Vous trouverez ci-dessous de larges extraits de mes interventions en séance sur le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
Vous pouvez aussi lire le communiqué du groupe socialiste sur ce sujet en cliquant ici.
Séance du 12 avril 2011
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons en seconde lecture ce projet de loi sur l’immigration, dont nous cherchons toujours la légitimité.
Monsieur le ministre, je crois que, comme le célèbre sparadrap du capitaine Haddock dans L’Affaire Tournesol, il vous colle aux doigts et accompagne tous vos mouvements... (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Dans la nouvelle distribution des rôles gouvernementaux, vous incarnez, nous dit-on, le méchant, la tendance autoritaire et répressive de la majorité, celle qui est hostile, pour ainsi dire, à tout ce qui n’est pas berrichon. (Mêmes mouvements.)
J’imagine que toutes vos déclarations récentes sont parfaitement calibrées. Certains affirment, par allusion à un film célèbre, que vous murmurez à l’oreille des électeurs du Front national. Pour ma part, je pense au contraire que vous dites tout haut ce que le président Sarkozy pense tout bas et vous demande de déclarer : « Les Français ont le sentiment de ne plus être chez eux » ; « L’intégration des immigrés a échoué » ; « L’immigration accroît l’insécurité » ; enfin, la semaine dernière : « Il faut remettre en cause l’immigration légale ».
Puisque vous avez échoué à réguler l’immigration illégale, vous vous attaquez à l’immigration légale et, en son sein, au regroupement familial, la cible la plus facile à atteindre. D’ailleurs, Mme Lagarde, personne avisée, ne s’y est pas trompée, ni Mme Parisot. Le parti socialiste est sur la même ligne que Mme Parisot : c’est tout de même extraordinaire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Depuis le déclenchement des mouvements révolutionnaires et populaires dans les pays d’Afrique du Nord, de nombreux responsables politiques, à droite et à l’extrême-droite, agitent, dans un réflexe pavlovien, le chiffon rouge de l’immigration, même si le chiffre évoqué, élevé certes, de 20 000 personnes, n’est pas caractéristique d’une invasion.
Tout le monde reconnaît qu’il y a là un problème. Il touche d’abord l’Italie, qui est géographiquement en première ligne, comme l’était la Grèce par rapport au Moyen-Orient.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’entre le gouvernement français et le délicat M. Berlusconi, l’image n’a pas été celle d’une franche coopération, avec pour conséquence des ressortissants libyens, somaliens et tunisiens pris en otages, ballotés de réglementations de mauvaise foi en reconduites permanentes.
Je souligne que ces populations viennent dans nos pays, non pas pour y émigrer ou s’y procurer du travail, mais tout simplement pour fuir un danger et se protéger.
Vous le savez aussi bien que moi, 100 000 ressortissants libyens sont partis en Tunisie, 100 000 en Égypte et peut-être 50 000, l’on ne sait précisément, vers le Sud, dans le Sahara ou du côté de Tombouctou.
Il existe une façon simple de faire face à cet afflux de migrants : l’activation de la protection temporaire prévue par la directive européenne de 2001, qui organise en quelque sorte un partage du « fardeau » entre les États membres. Pourtant, lorsque j’ai évoqué cette idée ici même voilà un an, dans le cadre d’une proposition de résolution, on m’a expliqué qu’elle était on ne peut plus saugrenue et que le problème ne se posait pas.
La vérité, c’est que vous n’avez pas de politique d’immigration. Vous naviguez à vue, selon les événements, et le résultat est un échec patent.
Les chiffres que vient de publier le Secrétariat général du Comité interministériel de contrôle de l’immigration sont éloquents. L’immigration de travail ne représente que 15 % des admissions sur le territoire, alors que l’objectif était de 50 % ; l’immigration familiale a baissé de 10 % ces dernières années ; le nombre de bénéficiaires du droit d’asile a chuté de 30 %, malgré l’augmentation du nombre de demandeurs ; le nombre de sans-papiers, de l’ordre de 400 000 – il est naturellement difficile de l’établir de façon exacte –, est resté constant depuis dix ans ; la régularisation des étrangers intégrés se tarit ; enfin, les étrangers sont poursuivis, contrôlés, contraints à des démarches inutiles qui n’en finissent plus.
Pourtant, le résultat des cantonales est clair, me semble-t-il : les Français ne pensent pas que la priorité soit d’organiser des débats bâclés de trois heures sur la laïcité et sur la place de la religion musulmane.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Chacun fait ce qu’il veut ! Vous, vous avez bâclé un projet en une après-midi !
M. Richard Yung. Je peux parler, monsieur le président ? Ce que je vous dis ne vous plaît pas ? Je le comprends, mais c’est la vérité !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je le répète, vous avez bâclé un projet en une après-midi !
M. Richard Yung. Nous avons bien examiné cent quarante amendements en quarante minutes ce matin en commission des lois !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est normal ! Vous proposez de supprimer tous les articles, monsieur Yung ! C’est facile !
M. Richard Yung. Les Français vous ont dit que pour eux, ce qui compte, ce sont les vrais débats, la création d’emplois, le pouvoir d’achat, les inégalités sociales. Mais vous ne l’entendez pas, parce que vous êtes dans une politique uniquement répressive.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous ne voulez rien changer !
M. Richard Yung. Le président de la commission des lois n’est pas content ; il m’interrompt tout le temps !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Mais non ! (Sourires.)
M. David Assouline. Restez gentil, monsieur Hyest ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Yung !
M. Richard Yung. Je suis malmené ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) On bâillonne l’opposition ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’opposition doit être responsable, monsieur Yung !
M. Richard Yung. Vous êtes, disais-je, dans une politique uniquement répressive, que ce soit pour la sécurité ou pour l’immigration : peines accrues, allongements de délais, méfiance à l’égard des juges, suspicion généralisée. Cette politique du tout répressif, c’est une politique du tout négatif. Vous avez une vision négative de la société française et des Français ; vous n’êtes porteur ni d’espoir ni d’avenir pour notre pays.
Vous aimez railler le parti socialiste en prétendant qu’il n’aurait pas de propositions sur la question de l’immigration. Vous glosez souvent sur ce thème.
Je pense que vous êtes mal informés. Je vous renvoie aux différents textes que nous avons publiés, y compris un excellent document intitulé « Le changement », publié ce week-end.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah voilà !
M. Richard Yung. Je rappelle les principales propositions – je ne vais pas lire tout le programme… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh non, surtout pas ! (Sourires.)
M. Richard Yung. Ce serait long, peut-être fastidieux… Mais il y a un programme, il faut le dire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est le programme « Chevènement » ? « Joxe » ? (Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung. D’habitude, on dit que les socialistes sont des gens irresponsables, qui causent continuellement, qui ne savent rien faire d’autre que critiquer et proposer des amendements de suppression, mais qui n’ont pas de propositions à faire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai ! Vous n’avez pratiquement pas de propositions d’amendements !
M. Richard Yung. Eh bien, si, nous en avons ! Nous proposons une politique migratoire mise en œuvre dans une loi de programmation élaborée tous les trois ans en collaboration avec les différents partenaires ; le retour à une politique de régularisation au cas par cas se fondant sur des critères précis – je ne les énumère pas – ; la mise en œuvre d’une politique active et non répressive d’intégration, avec en particulier la délivrance d’une carte de séjour temporaire de trois ans après un an de présence en France ; …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh bien, ma foi !
M. Richard Yung. … un traitement convenable des migrants dans les préfectures et la simplification des procédures pour les conjoints. On sait comment cela se passe : chacun a lu les articles de presse sur la façon dont sont traités les migrants à la préfecture de police de Paris, …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh, ça va !
