Le 19 juin, la commission des finances de l’Assemblée nationale a autorisé la publication du rapport de la mission d’information relative à la taxation des titres de séjour.
Présidée par Jean-François Parigi, député LR de Seine-et-Marne, cette mission d’information avait été mise en place suite à l’examen du projet de loi de finances pour 2019, au cours duquel plusieurs amendements relatifs aux taxes acquittées par les étrangers non communautaires avaient été discutés. Au Sénat, j’avais moi-même déposé, comme chaque année, plusieurs amendements visant à plafonner le montant des taxes dont les étrangers sont redevables au moment de la délivrance, du renouvellement ou de la fourniture d’un duplicata de leur titre de séjour.
Selon la rapporteure de la mission d’information, Stella Dupont, députée LREM du Maine-et-Loire, la réglementation actuelle se caractérise par sa complexité et son manque de cohérence (13 tarifs et majorations différents ; nombreux cas de minoration ou d’exonération du paiement). De plus, « les tarifs en vigueur en France se situent dans la fourchette haute de l’Union européenne et les montants acquittés par les étrangers sont très supérieurs à ceux réglés par les nationaux pour la délivrance d’autres documents officiels, notamment les documents d’identité ».
Le montant unitaire des taxes est variable mais représente souvent 269 euros par titre de séjour et peut s’élever, dans certains cas, à 609 euros. Tel est notamment le cas des migrants en situation irrégulière qui sollicitent une régularisation. Outre la taxe de 250 euros et le droit de chancellerie de 19 euros, ils doivent acquitter un droit de visa de régularisation dont le montant a été porté à 340 euros par la loi de finances initiale pour 2012 !
Mme Dupont considère, à juste titre, que le « niveau excessif de la taxation » accentue la précarité de certains étrangers et constitue un frein à l’intégration. Afin de pouvoir payer les sommes qui leur sont réclamées, certains étrangers sont contraints de « solliciter l’appui d’associations (soutenues par des dons partiellement défiscalisés) ou le concours de collectivités territoriales ». En d’autres termes, « de l’argent public sert au paiement de taxes imposées par l’État ». Une situation qualifiée de « baroque » par la mission d’information.
Par ailleurs, Mme Dupont a mis en exergue les difficultés liées à la dématérialisation complète du paiement des taxes (impossibilité d’accéder à Internet sur une partie du territoire national ; difficile appropriation des outils numériques par les étrangers dont la qualification et le niveau de maîtrise du français sont limités ; difficultés rencontrées par certains étrangers pour ouvrir un compte bancaire nécessaire au règlement électronique des taxes ; etc.).
Sur la base de constat, auquel je souscris pleinement, la mission d’information a formulé 16 recommandations visant à rendre la taxation des titres de séjour « plus simple, plus juste et plus fonctionnelle ».
Je me réjouis tout particulièrement que la mission d’information recommande d’exonérer les conjoints étrangers de Français de toute taxe liée à la délivrance ou au renouvellement de leur titre de séjour. Au cours des dernières années, j’ai proposé à plusieurs reprises de concrétiser cette recommandation, que le Défenseur des droits a formulée en 2014 et réitérée en 2016. Contrairement aux conjoints étrangers de ressortissants européens résidant en France, les conjoints étrangers de Français doivent s’acquitter d’une taxe au moment de la délivrance et du renouvellement de leur carte de séjour (269 euros). Le Défenseur des droits considère que cette différence de traitement constitue « une discrimination à rebours fondée sur la nationalité et prohibée par le droit européen ».
À l’instar de Mme Dupont, je souhaite que les recommandations de nature législative soient reprises sous la forme d’amendements au projet de loi de finances pour 2020.
Recommandation n°1 : réduire le nombre de tarifs applicables de treize à cinq et retenir des tarifs ronds (0, 25, 50, 100 et 200 euros) pour faciliter la compréhension et la gestion du dispositif ;
Recommandation n°2 : favoriser l’attribution de titres de séjour pluriannuels en retenant une interprétation plus souple de l’article L. 313-17 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Recommandation n°3 : abaisser de 250 à 100 euros la taxe due en cas de renouvellement d’une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an maximum ;
Recommandation n°4 : abaisser de 340 à 100 euros le montant du droit de visa de régularisation et supprimer l’obligation de paiement de 50 euros au moment du dépôt de la demande ;
Recommandation n°5 : abaisser de 250 à 200 euros la taxe devant être acquittée en cas de première délivrance et de renouvellement d’un titre de séjour (hors renouvellement d’une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an maximum) ;
Recommandation n°6 : relever de 19 à 25 euros le droit de timbre prévu sur tous les titres de séjour ;
Recommandation n°7 : supprimer les majorations de 9 et 16 euros pour la fourniture de duplicata ;
Recommandation n°8 : exonérer les conjoints étrangers de Français du paiement des taxes liées à la délivrance et au renouvellement de leur titre de séjour pour mettre fin à la discrimination à rebours relevée par le Défenseur des droits dans sa décision no MLD-2014-071 du 9 avril 2014 ;
Recommandation n°9 : introduire dans le CESEDA ou le code général des impôts une clause exonérant les étrangers indigents du paiement des taxes sur les titres de séjour ;
Recommandation n°10 : autoriser le paiement échelonné des taxes tout en assurant la délivrance du titre de séjour original dès l’enregistrement du premier paiement ;
Recommandation n°11 : maintenir la possibilité d’acheter des timbres fiscaux dans les préfectures (au moyen de bornes numériques) ;
Recommandation n°12 : améliorer la diffusion de l’information en publiant la grille tarifaire applicable aux taxes sur les titres de séjour sur le site accueil-etrangers.gouv.fr et en assurant la diffusion des circulaires et informations s’y rapportant ;
Recommandation n°13 : publier le produit annuel de la taxation des titres de séjour ;
Recommandation n°14 : supprimer les fourchettes de taxes fixées par l’article L. 311-13 du CESEDA et confier au Parlement le soin de déterminer le montant exact des taxes ;
Recommandation n°15 : corriger un défaut de coordination à l’article L. 311-13 intéressant l’exonération de taxe consentie en faveur des bénéficiaires de la protection subsidiaire (et les membres de leur famille) et du statut d’apatride (et les membres de leur famille) ;
Recommandation n°16 : modifier les conditions de détermination du montant de la taxe due par les ressortissants britanniques (séjournant en France et appelés, en cas de sortie sans accord du Royaume-Uni de l’Union européenne, à solliciter un titre de séjour) pour ne plus fixer celui-ci par renvoi au montant acquitté par les « étrangers entrés en France au titre du regroupement familial en tant qu’enfants mineurs ».
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