité et sont notamment opposés à l’obligation d’accueillir des migrants sur leur territoire en cas d’échec du « parrainage ». À l’inverse, les pays qui sont en première ligne réclament, à juste titre, une approche « vraiment européenne » en matière de solidarité. Voilà qui laisse présager des négociations longues et difficiles.

À l’instar de Jérôme Vignon (Institut Jacques Delors) et Jean-Louis De Brouwer (Institut Egmont), j’appelle le Parlement européen et le Conseil à « dépasser une approche par trop défensive ou minimaliste qui se limite trop visiblement à réduire le "fardeau de l’asile" et prend du même coup le risque de perpétrer des situations d’inhumanité à nos frontières » [*].

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[*] Nouveau pacte pour la migration : une proposition équilibrée à approfondir, Blog publié le 28 septembre 2020 sur le site internet de l’Institut Jacques Delors.