M. Richard Yung. … où l’on admet dix personnes par jour. Les gens font la queue à partir de dix-huit heures le soir, avec l’espoir pour les dix premiers d’être admis le lendemain matin à huit ou neuf heures.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Richard Yung. Franchement, quelle image pour notre pays !
Nous proposons également de permettre la mobilité des migrants qui, souvent, basculent dans l’illégalité simplement parce qu’ils ont peur de quitter le territoire.
S’agissant de l’immigration irrégulière, que nous voulons combattre avec la plus grande fermeté, nous proposons une nouvelle organisation des services de police chargés de la lutte contre l’immigration illégale, en particulier de la police aux frontières, la PAF, avec une formation plus poussée des personnels.
Enfin, nous proposons une sévérité accrue contre les employeurs de sans-papiers.
J’en viens au présent projet de loi. Je ne passerai pas en revue chacun de ses articles, mais j’en choisirai certains.
Mon premier choix, point le plus important à nos yeux, concerne la remise en cause des juges.
Nicolas Sarkozy n’aime pas les juges, c’est bien connu. Il considère que les juges des libertés et de la détention remettent en cause sa politique du chiffre, c'est-à-dire les fameux 28 000 éloignements, dont on peut d’ailleurs discuter.
Il fallait donc les empêcher de nuire en leur présentant les étrangers placés en rétention le plus tard possible. D’où le délai porté à cinq jours dans le texte issu de l’Assemblée nationale. Il sera peut-être fixé à quatre jours par le Sénat, mais j’ai compris que le Gouvernement n’y était pas favorable.
Pour notre part, nous pensons que c’est, de toute façon, une mauvaise façon d’aborder la question et qu’elle ne change pas le fond du problème. En effet, au motif que la situation où le retenu voyait d’abord le JLD, puis le juge administratif, était susceptible de créer une confusion, nous passons à la situation où le retenu va voir d’abord le juge administratif et ensuite le JLD. À mon avis, cela ne résout rien.
Le seul avantage d’une telle disposition, c’est qu’elle permettra sans doute d’expulser un certain nombre de migrants avant la fin du délai de cinq jours et sans que ces derniers aient vu de juge.
Le deuxième choix a trait à la précarisation du séjour des étrangers en situation légale.
Les migrants sont contraints de renouveler chaque année leur carte de séjour temporaire. Ils doivent faire face à un durcissement des conditions de délivrance des titres de séjour. Dans ces conditions, à l’évidence, un certain nombre d’entre eux basculent et sont acculés à la clandestinité.
Participe également de cette logique la remise en cause du droit au séjour des étrangers gravement malades. Nous aborderons ce point lors de l’examen de l’article 17 ter.
Le troisième choix porte sur le durcissement des conditions d’acquisition de la nationalité française.
Nous nous sommes réjouis de la suppression de la disposition relative à la déchéance de nationalité. C’est d’ailleurs le seul résultat positif du débat en seconde lecture à l’Assemblée nationale, qui nous a valu de beaux commentaires de M. Myard et de M. Vanneste.
Reste que l’Assemblée nationale a supprimé les dispositions que nous avions introduites en première lecture. Fondées sur notre expérience, celles-ci visaient à simplifier la procédure de renouvellement des titres d’identité. J’y reviendrai lors de la discussion des articles.
Le quatrième choix est relatif à la stigmatisation des couples binationaux. C’est un thème récurrent, puisqu’on voit bien toutes ces étrangères qui cherchent à obtenir indûment des visas et éventuellement l’accès à la nationalité française dans des conditions discutables, en séduisant nos beaux et jeunes Français ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Cela fait partie des fantasmes.
Enfin, les deux derniers choix concernent la création des zones d’attente – nous y reviendrons – et, point important, le bannissement des étrangers au travers de la création de l’interdiction de retour sur le territoire français.
Nous avons été déçus par la deuxième lecture du texte à l’Assemblée nationale, les députés ayant supprimé à peu près toutes les dispositions que le Sénat, dans sa sagesse, avait introduites, issues non pas seulement des amendements socialistes, mais aussi de ceux de la majorité.
Le rapporteur a repris une partie des amendements du Sénat, et nous comprenons qu’il cherche à faire flotter notre drapeau un peu plus haut.
Toutefois, je dois dire que les propositions de compromis, qui portent tant sur l’article 17 ter relatif aux migrants malades que sur les dispositions concernant les zones d’attente ou le délai de quatre jours, ne nous satisfont pas.
Sur tous ces points, nous déposerons les amendements nous paraissant utiles, même s’ils n’ont pas rencontré beaucoup d’échos en commission des lois ce matin. En tout état de cause, nous sommes déterminés à nous battre pour nos idées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
[…]
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. De nombreux propos ont déjà été tenus sur le sujet donc, pour ne pas allonger inutilement les débats, je me contenterai de développer deux points.
Premièrement, tout ce dispositif participe d’une philosophie qui n’est pas la nôtre, consistant à rendre toujours plus difficile l’accès à la nationalité, comme si, au fond, on se méfiait de ceux qui veulent devenir Français, comme si l’on ne voulait pas d’eux. Je ne pense pas que cela soit la bonne approche à adopter.
Deuxièmement, s’il est nécessaire de maîtriser la langue française pour s’intégrer, je constate que cet article ajoute la connaissance de l’histoire et de la culture françaises. J’en déduis qu’il faudra bien connaître la littérature et la philosophie, notamment Voltaire. Notre secrétaire d’État chargé du commerce et de l’artisanat aurait-il pu se qualifier à cet examen ?... (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
[…]
(L'amendement n'est pas adopté.)
[…]
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 12, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsqu’un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers vient d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier, les articles L. 811-1 à L. 811-8 s’appliquent. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Il s’agit d’un amendement d’appel.
Nous proposons, en cas d’afflux massif de migrants, de recourir au mécanisme de la protection temporaire, qui a été instauré par une directive européenne de 2001, plutôt que de créer des zones d’attente ad hoc.
L’attribution de la protection temporaire apporte des garanties aux étrangers, qui se voient délivrer un document provisoire de séjour, assorti, le cas échéant, d’une autorisation provisoire de travail. Le bénéfice de la protection temporaire est accordé pour une période d’un an.
Par ailleurs, l’octroi de la protection temporaire ne préjuge pas la reconnaissance du statut de réfugié. À la fin de la période d’un an, les personnes concernées peuvent rentrer chez elles sans que cela pose de problèmes particuliers.
Alors qu’il est beaucoup question de l’afflux massif de ressortissants tunisiens ou libyens, nous entendons rappeler au Gouvernement l’existence d’un cadre juridique permettant de faire face au problème, à l’échelon européen qui plus est. Nul doute que nos amis Italiens apprécieraient le recours à une telle solution. Mais, pour l’instant, personne n’en parle ; peut-être ne veut-on pas résoudre ce problème…
[…]
(L'amendement n'est pas adopté.)
[…]
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 151 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 21.
M. Richard Yung. L’article 10 prévoit que seules les irrégularités formelles présentant un caractère substantiel, c'est-à-dire graves, et ayant pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger entraînent l’annulation du maintien en zone d’attente.
Sur la forme, ces dispositions ont d’ailleurs quelque peu évolué depuis la première lecture. Notre rapporteur nous propose aujourd’hui de calquer la rédaction de cet article 10 sur celle de l’article 802 du code de procédure pénale.
Nous considérons que cet ajustement ne change rien sur le fond. Ces dispositions relèvent du même esprit que celles dont nous venons de discuter : elles tendent à restreindre le champ du contrôle du juge judiciaire – nous retrouvons cette obsession de limiter la capacité des juges – et s’inscrivent dans la droite ligne des conclusions de la commission Mazeaud, qui évoquaient une « censure juridictionnelle » ; les termes sont forts !
