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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

Mandat que j'ai eu l'honneur de faire vivre de 2004 à 2021.
Ce site est une image à la fin de mon mandat.
Vous y trouverez plus de 2 000 articles à propos des Français de l'étranger. C'est un véritable témoignage de leur situation vis-à-vis de l'éducation, de la citoyenneté, de la protection sociale, de la fiscalité, etc. pendant ces 17 années.

Je me suis retiré de la vie politique à la fin de mon mandant en septembre 2021, je partage désormais mes réactions, points de vue, réflexion sur https://www.richardyung.fr

Merci de votre visite.

Richard Yung
Octobre 2021

Le 26 février, je me suis rendu à Calais avec mes collègues Louis MERMAZ, Catherine TASCA et Bariza KHIARI. Cette visite, organisée par l’association France Terre d’Asile (FTDA), s’inscrit dans le prolongement de l’examen, le 10 février dernier, de notre proposition de résolution européenne portant sur la protection temporaire des migrants. Nous étions accompagnés par M. Pierre HENRY, le directeur général de FTDA, et l’un de ses collaborateurs, M. Radoslaw FICEK, responsable de l’aide aux étrangers retenus. Notre camarade Gilles COCQUEMPOT, député de la 7ème circonscription du Pas-de-Calais, nous a également rejoints.

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Depuis la fermeture, en novembre 2002, du centre de la Croix-Rouge à Sangatte et le démantèlement, en septembre 2009, de la « jungle » de Calais, des centaines de migrants, notamment afghans, érythréens, irakiens ou somaliens, errent dans la région de Calais dans l'espoir de traverser la Manche à bord de camions embarqués sur les ferries.

La grande majorité de ces migrants sontvictimes des réseaux de passeurs qui leur font payer des sommes élevées pour un voyage clandestin – il semblerait d’ailleurs que les tarifs aient augmenté depuis l’évacuation de la « jungle » – long de plusieurs milliers de kilomètres, tout en leur faisant circuler des idées fausses et des contrevérités sur la Grande-Bretagne.

De nombreux migrants relèvent du règlement européen dit « Dublin II » du 18 février 2003. Ce texte s’applique dans les 27 Etats membres de l'Union européenne, l'Islande, la Norvège ainsi que la Suisse. Il établit les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats par un ressortissant d'un pays tiers. Il a pour principal objectif de dissuader les demandes multiples. Il s’applique en lien avec EURODAC, une base de données d’empreintes des demandeurs d’asile qui entrent dans l’Union européenne.

A défaut de pouvoir désigner l’Etat responsable de la demande d’asile sur la base des critères définis par le règlement, c'est le premier Etat où la demande a été présentée qui doit l'examiner. Cependant, en vertu d’une clause de souveraineté, il est possible pour un Etat d'accepter, pour des raisons humanitaires, une demande d'asile même si elle ne relève pas normalement de sa compétence.

Le matin, nous avons rencontré des représentants d’associations locales qui viennent en aide aux migrants. Leur action, remarquable et très difficile, vise à pallier les carences de l’Etat.

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L’association SALAM, représentée par Mme Sylvie COPYANS, a été créée suite à la fermeture du centre de Sangatte. Elle compte 360 adhérents qui se chargent d’apporter une aide humanitaire aux migrants (soins, hygiène, nourriture, vêtements), de renseigner et de soutenir dans leurs démarches administratives les demandeurs d'asile, d’informer et de sensibiliser l'opinion publique sur la situation des migrants dans le Calaisis, etc.

D’après Mme COPYANS, environ 300 migrants erreraient actuellement dans le Calaisis contre 800 avant le démantèlement de la « jungle ». Elle a constaté une hausse du nombre de migrants en provenance du continent africain. Certains survivent dans des squats entre Calais et Dunkerque. Elle a dénoncé le harcèlement dont font l’objet les migrants de la part des forces de sécurité, qui les empêchent notamment d’ouvrir leur tente de crainte qu’ils ne deviennent trop visibles. Les bénévoles sont aussi régulièrement victimes d’intimidations. Certains ont d’ailleurs même été poursuivis pour outrage.

M. Christian SALOME nous a ensuite présenté l’Auberge des migrants. Cette association a été créée en 2008 afin de répondre à un besoin alimentaire urgent. Une quarantaine de bénévoles assurent un « minimum humanitaire » aux migrants de Calais (distribution de repas, de vêtements, de chaussures, de couvertures et de duvets). En revanche, contrairement aux membres de SALAM, ils n’accompagnent pas les demandeurs d’asile dans leurs démarches administratives. M. SALOME nous a également indiqué que les migrants sont régulièrement persécutés par les troupes de CRS (deux compagnies de 60 hommes chacune), qui détruisent leurs abris de fortune et confisquent leurs effets personnels. Dans ces conditions, il n’hésite pas à parler de « chasse à l’homme ».

