Le 26 juin, le Sénat a adopté en première lecture (197 voix pour et 139 voix contre) le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Ce texte a été longuement discuté. Pas moins de 583 amendements ont été présentés. La majorité LR du Sénat a fortement modifié et durci le texte adopté par l’Assemblée nationale: inscription dans la loi du principe des quotas migratoires ; suppression de la disposition prévoyant la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans aux apatrides, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire ainsi qu’aux membres de leur famille ; suppression de la disposition prévoyant l’extension de la réunification familiale aux frères et sœurs des réfugiés mineurs ; accroissement de 7 à 15 jours du délai de recours contre une décision de transfert vers un autre État membre au titre du règlement dit « Dublin III » ; transformation de l’aide médicale d’État (AME) en aide médicale d’urgence ; allongement de 18 à 24 mois du délai à l’issue duquel un étranger en situation régulière peut demander à bénéficier d’un regroupement familial ; réduction du nombre de visas de long séjour accordés aux pays les moins coopératifs pour délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière ; abaissement de 30 à 7 jours du délai de départ volontaire laissé aux étrangers visés par une OQTF ; suppression de la disposition visant à étendre aux étrangers placés en rétention la possibilité de bénéficier d’une aide au retour volontaire ; réorganisation de la rétention administrative (première phase de 5 jours, première prolongation de 40 jours, deuxième prolongation de 45 jours) ; allongement de 3 à 5 ans de la durée maximale de la peine d’interdiction du territoire français (ITF) ; maintien en l’état du délit de solidarité ; maintien à 9 mois du délai à l’issue duquel un demandeur d’asile peut accéder au marché du travail (l’Assemblée nationale propose de réduire ce délai à 6 mois) ; etc.
Parmi les rares mesures positives adoptées par le Sénat figurent notamment :
- le maintien à 30 jours du délai de recours de la Cour nationale du droit d’asile (le Gouvernement souhaite réduire ce délai à 15 jours) ;
- la possibilité, pour les associations de défense des personnes homosexuelles et des personnes transgenres, de saisir le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) d’une demande tendant à l’inscription ou à la radiation d’un État sur la liste des pays d’origine sûrs;
- la possibilité, pour les étrangers servant ou ayant servi dans la Légion étrangère, comptant au moins trois ans de services dans l’armée française et titulaires du certificat de bonne conduite, de bénéficier de la délivrance de plein droit d’un titre de séjour.
Je regrette qu’aucun de mes amendements n’ait été adopté :
- alignement du droit au séjour des apatrides et des bénéficiaires de la protection subsidiaire sur celui des réfugiés via l’attribution d’une carte de résident dès la reconnaissance de la protection ;
- suppression de l’obligation de produire un visa de long séjour qui pèse sur les conjoints de Français sollicitant la délivrance d’une première carte de séjour ;
- extension du bénéfice de la procédure de délivrance du visa de long séjour par la préfecture aux conjoints de Français dont le mariage a été célébré à l’étranger à condition qu’il ait été transcrit préalablement sur les registres de l’état civil français ;
- exonération des conjoints de Français de toute taxe liée à la délivrance ou au renouvellement de leur titre de séjour;
- suppression de la taxe de 30 euros dont doivent s’acquitter les personnes qui sollicitent la validation d’une attestation d’accueil en vue d’héberger à leur domicile un ou plusieurs ressortissant(s) étranger(s) souhaitant séjourner en France dans le cadre d’une visite familiale ou privée.
Je regrette également que le Sénat n’ait pas adopté les amendements que j’avais déposés avec plusieurs de mes collègues du groupe LaREM : interdiction du placement en rétention des mineurs isolés et des mineurs accompagnant leur famille ; suppression de la disposition prévoyant la création d’un fichier national biométrique des personnes déclarées majeures à l’issue de leur évaluation par un département ; etc.
Sur plusieurs points, j’ai été amené à voter pour des amendements ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, dont un amendement visant à « reconnaître le statut de réfugié aux femmes persécutées ou menacées de persécutions dans leur pays, en raison de leur action en faveur des droits des femmes ou du fait de leur refus de se soumettre aux coutumes, normes sociales, pratiques discriminatoires de leur pays ou de leur orientation sexuelle ». Par ailleurs, j’ai voté contre l’amendement du Gouvernement visant à rétablir la réduction à 15 jours du délai de recours devant la CNDA.
Au final, le groupe LaREM a décidé de voter contre le texte modifié par la majorité sénatoriale. Le 4 juiller, une commission mixte paritaire (CMP) réunissant sept députés et sept sénateurs tentera de proposer un texte commun sur les dispositions qui n’ont pas été adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Il est fort probable que cette CMP échoue et donc que le dernier mot revienne à l’Assemblée nationale, après une nouvelle lecture dans les deux chambres.
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