Ces dispositions créent une hiérarchie des causes de nullité de la procédure selon la gravité supposée de leurs conséquences. Selon nous, elles ne sont pas acceptables, car toute irrégularité peut porter atteinte aux droits de l’étranger et le juge judiciaire doit pouvoir la constater.
[…]
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 151.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
[…]
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Cette intervention vaudra également présentation de l’amendement n° 22.
L’article 13 crée une nouvelle carte de séjour temporaire, appelée, de façon d’ailleurs assez ambiguë, « carte bleue européenne ». Cette mesure trouve son origine dans la directive 2009/50/CE du 25 mai 2009, établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’occuper un emploi hautement qualifié.
S’agissant d’une transposition, nous avons essayé d’améliorer le texte qui nous est présenté plutôt que de requérir la suppression de ces dispositions. Telle avait déjà été notre attitude lors de la première lecture, malheureusement nos propositions n’avaient pas eu d’écho, aussi bien dans cet hémicycle qu’à l’Assemblée nationale. Nous prêchons dans le désert…
Pour l’essentiel, nous proposons d’étendre de trois à quatre ans la durée de validité maximale de la carte bleue européenne.
En première lecture, il nous avait été objecté que la durée de validité de la carte précitée était calquée sur celle des titres de séjour portant les mentions « salarié en mission » ou « compétences et talents » et que, par conséquent, dans un souci de cohérence et d’harmonie, la durée de validité de la carte bleue européenne ne pouvait être portée à quatre ans. Mais cet argument tient plus à la forme qu’au fond et ne nous paraît pas pertinent.
Nous rappelons en effet que l’esprit et l’objet de la directive précitée sont de rendre l’Union européenne plus attractive pour les travailleurs hautement qualifiés issus des pays tiers. S’il existe une compétition mondiale, notamment entre l’Europe et les États-Unis, pour attirer une certaine « élite migratoire » – la carte verte américaine offre un droit de résidence de dix ans sans restriction –, cette concurrence existe aussi entre les États membres de l’Union européenne : par exemple, les conditions faites par l’Allemagne à ces travailleurs sont beaucoup plus favorables que celles que leur réserve la France. Il nous semble donc judicieux d’offrir les conditions les plus favorables possibles, dans le cadre fixé par la directive.
Le point 2 de l’article 7 de la directive permet que la durée maximale de la « carte bleue » soit fixée à quatre ans ; nous invitons donc le Sénat à retenir cette durée, pour que notre territoire national soit plus attractif qu’il ne l’est aujourd'hui.
Séance du 13 avril 2011
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 29, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. L'article 17 AA tend à supprimer deux articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le CESEDA. Nous considérons que la suppression de ces articles constitue un véritable recul du droit des femmes.
À cet égard, je vous renvoie à lecture de l'article L.431-2 du CESEDA, que l'alinéa 3 de l'article 17 AA vise à supprimer et qui a trait aux violences conjugales.
Les associations de défense des droits des femmes sont très attachées à cet article dans sa rédaction actuelle, car il permet de libérer efficacement les victimes en leur permettant d'obtenir un titre de séjour indépendant.
Le projet de loi revient sur cette avancée majeure en subordonnant les possibilités de délivrance et de renouvellement des titres de séjour pour les victimes de violences conjugales au fait que le juge prononce une ordonnance de protection.
Nous nous étonnons de cette mise en cause du droit acquis, alors même que la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a considéré que l'ordonnance de protection s'ajoutait aux dispositions antérieures et ne les remplaçait pas.
Je tiens à vous faire part de notre indignation face à ce recul alors même que nous venons de voter, voilà à peine quelques mois, la loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de ces deux alinéas.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 313-12, les mots : « peut en accorder le renouvellement » sont remplacés par les mots : « en accorde le renouvellement de plein droit ».
II. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° À la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 431-2, les mots : « peut en accorder le renouvellement » sont remplacés par les mots : « en accorde le renouvellement de plein droit ».
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement vise à mieux protéger les victimes de violences conjugales.
Le dispositif tel qu'il est prévu actuellement laisse au bon vouloir – que je ne remets pas en cause, mais nous sommes dans un État de droit – des préfets le renouvellement du titre de séjour des conjointes et conjoints de Français entrés au titre du regroupement familial.
Nous proposons que les personnes qui ont été victimes de violences conjugales puissent bénéficier de plein droit du renouvellement de leur carte de séjour sans que cela relève du pouvoir d'appréciation du préfet. De plus, la condition de placement sous ordonnance de protection est déjà restrictive.
Nous considérons que l'article 17 AA en l'état actuel n'offre qu'une protection relative, fragile et précaire aux personnes victimes de violences conjugales.
Une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon ou de son mari. Pour mettre fin à cette hécatombe, il faut s'engager fermement du côté des victimes de ces violences.
[…]
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Le Gouvernement est également défavorable à ces quatre amendements.
En effet, l'article 17 AA a une portée strictement rédactionnelle. Les victimes de violences conjugales peuvent toujours recevoir une carte de séjour temporaire ou obtenir le renouvellement de celle-ci lorsqu'elles bénéficient d'une ordonnance de protection judiciaire. Ce droit au séjour est repris dans la rédaction proposée à cet article.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l'amendement n° 29.
M. Richard Yung. Monsieur le ministre, ce que nous remettons en cause, c'est précisément le fait que les victimes de violences conjugales doivent obtenir une décision de protection temporaire par le juge. Voilà le fond du problème et, de ce point de vue, la réponse apportée n'est pas satisfaisante.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
[…]
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Cet article est certainement l'un des articles phare de ce projet de loi.
Vous le savez comme moi, notre pays regarde et écoute ce débat, qui est porteur de valeurs fondamentales. Il ne s'agit pas simplement de faire du droit ; nous parlons d'hommes et de femmes malades.
Je vous rappelle que ce n'est pas la première fois que nous abordons ce sujet. Par deux fois déjà la commission des lois a supprimé l'article 17 ter, suppression qui a été sanctionnée une fois en séance publique. Pourquoi recommence-t-on une quatrième fois à en discuter ?
Notre collègue Sueur parlera tout à l'heure bien mieux que moi de l'amendement présenté par M. Dominati.
M. David Assouline. Il n'est même pas là !
M. Richard Yung. Oui, mais malheureusement ses mauvaises idées sont présentes. Il est sur la ligne de l'Assemblée nationale.
La commission des lois, pour sa part, nous propose une nouvelle rédaction de cet article sur deux points.
Tout d'abord, son amendement n° 219 vise à remplacer les mots « qu'il ne puisse effectivement bénéficier » par les mots « de l'absence ». Ensuite, il tend à insérer les mots « sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative » – donc, le préfet – « après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ».
Je dis tout de suite que nous ne sommes pas favorables à cette rédaction.
Si cet amendement était adopté, des personnes gravement malades seraient renvoyées vers des pays où elles n'auraient aucun accès à leur traitement.
Quelle différence existe-t-il entre la notion d'« inexistence » initialement proposée, qui a été remplacée par la notion d'« indisponibilité », et la notion d'« absence qui a finalement été retenue » ?
Si cet amendement était voté, le préfet serait juge en dernier lieu des critères médicaux à la place de l'autorité médicale aujourd'hui compétente. Franchement, ce ne serait pas un cadeau qu'on lui ferait, d'autant que je ne crois pas qu'il soit dans ses attributions de prendre des mesures d'ordre sanitaire et humanitaire.