A Calais, le Secours catholique, représenté par M. Jacky VERHAEGEN, possède un local où les migrants peuvent se doucher, et qui fermera dès que le centre d’accueil de jour pour les populations vulnérables, mis à disposition par la mairie et exploité par le Secours catholique, ouvrira ses portes dans les prochaines semaines.

Le porte-parole du collectif C’Sur (collectif de soutien d’urgence aux réfugiés de Calais) a, pour sa part, dénoncé le caractère indigne des conditions d’hébergement des migrants pendant l’hiver (ils sont hébergés la nuit dans un gymnase). Le 15 novembre dernier, la distribution de repas et de vêtements aux migrants avait été arrêtée afin de faire prendre conscience aux autorités nationales et locales de la gravité de la situation.

Suite à la mise en place, en mai 2009, d’un guichet pour les demandeurs d’asile à la sous-préfecture de Calais, le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a ouvert un bureau qu’il partage avec FTDA dans le cadre d’un partenariat conclu en 2009. Il s'agit du premier bureau de terrain français du HCR. Sa permanente, Mme Maureen McBRIEN, est chargée, d’une part, d’informer les migrants qui souhaitent demander l’asile en France (distribution de brochures traduites dans les langues d'origine des migrants) et, d’autre part, de démystifier l'image de terre promise qui est souvent associée à la Grande-Bretagne et qui est véhiculée par les passeurs.

Depuis l’ouverture du guichet asile à la sous-préfecture, environ 330 personnes – dont une majorité d’Afghans – ont déposé une demande. Une quarantaine d’autorisations provisoires de séjour (APS) ont été délivrées. Les autres migrants se voient condamnés à l’errance.

De nombreux migrants relevant du règlement dit « Dublin II » ne se présentent pas au guichet et préfèrent demeurer dans la clandestinité car ils savent qu’ils peuvent être renvoyés dans des pays tels que l’Italie ou la Grèce, où ils ont peu de chances d’obtenir le statut de réfugié (le taux de reconnaissance du statut de réfugié est de 1% en Grèce contre 36% en France et 75% dans les pays d’Europe du Nord !).

Mme McBRIEN nous a indiqué que les autorités préfectorales ont de plus en plus tendance à détourner la procédure prévue par le règlement dit « Dublin II ». La France dispose de deux mois maximum pour transmettre la demande de renvoi vers l’Etat présumé responsable de l’examen de la demande d'asile. En cas de réponse positive (explicite ou implicite) de l’Etat requis, le transfert du demandeur d’asile vers cet Etat doit avoir lieu dans un délai maximum de six mois ; délai qui est prolongé jusqu’à 18 mois s’il prend la fuite.

Dans le Calaisis, de nombreux migrants ne sont pas hébergés dans des structures d’accueil et ne reçoivent donc pas toujours la décision – écrite, motivée et susceptible de recours – les informant que leur demande d'asile ne sera pas examinée par la France et qu’ils doivent être transférés vers l'Etat responsable de l’examen de leur demande. En raison de l’absence de notification, les migrants devraient être autorisés à déposer une demande d’asile en France. Or, les autorités préfectorales prolongent systématiquement le délai car elles considèrent que les migrants sont « en fuite » alors qu’ils errent dans la nature.

En outre, d’après Mme McBRIEN, la mauvaise application de la directive du 27 janvier 2003 relative à l’accueil des demandeurs d’asile risque de déboucher sur un contentieux de masse. En effet, le Conseil d’Etat, dans une ordonnance du 17 septembre 2009, a consacré le droit de tous les demandeurs d’asile – y compris ceux relevant du règlement dit « Dublin II » – à des conditions matérielles décentes comprenant le logement, la nourriture et l’habillement ainsi qu’une allocation journalière, et ce tant qu’ils ont droit de se maintenir sur le territoire.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM), représentée par Mme Nazénine DJALAÏ-CREPEL, informe les migrants sur les réalités migratoires au Royaume-Uni, sur les dangers d’un passage illégal et sur les possibilités de bénéficier du programme d'aide au retour volontaire de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Les migrants souhaitant rentrer volontairement dans leur pays d’origine peuvent se voir accorder une aide à la réinsertion (4.000 euros maximum) afin de créer une petite entreprise, suivre une formation professionnelle ou reprendre des études. Chaque projet de réinsertion est soutenu et suivi pendant un an par la mission de l’OIM sur place. En 2007, 108 dossiers ont été transmis à l’OFII, dont 46 accompagnements par l’OIM (75% de départ effectifs). En 2008, 156 dossiers ont été transmis à l’OFII, dont 97 accompagnements par l’OIM (85% de départs effectifs). En 2009, 344 dossiers ont été transmis à l’OFII, dont 233 accompagnements par l’OIM. Les principaux bénéficiaires de ce programme sont les Kurdes irakiens, les Iraniens, les Afghans et les Soudanais.

