J’ai participé lundi 20 décembre 2010 à la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi de Contrôle de l'action du Gouvernement. J’avais déposé avec des collègues du groupe socialiste 6 amendements qui ont malheureusement tous été rejetés. Nous avons donc considéré qu’au lieu d’une avancée, limitée, le résultat n’était qu’un petit pas, mais qui allait dans le bon sens, et nous nous sommes abstenus dans le vote sur l’ensemble.
Vous trouverez ci-dessous mon intervention lors de la discussion générale et vous pouvez lire l’intégralité des débats sur le site du Sénat en cliquant ici.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture cette proposition de loi, présentée par le président de l'Assemblée nationale, M. Accoyer, visant à donner à l'Assemblée nationale et au Sénat de meilleures conditions de travail pour le contrôle et l'évaluation des politiques publiques.
La discussion s'est concentrée essentiellement sur l'article 1er, en particulier sur le parallélisme des conditions d'action et de durée pour les rapporteurs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation et ceux des commissions permanentes, avec les conditions propres aux commissions d'enquête.
Le texte original donne des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place, le droit de communication des documents, ainsi qu'une durée non limitée à ces instances.
Nous sommes donc entrés dans une partie de ping-pong, le Sénat modifiant ce qu'a fait l'Assemblée nationale, cette dernière revenant à son tour sur les modifications apportées par les sénateurs. Nous en sommes au troisième set, si je comprends bien !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est le rôle de la navette !
M. Richard Yung. Il ne reste que la balle de match à jouer !
La proposition de la commission des lois est de rétablir la rédaction modifiée par l'Assemblée nationale.
Nous considérons qu'il est dommage de brider les prérogatives des instances d'évaluation et de contrôle, alors même que l'objet de la réforme constitutionnelle et de la présente proposition de loi est de renforcer les pouvoirs de contrôle et d'évaluation du Parlement.
Il est curieux que le Parlement ne saisisse pas lui-même cette occasion de se doter de moyens.
C'est, vous le savez, un des points faibles du travail parlementaire français : pour des raisons complexes, historiques, par conformisme, par le jeu des majorités, mais aussi par la crainte de voir surgir des opinions divergentes – ce n'est d'ailleurs pas particulièrement scandaleux, y compris lorsqu'elles s'expriment au sein d'un même camp –, sans doute aussi par héritage colbertiste et monarchique, le Parlement français ne s'est jamais vraiment saisi de son travail de contrôle de l'exécutif.
Je parle d'une manière générale. En effet, ce travail de contrôle et d'évaluation n'est pas seulement partisan. Il peut y avoir une excellente politique décidée, et des modalités de mise en œuvre mauvaises, voire désastreuses, qui aboutissement au résultat inverse de l'objectif visé. Un travail d'évaluation bien fait permet de démonter les mécanismes et peut-être de corriger ce qui était à l'origine une bonne politique.
On voit aussi notre propre timidité, comme notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur l'a souligné, même dans les outils dont nous venons d'être dotés.
Par exemple, lors des séances mensuelles de questions cribles, durant lesquelles nous pouvons poser nombre de questions, peu d'entre nous sont présents et peu y ont recours. On dirait que nous hésitons à utiliser cet outil.
De même, la procédure des résolutions, qui constitue pourtant une bonne mécanique, est peu utilisée, alors qu'elle permet de poser un problème au Gouvernement sans faire l'objet d'une proposition de loi et d'un débat proprement politique. Force est de constater là encore une grande timidité.
On a l'impression que le Parlement éprouve une sorte de vertige devant la liberté, qui pourrait être la sienne, de contrôler réellement l'exécutif.
Pourtant, dans la théorie de la séparation des pouvoirs, le contrôle de l'exécutif par le Parlement est une pièce maîtresse.
D'autres parlements le font. Jean-Pierre Sueur a cité le Parlement britannique. C'est vrai aussi du Bundestag, où ont lieu des débats très vifs et extrêmement sérieux. Sans parler du Congrès ou du Sénat américains, où les débats d'évaluation et de contrôle sont extrêmement rigoureux. En comparaison, nous passons pour de « gentils garçons », avec un côté « bisounours », dans notre travail d'évaluation ou même d'audition des candidats aux postes les plus élevés de l'État.
Pour notre part, nous préférons « sortir par le haut », c'est-à-dire à la fois respecter la volonté du président de l'Assemblée nationale de donner des pouvoirs significatifs aux instances d'évaluation et de contrôle et de les rendre identiques à ceux des commissions permanentes et des commissions d'enquêtes.
Nous élèverions ainsi le niveau des pouvoirs des deux côtés, ce qui répondrait, me semble-t-il, à votre souci, monsieur le rapporteur, du parallélisme des formes, afin d'éviter un déséquilibre en défaveur des commissions permanentes.
Nous défendrons tout à l'heure deux amendements sur ce point.
Nous proposerons également d'ouvrir le champ du contrôle de l'action gouvernementale à tous les domaines, et pas seulement aux seuls sujets « transversaux », c'est-à-dire ceux qui relèvent de plusieurs et non pas une seule commission permanente.
Telles sont mes principales remarques à ce stade du débat.