Je le répète, l'amendement vise à intégrer une nouvelle disposition qui prévoit la prise en compte de « circonstance humanitaire ». Ce circuit de décision est complexe et ne permettra pas de garantir que des étrangers malades ne seront pas renvoyés sans solution de traitement vital.
Enfin, si cet amendement était adopté, le secret médical serait systématiquement levé. Comme l'a rappelé la circulaire du 5 mai 2000, l'intervention de l'autorité médicale – le médecin inspecteur de santé publique ou le médecin de l'Agence régionale de santé – « vise à préserver le secret médical, tout en s'assurant que le demandeur remplit les conditions fixées par la loi ». Dans le dispositif proposé par la commission des lois, nous n'avons plus ces garanties.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que cet amendement, qui vise évidemment à trouver un accord entre la position des ultras de l'Assemblée nationale – comment se nomment-ils déjà ?... la droite populaire ! – et le Sénat, est un mauvais compromis. Nous pensons que le Sénat, en commission des lois et en séance plénière, avait été sage de supprimer la rédaction de l'article 17 ter.
[…]
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je souhaite formuler trois observations.
Premièrement, je pense que le fait de remplacer la notion d'« indisponibilité » par celle d'« absence » ne règle pas le problème.
Même si les médicaments et les soins existent, on n'y a pas accès à Niamey, à Ferkessédougou ou à Bouaké !
Deuxièmement, et je réagis aux propos de notre collègue François Zocchetto, je me demande comment on appréciera concrètement en pratique la situation de la personne et l'existence d'une « circonstance humanitaire exceptionnelle ». Qu'est-ce qu'une circonstance humanitaire exceptionnelle ? Une épidémie de choléra ? Ou le simple fait qu'un individu soit malade ?
Et comment des autorités sarthoises ou alsaciennes pourront-elles évaluer si la situation de telle ou telle personne en Afrique noire ou dans une autre région du monde relève d'une « circonstance humanitaire exceptionnelle » ? Ni le préfet ni le directeur général de l'agence régionale de santé ne disposeront des éléments suffisants pour en juger ! Ils seront donc contraints de solliciter l'avis du consulat. Et comment voulez-vous que les consulats, qui manquent déjà d'effectifs, ne serait-ce que pour délivrer des passeports, puissent procéder à des expertises médicales ou sanitaires ? Vous rêvez !
Troisièmement, je voudrais revenir sur les chiffres qui ont été évoqués. On nous a affirmé que tout allait bien auparavant, mais que l'arrêt Jabnoun du Conseil d'État – instance composée, comme chacun sait, de membres coupés des réalités ! (Sourires.) – aurait ouvert les hôpitaux français à toute la misère du monde…
Mais regardons objectivement les chiffres ! Nous venons tous de recevoir le rapport du Gouvernement au Parlement intitulé « Les orientations de la politique de l'immigration et de l'intégration » du mois de mars de 2011. À la rubrique « Étranger malade » pour les premiers titres de séjour délivrés en France, les chiffres pour 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009 sont respectivement de 7 315, 6 568, 5 680, 5 738 et 5 945.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ! C'est vraiment l'invasion ! (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Vous le voyez, les chiffres traduisent en réalité une baisse. Et le stock de titres de séjour, qui est d'environ 30 000, reste constant, parce que, fort heureusement, des personnes guérissent et rentrent dans leur pays. En clair, le flux régule le stock !
Par conséquent, je pense que les arguments avancés pour justifier une telle position sont fallacieux.
[…]
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 43 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 155 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 185 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 144.
M. Richard Yung. Avec l'article 17 ter, la présente disposition est l'une des plus importantes du projet de loi, car elle est très chargée politiquement et émotionnellement. À nos yeux, c'est l'un des points les plus critiquables de ce texte.
Cet article au parcours chaotique, introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui semble avoir des lumières particulières concernant les mariages entre étrangers et Français, vise à punir les mariages dits « gris » – un nouveau concept, inventé par les députés ! – de sept ans d'emprisonnement et 30 00 euros d'amende. Ils n'y sont pas allés avec le dos de la cuiller ! Vraiment, ce n'est pas bien, pour un étranger, d'épouser un Français si jamais on a des intentions qui ne relèvent pas de l'amour véritable.
La commission des lois du Sénat avait considéré que cette notion de « mariage gris » ne tenait pas debout, car elle pouvait tout à fait entrer dans le cadre de la législation relative au mariage de complaisance, curieusement appelé « mariage blanc ». Ne manque plus, dans cette nomenclature, que le « mariage noir » : ce serait sans doute celui où les deux conjoints sont animés de mauvaises intentions et se trompent mutuellement ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Le « mariage blanc », je le rappelle, est puni, aux termes de l'article 623-1 du CESEDA, de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende : excusez du peu !
Pour des raisons liées, je l'imagine, à des débats internes à la majorité, l'Assemblée nationale a souhaité modifier cette rédaction et rétablir celle qu'elle avait adoptée initialement. La commission des lois du Sénat, en deuxième lecture, s'en est tenue à sa position relative au maintien des peines prévues à l'article L. 623-1 du CESEDA.
Pour nous, les choses sont claires : nous considérons que le rattachement de ces cas à la législation relative au mariage de complaisance – solution soutenue par le rapporteur, adoptée en commission, puis en séance plénière ! – est parfaitement inutile, superfétatoire, et participe d'une agitation de surface dont nous savons bien à quoi elle est destinée.
[…]
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43, 155 et 185 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
[…]
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« 12° L'étranger ressortissant d'un pays tiers qui est membre, tel que défini à l'article L. 121-3, de la famille d'un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement tend à récrire l'alinéa 4 de l'article 26.
Le dernier alinéa de l'article 26 restreint l'interdiction d'expulser les membres de la famille d'un ressortissant communautaire qui sont issus de pays tiers aux personnes qui bénéficient d'un droit au séjour permanent.
Pour le coup, on ne peut accuser le Gouvernement – au demeurant, ce n'est pas notre genre ! (Sourires) – de ne pas transposer correctement la directive « Liberté de circulation ». En effet, cet article reprend précisément les dispositions du paragraphe 2 de l'article 28 de la directive.
Ce que nous craignons, c'est que, sous couvert de transposition, on ne rogne sur les droits des membres de la famille des ressortissants communautaires.
Concrètement, le dernier alinéa de l'article L. 511-4 du CESEDA, que l'article 26 du projet de loi tend à supprimer, prévoit que, même s'il ne peut justifier être entré régulièrement en France ou s'il s'est maintenu sur le territoire après l'expiration de la validité de son visa, l'étranger ressortissant d'un pays tiers qui est membre de la famille d'un ressortissant communautaire ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière. Or ce dernier alinéa permet à de nombreux couples mixtes de poursuivre leur vie en famille sans être inquiétés.
Avec la modification prévue par le texte actuel de l'article 26, tous les conjoints de ressortissants communautaires qui n'ont pas obtenu le droit au séjour permanent sont potentiellement expulsables. C'est pourquoi nous proposons cette nouvelle rédaction de l'alinéa 4.
[…]
(L'amendement n'est pas adopté.)
[…]
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 70 et 190 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 70 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 190 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
quatre jours
par les mots :
quarante-huit heures
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 70.
M. Richard Yung. L'article 30 tend à modifier l'article L. 551-1 du CESEDA, qui fixe le régime du placement en rétention administrative, en faisant passer la durée de la rétention administrative de deux à quatre jours.
Cet allongement s'inscrit dans une réforme d'ensemble du contentieux de l'éloignement, mise en œuvre par les articles 34 et 37 du projet de loi, dont la principale innovation, d'ailleurs néfaste à mon avis, est d'inverser l'intervention du juge administratif et du juge judiciaire.