Pour sa part, Pierre HENRY a insisté sur la nécessité de protéger les nombreux mineurs étrangers isolés (MEI) qui sont présents dans le Calaisis. Les foyers de l’aide sociale à l’enfance (ASE) n’étant pas équipés pour les accueillir, le conseil général du département du Pas-de-Calais souhaite la mise en place d’un dispositif partagé dans lequel l’Etat serait chargé de l’accueil d’urgence et de la première évaluation tandis que le département prendrait en charge tous les mineurs. D’après M. HENRY, le préfet est vent debout contre la mise en œuvre d’un tel dispositif car cela risquerait soi-disant de créer un appel d’air.

Nous nous sommes ensuite entretenus avec deux jeunes Afghans, qui ont témoigné de leurs conditions de vie difficiles. L’un d’entre eux est originaire de la région de Kaboul et est arrivé à Calais il y a douze mois. Il s’est récemment vu délivrer une autorisation provisoire de séjour (APS). Contrairement à beaucoup d’autres migrants (98% des migrants relevant du règlement dit « Dublin II » n’ont pas accès à un hébergement), il a eu la chance d’être hébergé dès son arrivée dans un centre d’hébergement d’urgence. Il nous a dit avoir fait une demande pour être hébergé dans un centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA). Cependant, les CADA sont actuellement engorgés. L’autre jeune homme est originaire d’une région frontalière du Pakistan et est arrivé à Calais il y a huit mois. A l’instar de la grande majorité des Afghans errant dans le Calaisis, ils ne souhaitent pas retourner dans leur pays craignant d’être persécutés par les talibans.

Après un point presse, nous nous sommes rendus sur un terrain aménagé par le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, où l’association La belle étoile distribue environ 150 à 300 repas chaque semaine (ce nombre a tendance à baisser depuis le démantèlement de la « jungle »).

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Nous avons ensuite visité le site que le ministre de l’immigration a dénommé la « jungle » de Calais. Ce campement de fortune qui se trouvait à proximité d’un quartier résidentiel a été démantelé le 22 septembre dernier : 276 migrants ont été interpellés, dont 135 mineurs. Les autorités préfectorales ont fait raser tout le bois dans lequel se réfugiaient les migrants. Il ne reste plus qu’un terrain vague jonché de sacs plastiques. Depuis l’évacuation du camp, des migrants ont tenté d’investir le bois qui se trouve de l’autre côté de la route, mais la police les en a rapidement délogés.

Sur les bords de la voie de chemin de fer, nous avons rendu visite à des migrants africains, pour la plupart d’origine soudanaise, qui survivent dans un squat. L’un d’entre nous a expliqué avoir erré pendant quatre heures après sa sortie du centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles car il ne retrouvait pas le squat. En échangeant avec certaines personnes, nous avons en effet pu constater que les migrants ont tendance à perdre leurs repères spatio-temporels.

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Nous nous sommes également rendus au gymnase municipal qui est ouvert le soir dans le cadre du plan grand froid. Nous y avons vu de nombreux migrants qui passent toute la journée assis sur les marches dans l’attente de l’ouverture des portes.

Enfin, sur le chemin de la gare, nous sommes passés devant le hangar dans lequel les membres de l’association No Border avaient installé, dans la nuit du 6 au 7 février dernier, une centaine de migrants en déjouant la vigilance de la police, dont le commissariat se trouve à 50 mètres.

Les migrants qui errent dans le Calaisis se trouvent dans une impasse. Ils sont pris en tenaille entre un obstacle physique – La Manche – et les obstacles juridiques qui rendent impossible leur protection.

Ils sont victimes de l’inaction du gouvernement, qui continue de nier la situation sanitaire et humanitaire inquiétante dans laquelle ils se trouvent, et refuse d’apporter les réponses adéquates.

Ils subissent également les conséquences de l’inertie de l’Union européenne. Par souci électoraliste, les Etats membres préfèrent en effet concentrer leurs efforts de coopération sur le contrôle des frontières et la mise en place de charters communs.

Cette visite nous a confortés dans l’idée qu’il faut impérativement trouver une solution, à l’échelle européenne, pour protéger tous les migrants qui errent sans droits sur l’axe Paris-Ostende. La France et ses partenaires européens doivent cesser de contourner les procédures, garantir aux migrants l’accès à une procédure d’asile juste et équitable ou à une protection temporaire, et leur offrir des conditions matérielles décentes.

(Voir le compte-rendu fait par France Terre d'Asile sur son site Web)