Le 19 mars, le Sénat a adopté par 175 voix contre 171 la réforme de la représentation des Français établis hors de France.
Le projet de loi relatif à la représentation politique des Français établis hors de France vise à résoudre les problèmes posés par le dispositif actuel : déficit de représentation à l’échelon local ; manque de visibilité de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) ; étroitesse du collège électoral pour l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France ; etc.
Afin de renforcer la démocratie de proximité, le Gouvernement a prévu la création de conseils consulaires au sein desquels siègeront 444 conseillers consulaires élus pour six ans au suffrage universel direct dans le cadre de 130 circonscriptions électorales. Au plus près des besoins, ces « élus locaux » seront mieux à même de relayer les préoccupations des Français de l’étranger.
Ce faisant, la France s’inspire des dispositifs qui ont été récemment mis en place par d’autres pays européens qui, à l’instar de la France, comptent de grandes communautés à l’étranger. L’Espagne, l’Italie et le Portugal ont, en effet, institué des instances spécifiques « sur le terrain » pour faire entendre la voix de leurs ressortissants auprès des représentations diplomatiques et consulaires (voir l’étude de législation comparée qui a été réalisée par le service juridique du Sénat).
Certains des conseillers consulaires siégeront au sein d’une Assemblée des Français de l’étranger rénovée. La suppression des membres de droit et des personnalités qualifiées ainsi que l’élection de son président parmi ses membres auront pour effet de rapprocher l’AFE des autres assemblées issues du suffrage universel direct. L’AFE se voit également attribuer de nouvelles compétences. Chaque année, elle émettra un avis sur le bilan de l’action de l’administration dans les domaines intéressant directement les Français de l’étranger. Elle pourra aussi se prononcer sur le projet de loi de finances.
La réforme proposée par le Gouvernement prévoit également l’élargissement du collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France. À partir de 2014, ce dernier sera constitué de l’ensemble des conseillers consulaires auquel s’ajouteront les députés élus par les Français établis hors de France ainsi que des délégués supplémentaires élus le même jour que les conseillers consulaires et les conseillers à l’AFE. Au total, le collège électoral comprendra plus de 500 grands électeurs. Ainsi, les sénateurs représentant les Français établis hors de France bénéficieront d’une légitimité incontestable.
Lors de sa réunion du 12 mars, la commission des lois avait apporté de nombreuses améliorations au texte du Gouvernement. Adoptées à l’initiative du rapporteur, elles tiennent compte des remarques que l’AFE a formulées de façon unanime à l’occasion de sa dernière session plénière.
- Attribution de la vice-présidence des conseils consulaires à un membre élu.
- Élargissement de la liste des thèmes abordés dans le rapport du Gouvernement à l’AFE (état d’avancement des conventions fiscales et sociales ; état des lieux du régime fiscal applicable aux Français de l’étranger).
- Institutionnalisation d’un débat sur ce rapport en présence du Gouvernement.
- Mise en place d’un dispositif de vote anticipé sous pli fermé pour l’élection des conseillers consulaires et des conseillers à l’AFE (7 jours maximum avant le jour du scrutin).
- Modification du mode d’élection des conseillers à l’AFE (élection au scrutin direct à la représentation proportionnelle, concomitamment à celle des conseillers consulaires, un conseiller à l’AFE devant être conseiller consulaire pour être élu).
- Maintien du droit à la formation des conseillers à l’AFE (cette disposition était prévue par la loi du 7 juin 1982).
- Préservation du rôle des associations représentatives des Français de l’étranger dans le financement des campagnes électorales des conseillers consulaires, des conseillers à l’AFE et des délégués consulaires.
- Couplage de l’élection des conseillers consulaires et des conseillers à l’AFE avec le premier tour de l’élection des conseils municipaux.
Le projet de loi a été débattu en séance publique les 18 et 19 mars. À l’issue de la discussion générale, à laquelle j’ai participé, le Sénat a rejeté deux motions d’irrecevabilité présentées par ma collègue UMP Joëlle Garriaud-Maylam.
Lors de la discussion des articles, des modifications supplémentaires - proposées par les différents groupes politiques - ont été adoptées. Elles vont dans le sens des recommandations de l’AFE.
- Présidence du conseil consulaire assurée par le vice-président – élu – en cas d’absence du président.
- Fixation de la fréquence des réunions de l’AFE (au moins deux fois par an).
- Précision dans la loi de la date de la réunion constitutive des conseils consulaires et de l’AFE.
- Précision du régime contentieux du règlement intérieur de l’AFE (compétence du tribunal administratif de Paris).
- Extension du droit à la formation à l’ensemble des conseillers consulaires.
- Amélioration de l’information de l’AFE (elle sera tenue informée par le Gouvernement des engagements intervenant dans le domaine du droit de la famille, de la politique de rayonnement culturel de la France à l’étranger et de l’administration des Français de l’étranger).
- Fixation par décret en Conseil d’État des prérogatives dont les conseillers consulaires et les conseillers élus à l’AFE disposent dans leur circonscription électorale.
- Transmission des circulaires électorales sous forme papier aux électeurs qui n’ont pas communiqué leur adresse électronique au consulat (voir l’amendement que j’ai cosigné avec Claudine Lepage et Kalliopi Ango Ela).
- Redécoupage des circonscriptions électorales pour l’élection des conseillers consulaires (voir l’amendement).
- Redécoupage des circonscriptions électorales pour l’élection des conseillers à l’AFE (102 conseillers à l’AFE seront élus dans le cadre de 20 circonscriptions, voir l’amendement).
- Maintien de la faculté, pour les conseillers à l’AFE, de prendre communication et copie de l’ensemble des listes électorales consulaires de leur circonscription d’élection.
- Précision des règles applicables en matière de comptes de campagne pour les candidats à l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France (désignation de plusieurs mandataires, déplafonnement des frais de transport, lieu de déclaration du mandataire financier, délai de dépôt du compte de campagne, prise en compte du taux de change, etc.).
- Définition du rôle des délégués consulaires (ils seront « destinés à compléter le corps électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France »).
- Encadrement du vote anticipé pour l’élection des sénateurs (il se déroulera le deuxième samedi précédant le scrutin).
- Mise en place d’un régime de sanctions en cas de dérives constatées lors de l’élection des sénateurs.
Je déplore la suppression de la disposition instituant un vote anticipé pour l’élection des conseillers consulaires et des conseillers à l’AFE. Gageons que les députés la rétabliront.
Par ailleurs, je regrette que mon amendement visant à autoriser les conseillers consulaires et les conseillers à l’AFE à porter l’écharpe tricolore n’ait pas été adopté. J’ai cependant pris acte de l’engagement de la ministre de « réfléchir » à cette question d’ici à la lecture à l’Assemblée nationale (voir l’amendement).
Le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France a été adopté par l’ensemble des groupes de la majorité sénatoriale. Seuls les sénateurs de l’UDI et de l’UMP ont voté contre, arguant que la mise en place d’un scrutin proportionnel dans quatre circonscriptions AFE à deux sièges ne leur sied pas.
Le Sénat a également adopté le projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Le Gouvernement ayant déclaré l’urgence, les deux projets de loi seront prochainement débattus à l’Assemblée nationale avant d’être examinés en commission mixte paritaire (CMP).