En première lecture, l'article 30 avait été amendé, sur proposition du rapporteur et contre l'avis du Gouvernement. Cette modification visait à ramener à quarante-huit heures, au lieu de cinq jours, la durée de rétention administrative décidée par le préfet, avant l'intervention du juge judiciaire.
L'Assemblée nationale a toutefois adopté un amendement de son rapporteur tendant à rétablir le délai de cinq jours.
La commission des lois de notre assemblée a tenté de trouver une solution médiane, en proposant un délai de quatre jours. Ce compromis, qui me semble plus proche des desiderata du Gouvernement que des souhaits que nous avions exprimés en première lecture, ne me paraît pas satisfaisant.
Mes chers collègues, comme pour d'autres dispositions que nous avions adoptées et qui représentaient autant d'avancées, l'Assemblée nationale est revenue sur notre proposition. Nous vous demandons à travers cet amendement de revenir à notre position initiale, car il n'y a aucun argument tangible pour prolonger la durée de rétention à quatre ou à cinq jours.
Pour avoir discuté de cette question avec ceux qui s'occupent des lieux de rétention, je sais que c'est pour eux un problème majeur, car cela veut dire que c'est autant de main-d'œuvre policière qui va être occupée à gérer non plus deux, mais quatre jours de rétention. Pendant ce temps-là, les bandits courent les rues ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Voilà le vrai problème !
Nous vous proposons donc de conserver le délai de quarante-huit heures.
[…]
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Mes chers collègues, le Conseil constitutionnel refuse le délai de six jours, car il est trop long. Le Gouvernement veut essayer le délai de cinq jours : M. Hyest, qui est un fin connaisseur de ces questions, estime que l'on est dans une zone de danger constitutionnel et nous propose quatre jours. Nous, nous voulons deux jours. Je vous propose un compromis : trois jours ! (Exclamations amusées.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 70 et 190 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
[…]
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Monsieur le ministre, au mois de mars dernier, vous avez fixé un objectif minimal de 28 000 éloignements en 2011, objectif que vous souhaitez dépasser.
En dépit de l'adoption de cinq lois répressives au cours des huit dernières années, les précédents objectifs n'ont pas été atteints. Pour gonfler les chiffres, vous êtes contraint de recourir à plusieurs subterfuges, dont le plus absurde est sans aucun doute l'expulsion des étrangers dont le visa est périmé et qui sont en train de rentrer chez eux spontanément !
La faiblesse du taux d'exécution des décisions d'éloignement prononcées, moins de 30 %, s'explique par le défaut de délivrance d'un laissez-passer consulaire – c'est un aspect sur lequel il est plus difficile d'agir, puisque cela dépend de la bonne ou de la mauvaise volonté des pays concernés – et par la libération des migrants placés en rétention suite à un contrôle des conditions d'interpellation.
Afin de surmonter le premier obstacle, vous avez souhaité renforcer « la pression » sur les États « qui ont un taux de délivrance inférieur à la moyenne de 31 % ».
Il est un autre obstacle plus difficile à surmonter. Dans un avis du 21 mars dernier, le Conseil d'État a considéré que la directive Retour, plus favorable que notre législation actuelle, pouvait être invoquée par les justiciables à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière les concernant. D'où votre souhait de voir aboutir l'article 34, qui allonge le délai de saisine du juge des libertés et de la détention pour la prolongation de la rétention. C'est le débat que nous venons d'avoir sur la durée de quatre jours.
Par ailleurs, vous voulez inverser l'ordre d'intervention des juges judiciaire et administratif, ce qui n'est d'ailleurs ni prévu ni recommandé par la directive Retour.
Si une telle disposition entrait en vigueur, les étrangers retenus seraient traités comme les personnes soupçonnées de liens avec une entreprise terroriste, qui peuvent être maintenues en garde à vue pendant quatre jours !
En outre, l'application de cette disposition entraînerait l'expulsion de migrants ayant fait l'objet d'une procédure irrégulière que le juge judiciaire aurait annulée.
Telles sont les remarques préliminaires que je souhaitais formuler sur l'article 34.
[…]
M. le président. L'amendement n° 85, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4, après la première phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
L'étranger peut également, dans un délai d'un mois suivant la notification de cette décision, exercer un recours administratif gracieux et hiérarchique. Le délai initial de trente jours pour formuler un recours contentieux devant le tribunal administratif est prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous proposons ici d'améliorer le projet de loi par l'instauration d'un recours administratif préalable gracieux et hiérarchique.
Tout étranger recevant de la préfecture une décision de refus ou de retrait de son titre de séjour accompagnée d'une obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de trente jours pour déposer un recours contentieux devant le tribunal.
En l'état actuel du droit, ce délai ne peut en aucun cas être prolongé par un recours gracieux ou hiérarchique.
Ce faisant, les étrangers qui forment un recours préalable sont peu nombreux. L'exercice de ce type de recours s'avère en général inutile puisque seul le recours contentieux permet d'empêcher l'exécution de la mesure d'éloignement.
Pourtant, en matière administrative, les recours précontentieux présentent plusieurs avantages.
Premièrement, ils permettent à un requérant de demander à l'administration un nouvel examen de sa situation.
Deuxièmement, ils ont pour effet d'alléger la charge de travail pesant sur les tribunaux, laquelle ne nous laisse pas indifférents.
La mise en place de recours administratifs préalables contre les OQTF apparaît donc souhaitable, car elle répond à la double exigence d'efficacité et de respect du droit au recours.
Pour toutes ces raisons, je vous propose d'adopter le présent amendement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
[…]
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Vous le voyez, mes chers collègues, nous ne présentons pas uniquement des amendements de suppression. Nous défendons aussi des amendements de restauration, si j'ose dire. (Sourires.)
Dans le cas présent, il est question du règlement « Dublin II ».
Ce sujet doit tout de même être abordé, car il m'a semblé que nous étions parvenus à un accord sur ce point.
Je crois que le problème est assez bien connu – il s'agit de la règle du retour au pays de première entrée dans le territoire de l'Union européenne – et je ne le développerai pas plus avant.
Il se trouve qu'un certain nombre d'États membres, en particulier la Grèce, ne font pas face à leurs obligations. Sans assommer notre assemblée des différents jugements existant dans ce domaine, j'en citerai un : l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 21 janvier 2011 – cette date n'est pas très lointaine – dans une affaire concernant une personne renvoyée de Belgique en Grèce et pour laquelle les deux pays ont conjointement été condamnés pour violation du droit au recours effectif garanti par l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Cette jurisprudence, premier pas vers la refonte du règlement « Dublin II », nous devons maintenant la suivre…
En première lecture, la commission et tous les sénateurs, dans leur grande sagesse, avaient choisi de prendre en compte cette condamnation et d'instaurer un recours de plein droit suspensif contre les décisions de renvoi vers les autres pays de l'Union européenne. Pour ma part, je pensais que le Gouvernement avait également pris acte de cet arrêt, puisqu'il avait décidé – M. Brice Hortefeux l'avait fait savoir – de suspendre les transferts vers la Grèce.
Il nous apparaît clairement que le règlement « Dublin II » ne peut être appliqué de façon automatique, comme par le passé. Il faut prévoir des mécanismes de recours.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, il nous semble logique de restaurer cet article, qui prend en compte l'évolution de la jurisprudence s'agissant du règlement « Dublin II ».
[…]
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Je profiterai de ma prise de parole sur l'article, monsieur le président, pour présenter l'amendement n° 96.
Cet article 37, qui a moins fait parler de lui que les dispositions concernant la déchéance de nationalité ou les mariages gris, est pourtant au cœur du projet de loi. Il est fondamental !
