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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

Mandat que j'ai eu l'honneur de faire vivre de 2004 à 2021.
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Je me suis retiré de la vie politique à la fin de mon mandant en septembre 2021, je partage désormais mes réactions, points de vue, réflexion sur https://www.richardyung.fr

Merci de votre visite.

Richard Yung
Octobre 2021

MontlucJ'ai assisté ce matin à une cérémonie émouvante au Fort de Montluc à Lyon à la mémoire des résistants qui y ont été enfermés, dont les parents de mon épouse Aude fusillés en 1944.

Vous pouvez lire ci-dessous le discours qu'a prononcé le Premier ministre à cette occasion.

Mémorial de la prison de Montluc à Lyon, vendredi 21 juin 2013

Madame la ministre,
Monsieur le ministre,
Monsieur le sénateur-maire,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Conseil régional,
Madame la présidente du Conseil général,
Mesdames et Messieurs les présidentes et présidents des représentants des associations de résistants, d’internés, de déportés,
Mesdames et Messieurs les représentants des familles,
Chers élèves qui avez participé au concours national de la Résistance,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Je suis très ému d’être parmi vous ce matin. Et cette émotion, je crois que nous la partageons tous. Tout à l’heure, au moment de déposer une gerbe devant le mémorial à Caluire, j’ai pensé à l’immense courage de Jean Moulin. Et j’ai senti là encore beaucoup d’émotion autour de moi. Je me suis demandé si moi aussi, au nom de la France, dans une pareille situation d’horreur, j’aurais trouvé comme lui la force nécessaire pour résister et résister aussi à la torture.

Je me suis demandé si j’aurais eu la lucidité qu’il fallait dans la tourmente de l’étrange défaite pour répondre dès juin 40 à l’appel du Général de Gaulle à Londres. Je me suis demandé si j’aurais sans la moindre hésitation gagné les rangs de la Résistance, sachant ce que sous l’Occupation, la Résistance pouvait signifier comme dangers pour sa propre vie, pour la vie de ses proches.

Je me suis demandé si j’aurais dit non tout de suite et jusqu’au bout. Non au régime de Vichy, non au nazisme, parce que je suis né comme beaucoup d’entre vous aujourd’hui, après la Libération de la France. J’ai hérité comme vous de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. J’ai grandi, nourri des valeurs universelles de la République et ces valeurs qu’on croit trop vite définitivement acquises. J’ai grandi sur un petit nombre de principes inaliénables, que Jean Moulin a défendus au péril de sa vie.

Le pays dans lequel, comme vous, j’ai la chance de vivre, cette France dont j’ai l’honneur de diriger le gouvernement sous l’autorité du Président de la République, cette France, nous la devons, telle qu’elle a su demeurer, à l’action désintéressée d’un homme comme Jean Moulin. La patrie française à laquelle je crois, nous la devons d’abord à une poignée d’hommes et de femmes d’exception tels que Jean Moulin, car je ne veux pas oublier ces autres braves dont le nom est peut-être moins glorieux, en tout cas moins connu, mais l’action pourtant essentielle. Il faut nous souvenir avec dignité, avec respect, de ces milliers de résistants anonymes, de ceux aussi qui purent à partir du 27 mai 1943, inscrire leur combat dans celui du Conseil national de la Résistance. Ce Conseil, Jean Moulin l’avait mis en place sur les instructions du Général de Gaulle. Il fallait unifier l’ensemble des mouvements de Résistance, les partis politiques, les syndicats, pour contribuer avec les alliés à la libération du pays et préparer aussi l’avenir, la suite, c'est-à-dire le futur gouvernement de la France et poser les bases d’un redressement républicain de la France. Mesdames et Messieurs, la bravoure silencieuse de ces hommes de l’ombre résonne encore dans le nom même de leur chef.

J’ai tenu à venir ici accompagné de la ministre des Droits des femmes et du ministre délégué chargé des Anciens combattants, le sénateur-maire de Lyon où est implanté ce lieu de mémoire, cette prison de Montluc, nous a rejoints avec de nombreux élus que je salue encore et vous tous, Mesdames et Messieurs. Nous sommes tous émus aussi de voir à nos côtés beaucoup de collégiens, de lycéens. Je voudrais que vous vous posiez vous aussi la question et je sais que vous vous l’êtes posée, en travaillant sur cette histoire de notre pays, en travaillant pour le concours de la Résistance, vous qui êtes jeunes et qui représentez désormais le destin de la France, que vous vous posiez cette question difficile : qu’aurais-je fait à sa place à lui ? Aurais-je su faire le sacrifice de ma vie pour sauver la liberté de mes voisins, de mes parents, des générations futures et la liberté de mon pays ? Dès demain, saurais-je rendre fier par mes actes l’héritage des révolutionnaires de 1789 qui ont bâti la légende de la France ? Saurais-je sans relâche défendre l’esprit comme défendre aussi la lettre de notre Constitution ? J’en cite souvent le premier article : la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ; elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. Elle favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.