Il vise à repousser de quarante-huit heures à quatre jours le délai à l'issue duquel l'administration doit saisir le juge des libertés et de la détention, si elle souhaite maintenir un étranger en rétention.
Il tend également à réduire le délai dans lequel le juge des libertés et de la détention doit se prononcer sur la demande de maintien en rétention.
Nous réaffirmons notre ferme opposition à ces dispositions, étant rappelé que nous avions réussi à convaincre la commission des lois de partager avec nous cette opposition.
M. Gérard Longuet, offrant déjà ses services au Gouvernement, avait échoué, à l'époque, à rétablir cet article. Mais le Gouvernement a trouvé une majorité peut-être plus docile à l'Assemblée nationale et n'a eu aucun mal à restaurer la version initiale de son projet de loi.
C'est ainsi que nous sommes saisis d'un compromis élaboré par le rapporteur et le président de la commission des lois du Sénat.
Sur le fond, ce compromis de dernière minute ne change rien. Si elles étaient adoptées, ces dispositions auraient pour conséquence de faire intervenir le juge administratif avant que le juge des libertés et de la détention se soit prononcé sur le maintien en rétention. De nombreux étrangers risqueraient ainsi, pendant un délai de quatre jours, d'être reconduits à la frontière, même s'ils ont fait l'objet d'une procédure irrégulière que le juge judiciaire aurait annulée.
Pour justifier ce choix, il est affirmé que cette solution permettrait d'éviter que le juge des libertés et de la détention ne maintienne en rétention l'étranger sous le coup d'une mesure illégale que le juge administratif va annuler. C'est le principal argument que l'on nous assène s'agissant de ce nouveau dispositif. Il ne nous convainc pas, car l'interpellation est l'événement déclenchant la procédure et conduisant l'étranger en rétention. C'est le cœur du travail du juge des libertés et de la détention, qui la contrôle.
Ces dispositions visent uniquement à rendre inopérante l'intervention du juge judicaire – nous l'avons dit, le Gouvernement n'aime pas les juges –, qui, d'après ce même Gouvernement, serait laxiste et ferait obstacle aux expulsions des migrants en situation illégale.
Elles posent aussi de nombreux problèmes de principe.
Elles sont contraires à l'article 66 de la Constitution, qui dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu ».
Elles sont contraires à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel considère que le contrôle du juge judiciaire doit intervenir « dans le plus court délai possible » – quatre ou cinq jours, ce n'est pas le délai le plus court possible ! – ou « dans les meilleures délais ».
Ainsi, dans sa décision en date du 9 janvier 1980, le Conseil constitutionnel a jugé que l'exigence de brièveté du délai était satisfaite par un délai de quarante-huit heures, et non par un délai de cinq, six ou sept jours. Il y a donc fort à parier que le Conseil aurait sanctionné le délai de cinq jours. Qu'en sera-t-il de celui de quatre jours ? Nous n'en savons rien, mais nous le saurons puisque, comme vous l'imaginez bien, mes chers collègues, nous interrogerons le Conseil constitutionnel sur ce point.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de confirmer la position que nous avons adoptée en première lecture, en votant notre amendement n° 96.
[…]
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 106, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. L'alinéa 7 de l'article 49 tend à expliciter et à développer une notion nouvelle, celle de la « menace pour l'ordre public » pouvant justifier le prononcé d'un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de personnes entrées en France pour un court séjour.
D'après le texte soumis à notre examen, cette notion pourrait s'apprécier au regard de la commission de certains faits passibles de poursuites pénales.
Cette disposition, introduite en première lecture à l'Assemblée nationale au travers d'un amendement du Gouvernement, fait partie des mesures autonomes du présent projet de loi, c'est-à-dire qui ne sont pas prévues par les directives que nous sommes en train de transcrire. Elle n'est imposée par aucune des trois directives déjà mentionnées.
Le caractère imprécis et juridiquement peu rigoureux de la rédaction de cette disposition est, selon nous, source d'insécurité juridique. La notion de menace pour l'ordre public risquerait, en effet, de donner lieu à une interprétation abusive de la part de l'administration.
Il est à craindre qu'un étranger n'ayant fait l'objet d'aucune condamnation pénale puisse se voir notifier un arrêté de reconduite à la frontière, à l'issue, par exemple, d'une garde à vue consécutive à la commission des faits cités dans l'article.
Si cette disposition était adoptée en l'état, des personnes en situation régulière qui seraient simplement soupçonnées d'avoir commis certains faits ou d'en avoir été les complices risqueraient également de tomber sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière.
Une telle disposition n'est pas acceptable, nous semble-t-il. Des migrants ne sauraient être expulsés en raison d'infractions pour lesquelles ils n'ont pas été condamnés ! À l'instar de toutes les personnes présentes sur le territoire français, les ressortissants étrangers doivent pouvoir bénéficier de la présomption d'innocence, ce principe fondamental de notre État de droit, aussi important que l'habeas corpus britannique !
Par ailleurs, l'énumération de certaines infractions telles que l'occupation illégale d'un terrain public ou privé ou l'exploitation de la mendicité vise clairement les ressortissants d'États tiers d'origine Rom. Ces derniers, d'ailleurs, sont aujourd'hui le sujet d'un petit dessein amusant en première page d'un quotidien du soir. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer l'alinéa 7 de l'article 49.
M. le président. L'amendement n° 107, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
au regard de la commission des faits passibles de poursuites pénales
par les mots :
au regard d'une condamnation définitive
II. – Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Le présent amendement vise à limiter le risque d'insécurité juridique que nous avons précédemment pointé en substituant aux termes flous : « au regard de la commission de faits passibles de poursuites pénales », les mots : « au regard d'une condamnation définitive ». Je viens d'argumenter sur cette question.
Par ailleurs, nous proposons de supprimer l'alinéa 8 du présent article, qui rend possible la reconduite à la frontière des personnes vivant régulièrement sur le territoire.
[…]
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
[…]
M. le président. L'amendement n° 114, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 8254–2–1. - Toute personne mentionnée à l'article L. 8254–1, constatant auprès des services de l'administration que son cocontractant ou un sous-traitant direct ou indirect de ce dernier emploie un étranger sans titre, enjoint son cocontractant, par lettre avec accusé réception, de faire cesser cette situation dans un délai de vingt-quatre heures suivant la réponse de l'administration.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous proposons une nouvelle rédaction des alinéas 2 à 4 de l'article 61 pour ouvrir une porte de sortie, qui permettra d'échapper à la condamnation in solidum. C'est vraiment le jour du latin !
L'article 61 complète le dispositif de la responsabilité solidaire du maître d'ouvrage avec son cocontractant.
Lorsqu'une entreprise est informée par écrit par un agent de contrôle du travail illégal ou un syndicat de salariés que son cocontractant ou l'un de ses sous-traitants emploie du personnel en situation irrégulière, elle doit aussitôt lui ordonner de mettre fin à cette situation.
L'entreprise fautive mise en demeure informe le donneur d'ordre des suites données à l'injonction, lequel peut résilier le contrat aux frais et risques de son cocontractant si la situation perdure.
Cette procédure donne l'illusion d'une plus grande responsabilisation des donneurs d'ordres.
Mais, en regardant de plus près, force est de constater qu'il n'en est rien !
Une société pourra s'exonérer de toute responsabilité en envoyant une simple lettre recommandée à son sous-traitant lui enjoignant de faire cesser la pratique d'emploi de travailleur irrégulier.
Cette simple lettre suffira à absoudre le donneur d'ordre et à prouver sa bonne foi, alors que, normalement, dans le cadre de leurs relations de travail, il ne pouvait ignorer la situation.