J’ai en tête comme vous tous aussi, le cliché de la plus célèbre photographie de Jean Moulin, celle où il porte enfoncé de côté un chapeau de feutre, celle où il sourit si mystérieusement, où son cou est protégé par une écharpe légère ; et cependant, cette écharpe, il la porte avant tout pour cacher une cicatrice, une douleur. En juin 1940, Jean Moulin était préfet d’Eure-et-Loir. Les bombardements de la Luftwaffe venaient de tuer des civils à La Taille, un petit village, dans un hameau qui dépendait directement de sa préfecture. Or les autorités allemandes d’occupation lui demandèrent d’en accuser à tort une troupe de tirailleurs sénégalais de l’armée française. Jean Moulin refusa. Il exigea d’abord des preuves qu’on ne put lui fournir, on le jeta au cachot. En tant que serviteur de l’Etat depuis 1917, il était de ceux qui n’acceptaient que l’âpre vérité, il se faisait un devoir strict de défendre la liberté où qu’elle soit. En 1937 par exemple, aux côtés du Front populaire et de Pierre Cot, ministre de l’Air, il avait soutenu le combat des républicains espagnols victimes d’un coup d’Etat militaire. Il exécrait toutes les formes de tyrannie, toutes les formes de mensonges et c’est sans doute pourquoi dans sa cellule, en juin 1940, refusant déjà le déshonneur, il tenta de se trancher la gorge avec un débris de verre. On l’emmena à l’hôpital, il fut heureusement sauvé, rétabli pendant quelques semaines dans ses fonctions, après quoi vous le savez, il porta par pudeur pendant un temps, nouée autour de sa gorge, cette écharpe d’aviateur.

Vous voyez dans ce fort de Montluc, furent détenues plus de huit mille personnes, simplement parce que les nazis les ont jugées coupables d’exister ; les 44 enfants et adolescents juifs d’Yzieu, des enfants qui avaient entre quatre et dix-sept ans, y furent regroupés avant qu’on ne les déporte comme d’autres aussi vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Beaucoup d’innocents et de personnes d’honneur ont transité par ce fort. Le Général Delestraint, chef de l’armée secrète, arrêté à Paris le 9 juin 1943, exécuté d’une balle dans la nuque à Dachau en avril 1945 ; Marc Bloch, arrêté, torturé en mars 1944 avant d’être fusillé avec d’autres en juin. « Mon Général, notre guerre à nous aussi, est rude », c’est ce qu’écrivait Moulin à de Gaulle, le 15 juin 1943. On voit d’ailleurs la copie de cette lettre à Caluire. Regardez bien ces murs, quand vous entonnez la Marseillaise et le Chant des partisans, c’est à l’intérieur de cette prison que furent conduits les chefs de la Résistance capturés. Jean Moulin les avait convoqués chez le Docteur Dugoujon à Caluire le 21 juin. Mais la gestapo, elle aussi, y débarqua. C’était jour pour jour il y a 70 ans. En arrêtant Moulin, la police de sécurité allemande croyait enfin pouvoir briser les réseaux de la Résistance qu’il avait réussi à fédérer. Entre ces murs qui nous paraissent désormais inoffensifs, les hommes du lieutenant SS Klaus Barbie, ont torturé Moulin et bien d’autres. Ils ont cherché à lui faire donner des noms, des adresses, il n’a rien dit. Les poumons écrasés, la gorge vraisemblablement en sang, il s’est cramponné avec une certaine idée de la France, que les nazis même à coups de bottes, ne pouvaient pas défigurer.

La dignité, Jean Moulin l’a incarnée encore à Paris au siège de la Gestapo, il l’a incarnée lorsqu’ils l’ont jeté comme un chien dans un wagon pour l’Allemagne. Il n’a rien dit. J’ai vu, nous rapporte l’infirmier Militz, un prisonnier qui m’a fait une impression très bizarre. Le prisonnier était allongé, puis il s’est assis. Je l’ai vu marcher une fois dans la chambre, en s’appuyant aux meubles et aux murs, il était oppressé et se tenait le ventre et les reins. Il m’a fait l’impression d’un homme très malade et qui n’avait plus pour longtemps à vivre. Il avait les yeux fixes et par instants hagards. Le 8 juillet 1943, Jean Moulin est mort dans ce train infâme en gare de Metz, un peu avant de passer la frontière avec l’Allemagne nazie. Il est resté de la sorte et pour toujours du côté de la France éternelle.

Si aujourd’hui, nous sommes rassemblés si nombreux aux côtés d’anciens détenus de Montluc et des fils et filles et petits-fils et petites-filles de résistants, c’est parce que Jean Moulin nous a légué bien plus que sa vie, il nous a transmis par-delà son combat une attitude irréprochable devant l’extrémisme et l’oppression.

Quand d’ailleurs le Général de Gaulle, au retour d’une inspection en Tunisie, fut averti de la chute de Moulin, il se tut pendant de longues minutes. Puis il ajouta en pensant je suis sûr à cet homme qui ne pouvait être mort en vain : continuons ! Oui, continuons, nous qui lui sommes redevables du meilleur de nous-mêmes. Lui être fidèle reste notre premier devoir. Et quant à moi, chaque fois et j’en fais ici le serment solennel, que dans notre République, à quelque degré de l’Etat, on bafouera les plus hautes valeurs de la France, chaque fois, mes chers amis, je penserai à Jean Moulin comme un frère.

Vive la République et vive la France !