Aussi, notre amendement tend à obliger le donneur d'ordre à avoir un rôle plus actif dans la lutte contre l'emploi irrégulier de travailleurs par ses sous-traitants.
M. le président. L'amendement n° 112, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer le mot :
sciemment
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. L'article 61 tend à renforcer la responsabilité pécuniaire dans le cadre des contrats commerciaux.
La finalité de la réglementation est d'amener les différents employeurs concernés par la même situation et contractuellement liés à vérifier les conditions d'engagement des travailleurs.
Ainsi, toutes les entreprises intervenant dans le cadre d'une chaîne de sous-traitance sont incitées à contrôler la situation administrative de leurs salariés.
Nous regrettons que le projet de loi ouvre une porte de sortie pour échapper à ces condamnations.
Comme je l'ai dit précédemment, il sera en effet facile pour une société de se prémunir de cette obligation en envoyant à ses sous-traitants une simple lettre.
J'en viens à l'utilisation de l'adverbe « sciemment ». Sachant que la commission fait la chasse à toute cette terminologie discutable, je pense que vous suivrez notre proposition concernant ce mot, monsieur le président de la commission…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas dans ce cas-là !
M. Richard Yung. Certes, ce n'est pas le mot « notamment », mais le mot « sciemment »…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas pareil !
M. Richard Yung. … néanmoins cela se rapproche !
En tout état de cause, l'utilisation de l'adverbe « sciemment », à l'alinéa 5 de l'article 61, participe de cette échappatoire offerte aux donneurs d'ordres.
L'emploi de main-d'œuvre irrégulière en connaissance de cause serait impossible à démontrer.
Aussi, nous demandons la suppression du mot « sciemment ».
[…]
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Séance du 14 avril 2011
Mme la présidente. L'amendement n° 117, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Paragraphe I, 1°, article L. 8271-1-2
Supprimer les 1° et 9°.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous proposons de supprimer les références aux agents de contrôle de l'inspection du travail comme corps visant à participer à l'interpellation des sans-papiers.
En avril 2009, le Bureau international du travail, à la suite des plaintes déposées par les syndicats des fonctionnaires du ministère du travail, précisément ceux qui sont visés par le présent article, a condamné le fait de confier au corps de l'inspection du travail des missions de police des étrangers, affirmant qu'une telle pratique était incompatible avec l'objectif de l'inspection du travail.
C'est un mélange des genres. On ne peut pas être inspecteur du travail et garantir les droits, et, dans le même temps, être un corps de répression. Or le texte engage les agents de contrôle à participer à la lutte contre les travailleurs sans papiers, et donc à être acteurs de leur interpellation.
[…]
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 117.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. Jean-Pierre Sueur. Huit voix contre huit !
M. Philippe Richert, ministre. En cas d'égalité des voix, l'amendement n'est pas adopté !
[…]
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 121 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 174 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 200 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 121.
M. Richard Yung. Le présent amendement vise à supprimer l'article 74 bis car nous considérons qu'il est inique et injuste.
Depuis le 1er décembre 2008, l'aide juridictionnelle peut être octroyée à tous les requérants qui remplissent les conditions exigées, quelle que soit la régularité de leur entrée sur le territoire national.
La suppression de l'exigence d'entrée régulière sur le territoire français pour demander l'aide juridictionnelle date de la dernière loi relative à l'immigration élaborée en 2006 – on en fait une tous les ans ou tous les deux ans, il faut donc bien les avoir en tête – et déjà vous nous demandez de légiférer en sens inverse...
L'article 74 bis a été bien malmené par la navette parlementaire, chaque assemblée défaisant le travail de l'autre.
Cet article nous étant revenu dans sa version initiale, la commission des lois du Sénat a donc rétabli les modifications qui avaient été introduites en première lecture.
Avant que la commission des lois du Sénat n'y apporte ces quelques sages mais insuffisantes modifications, l'article 74 bis interdisait à un migrant de bénéficier de l'aide juridictionnelle dans le cadre d'un recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande de réexamen de sa demande d'asile.
On comprend bien ce qu'induisait cette mesure : on laisse entendre que toute nouvelle demande de protection serait par nature abusive. Pourtant, après le rejet définitif d'une première demande d'asile, seule la présentation d'éléments nouveaux permet le réexamen d'une demande. C'est la règle générale.
Cette mesure est donc une atteinte grave au droit d'asile !
Les modifications apportées par la commission des lois ne sont pas de nature à garantir aux demandeurs d'asile le bénéfice d'un recours effectif devant la juridiction en étant défendus.
En effet, avec les modifications apportées par la commission des lois, l'aide juridictionnelle ne pourra plus être demandée devant la Cour nationale du droit d'asile, dans le cas d'une demande de réexamen, dès lors que le requérant aura, à l'occasion d'une précédente demande, été entendu par l'OFPRA ainsi que par la CNDA assisté d'un avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle.
Selon le rapporteur, le fait de refuser à certains demandeurs d'asile la possibilité de demander l'aide juridictionnelle serait justifié par l'article 15 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.
Bel exemple de ce que l'on fait dire à une directive européenne : tout et son contraire ! Je ne veux pas entrer dans une querelle d'interprétation der la directive ; il reviendra à la Cour de justice de l'Union européenne de se prononcer. Je n'entrerai pas non plus dans une querelle d'interprétation de l'article 15, mais je souligne que la directive, comme son intitulé l'indique, est relative, j'y insiste, à des « normes minimales ». Rien ne nous interdit donc d'aller plus loin.
C'est pourquoi nous proposons de conserver, dans notre droit national, la possibilité octroyée à tous les demandeurs d'asile de demander l'aide juridictionnelle.
[…]
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Pour notre part, cela ne vous surprendra pas, mes chers collègues, nous voterons, par cohérence et en toute logique, contre cet amendement.
En fait, on veut ici limiter l'accès à la CNDA. Or, de mémoire, la proportion de décisions positives en appel rendues par cette juridiction est de l'ordre de 30 % à 40 %, elle est donc très significative. La CNDA joue donc aujourd'hui un rôle essentiel dans la défense du droit d'asile et des libertés des personnes qui y ont recours, rôle que nous souhaitons conforter.
[…]
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
[…]
Mme la présidente. Je suis saisie de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 123, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles L. 741-4, L. 742-2, L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont abrogés.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Avec cet amendement, nous souhaitons supprimer un certain nombre de catégories d'étrangers qui pourraient être admis au séjour au titre du droit d'asile, en raison des difficultés que, selon nous, elles posent.
Le principe de l'admission au séjour des demandeurs d'asile jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été consacré par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d'État.
Mais quatre exceptions à ce principe sont prévues par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'agit des personnes dont la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État membre de l'Union européenne en application du règlement Dublin II, des personnes originaires d'un pays considéré comme « sûr », des personnes qui représentent une menace grave pour la société et des personnes dont la demande reposerait sur une fraude délibérée.
Cela fait beaucoup de monde !
Or les personnes relevant de ces quatre exceptions voient leur demande d'asile examinée en procédure dite « prioritaire ». Je vous ai dit tout le mal que nous pensons de cette procédure ; je n'y reviens pas. Mais je tiens toutefois à souligner qu'elle concernait, en 2009, 22 % des demandes d'asile et, en 2010, un quart de ces demandes, ce qui est considérable !
Certes, la semaine dernière, le Conseil constitutionnel a déclaré la procédure prioritaire conforme à la Constitution, mais cela ne change rien au fait que cette procédure est inéquitable et injuste.
Nous considérons que le Conseil a validé un système qui institutionnalise le risque de renvoi vers des pays où les demandeurs pourraient subir des persécutions.
Par conséquent, nous proposons de garantir à tous les demandeurs d'asile un titre de séjour, le droit à un recours effectif et le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Tel est le sens de cet amendement.
[…]
Mme la présidente. L'amendement n° 137, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava, Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Troisième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Si l'intéressé est assisté d'un conseil et, le cas échéant, d'un interprète, ces derniers sont physiquement présents auprès de lui ou bien dans les locaux de la Cour nationale du droit d'asile selon le choix de l'intéressé.
2° Avant-dernière phrase
Remplacer les mots :
d'audience ou
par les mots :
d'audience et
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. En matière de visioconférence, dispositif auquel nous ne sommes pas favorables, mes collègues et amis ultramarins ont présenté cet amendement pour que soient pris en compte deux points importants à leurs yeux, dans la mesure où le système sera aussi utilisé outre-mer.
Le premier concerne la place des auxiliaires de justice lors de l'audience audiovisuelle, le second, le compte rendu de cette dernière.
Concernant le premier point, le projet de loi amendé place obligatoirement le conseil auprès du demandeur d'asile. Il s'agit, ici, non pas de remettre en cause la qualité des avocats d'outre-mer, mais de défendre la dignité et la responsabilité du demandeur : celui-ci, souvent assisté juridiquement et psychologiquement par une association, peut préférer que son conseil soit présent auprès des magistrats administratifs et le rendre ainsi plus à même de saisir l'atmosphère qui prévaut à la CNDA.
Bien évidemment, le décret d'application en Conseil d'État devra alors prévoir, entre autres modalités, la possibilité pour l'avocat de s'entretenir avec son client avant l'audience.
Il manque également une précision concernant l'intervention d'un interprète, rendue nécessaire pour de nombreuses auditions. Comme l'avocat, l'interprète doit pouvoir humaniser l'audience audiovisuelle par sa présence auprès du demandeur d'asile ou, au moins, respecter la pudeur du réfugié en étant au côté du juge.
Il est, en revanche, impensable de placer systématiquement auprès du magistrat l'interprète, qui reçoit le premier le témoignage d'un parcours douloureux, comme cela se fait lors des audiences audiovisuelles de l'OFPRA, sauf à vouloir limiter toute relation entre des personnes partageant la même langue.
Le second point que nos collègues ultramarins souhaitent corriger porte sur le rapport de l'audience. Il est prévu que cette dernière fasse l'objet d'un enregistrement soit sonore, soit audiovisuel.
Or les magistrats administratifs travaillent sur dossier. Pour reprendre le témoignage du demandeur d'asile, ils ne sauraient disposer que d'un enregistrement. Le dossier, pour être complet, doit être plus facilement accessible. S'il est possible de retrouver aisément une séquence dudit témoignage à partir d'un procès-verbal écrit, l'opération est beaucoup plus difficile à partir d'un simple enregistrement.
Nos collègues souhaitent donc que soit établi, en toutes circonstances, un procès-verbal écrit.
[…]
(L'amendement n'est pas adopté.)
[…]
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je voudrais, une nouvelle fois, porter la parole de nos collègues d'outre-mer, car ils voient dans cet amendement une mauvaise manière qui leur serait faite.
Le Gouvernement propose que le recours à la visioconférence devant la CNDA ne soit subordonné au consentement du requérant que lorsque celui-ci séjourne en France métropolitaine. La disposition ne s'appliquerait donc pas dans les territoires d'outre-mer.
Si cet amendement est adopté, il sera possible d'imposer aux requérants séjournant outre-mer d'être entendus par la CNDA via la visioconférence, même contre leur gré.
De manière générale, nos collègues ultra-marins ne sont pas favorables au recours à la visioconférence pour les audiences de la Cour nationale du droit d'asile. Ils s'opposent résolument à ce que l'usage de moyens audiovisuels soit imposé à des requérants outre-mer.
Ils dénoncent l'utilisation faite par le Gouvernement des territoires d'outre-mer, considérés comme de véritables laboratoires pour tester les politiques d'immigration.
Il s'agit en l'espèce d'un traitement dérogatoire, prétendument justifié par l'éloignement. Mais ce sont des dérogations graves au droit commun : nous en avons un exemple criant avec l'absence de recours suspensif contre les mesures de reconduite prises en Guyane, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et à Saint Martin.
Pour toutes ces raisons, nous appelons nos collègues à voter contre l'amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 214.
(L'amendement est adopté.)
[…]
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Lors de l'examen en seconde lecture de ce projet de loi, nous avons présenté avec force nos amendements, non pour le plaisir de faire durer les débats, mais parce qu'il s'agit d'un texte symbolique, très chargé idéologiquement, et ce de votre propre choix. Il était de notre responsabilité, bien sûr, d'y répondre, en fonction tant de nos propres engagements, que des engagements de personnes et d'associations actives dans le domaine de l'aide aux immigrés.
Nous vous l'avons dit, nous considérons que votre politique de l'immigration est pour le moins inefficace, et que ce projet de loi n'est qu'un énième texte inutile.
Ce projet de loi pose de nombreux problèmes, y compris constitutionnels. Vous ne serez donc pas étonnés que nous déposions un recours auprès du Conseil constitutionnel, sur plusieurs sujets : la limitation des pouvoirs du juge ; la modification de nombreux délais, dont nous avons débattu, notamment, au cours de la séance d'hier ; la limitation de l'aide juridictionnelle, et j'en passe.
Plusieurs points restent en quelque sorte des sujets de contentieux.
C'est le cas de l'article 17 ter, tendant à limiter l'accès de l'étranger malade à l'autorisation de séjour de longue durée. Je peux vous assurer que l'émotion suscitée par le vote de la majorité sur cette question n'est pas prête de s'éteindre, et qu'elle vous suivra.
C'est aussi le cas de l'interdiction de retour, que nous avons qualifié de « bannissement », un mot lourd de sens qui fait penser au capitaine Dreyfus...
Je pense également aux « mariages gris », à l'inversion de l'ordre d'intervention des juges judiciaire et administratif, à la création de zones d'attente à géométrie variable, à la visioconférence et à la limitation de l'aide juridictionnelle devant la CNDA.
Le débat en première lecture avait été marqué, certes, par la confrontation de deux approches, mais nous avions eu le sentiment que le Sénat, y compris grâce à certaines interventions du rapporteur ainsi qu'aux votes exprimés par la commission des lois et la majorité, avait fait évoluer le texte et l'avait amélioré sur un certain nombre de points.
Mais après ! À l'Assemblée nationale, le texte a été entièrement raboté par un groupe de députés aux positions extrémistes qui brandissent leur drapeau dès qu'il s'agit d'évoquer ces questions, avec le soutien bénévolent du Gouvernement, qui a introduit subrepticement plusieurs amendements. Nous ne sommes pas dupes de la stratégie adoptée : le texte qui est revenu au Sénat en deuxième lecture était évidemment défiguré.
Nous avons constaté, avec une certaine tristesse, que la commission des lois ainsi que la majorité n'avaient pas voulu se dresser contre ces modifications désastreuses, et que la recherche d'un compromis avait été négociée en vue de préparer la prochaine commission mixte paritaire.
Je le dis sans amertume, un seul de nos amendements a été adopté : présenté, hier, par Mme Tasca, il tendait à modifier un titre ... Voilà le résultat de plusieurs dizaines d'heures de débat ! Cela signifie-t-il que nous avons toujours tort ?
Cela augure bien mal des travaux de la commission mixte paritaire et de la mise en œuvre de la politique d'immigration, dans notre pays, au cours des prochains mois !
Pour notre part, nous avons présenté notre politique en la matière, et j'espère que nous serons bientôt en position de la mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.– Mme Éliane Assassi applaudit également.)
[…]