Le 12 novembre, j’ai interrogé le Gouvernement sur les difficultés auxquelles sont confrontés les Américains dits « accidentels ».
Ces binationaux franco-américains n’ont pas d’autre lien avec les États-Unis qu’une naissance sur le sol américain. Ils sont les victimes collatérales de l’accord franco-américain relatif à la mise en œuvre de la loi américaine dite « FATCA ».
En vertu de cet accord signé en 2013, les banques françaises ont l’obligation de transmettre à l’administration fiscale américaine (Internal Revenue Service) - via l’administration fiscale française - des informations relatives aux comptes détenus directement ou indirectement par les personnes ayant le statut de contribuable des États-Unis (US Person), dont les citoyens américains et les personnes fiscalement domiciliées aux États-Unis. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par l’application d’un prélèvement de 30% sur tout paiement de source américaine.
Parmi les informations qui doivent être transmises à l’IRS figure le numéro d’identification fiscale (Taxpayer Identification Number). Or, la quasi-totalité des Américains dits « accidentels » se trouvent dans l’impossibilité d’obtenir et de fournir un NIF.
À défaut de pouvoir transmettre un NIF, les banques françaises sont autorisées à transmettre la date de naissance du titulaire d’un « compte déclarable américain ». Cependant, ce dispositif dérogatoire doit s’achever le 31 décembre prochain.
Craignant d’« être dans l’incapacité de remplir leurs obligations déclaratives » et de faire l’objet de « sanctions financières et réputationnelles très importantes » aux États-Unis, à compter du 1er janvier 2020, les banques françaises ont fait savoir qu’elles pourraient être contraintes de clôturer les comptes des clients se trouvant dans l’impossibilité de fournir un NIF. Quelque 40.000 comptes seraient concernés.
La secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, Agnès Pannier-Runacher, m’a informé que les Américains dits « accidentels » « pourront voir leurs comptes en banque maintenus », l’IRS « reconnaiss[a]nt désormais expressément que, après l’échéance du 31 décembre 2019, le défaut de transmission d’un [NIF] par les banques n’emporte nullement pour conséquence immédiate la caractérisation d’un manquement significatif de leur part ».
Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention et de la réponse de Mme Pannier-Runacher.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 905, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Richard Yung. Ma question concerne ceux que l’on appelle les « Américains accidentels », c’est-à-dire ceux qui ont eu la mauvaise chance de naître sur le territoire des États-Unis et qui sont des victimes collatérales de l’accord fiscal dit Fatca, le Foreign Account Tax Compliance Act.
Cet accord, qui implique une transmission de données de la France vers les États-Unis, mais non dans l’autre sens – les États-Unis ne fournissent pas les données analogues –, a pour conséquence de mettre ces Américains accidentels dans une position difficile.
Le Gouvernement avait envisagé, l’an dernier, une procédure de renonciation facilitée à la citoyenneté américaine, qui faisait l’objet de négociations avec le gouvernement américain. Où en est cette négociation ?
Nous avions également proposé que la transmission du numéro d’identification fiscale américain soit simplifiée, et que ces Américains accidentels puissent pleinement bénéficier des possibilités de régularisation rapide de la situation fiscale qu’offre le droit américain. La question de la CSG, la contribution sociale généralisée, et de la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, avait été finalement réglée par un accord entre les deux administrations fiscales.
Le fisc américain a par ailleurs décidé d’accorder un dégrèvement aux personnes ayant renoncé à leur citoyenneté américaine depuis le 18 mars 2010, sous certaines conditions.
En revanche, il semble qu’aucune avancée n’ait été enregistrée s’agissant de la transmission du numéro d’identification fiscale – le NIF – américain. Craignant des sanctions, les banques françaises ont fait savoir qu’elles pourraient être contraintes de mettre fin aux relations commerciales qu’elles entretiennent avec des « personnes américaines », autrement dit de fermer les comptes qu’ont ces Franco-Américains dans les banques françaises, souvent depuis 20 ans ou 30 ans, dès lors qu’ils sont dans l’impossibilité de fournir un NIF.
Ce constat est particulièrement inquiétant ; il concerne 40 000 de nos concitoyens.
Je souhaite donc savoir si les démarches entreprises par le gouvernement français auprès des autorités de Washington ont des chances d’aboutir d’ici au 31 décembre.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Yung, vous avez raison : nous sommes particulièrement impliqués, avec les Pays-Bas, dans la résolution de ce problème des Américains par accident, qui ont la nationalité américaine, sans pour autant travailler aux États-Unis ou entretenir de relations courantes avec ce pays, et sont néanmoins soumis à une législation extraterritoriale qui peut conduire à l’interruption de leurs comptes bancaires au nom du Fatca.
Vous avez souligné que nous avons obtenu, cet été, une décision juridique sur la position que nous défendions, selon laquelle la CSG et la CRDS constituent des impôts, couverts à ce titre par la convention fiscale qui lie nos deux États. Cette inflexion permet de résoudre des situations préjudiciables de double imposition. Par ailleurs, l’IRS, l’Internal Revenue Service, a présenté le 6 septembre dernier une nouvelle procédure d’amnistie fiscale.
Celle-ci constitue une avancée significative qui, compte tenu des seuils de référence élevés, permettra de résoudre la situation fiscale de nombreux binationaux ayant décidé de renoncer à leur nationalité américaine.
S’agissant des problématiques rencontrées par les clients de nationalité américaine dans leurs relations avec les établissements bancaires, consécutives aux difficultés de délivrance, par les autorités américaines, d’un numéro de sécurité sociale qui fait également fonction de numéro d’identification fiscale – le Tax Identification Number, ou TIN –, nous avons continué d’approfondir les discussions avec les autorités américaines, puisque – vous l’avez signalé – il existe en la matière un enjeu de court terme lié à l’expiration prochaine de la dérogation accordée jusqu’au 1er janvier 2020 en matière d’obligation de collecte de ce numéro.
Les citoyens concernés doivent avoir ce numéro pour que leur compte en banque soit maintenu ; or, pour obtenir ce numéro, l’Américain né par hasard sur le territoire américain doit demander un document à l’administration fiscale américaine, laquelle ne le lui délivre pas. La situation dans laquelle nous sommes est donc invraisemblable.
Les représentants parlementaires ont été amenés à insister auprès des responsables du Trésor américain sur l’urgente nécessité de résoudre ces difficultés. Nous avons nous-mêmes beaucoup échangé avec l’administration américaine et ces initiatives viennent d’aboutir à la publication par l’IRS, le 15 octobre dernier, de compléments aux instructions existantes qui précisent les obligations des institutions financières en matière de collecte et de transmission du TIN. Or ces instructions amendées reconnaissent désormais expressément que, après l’échéance du 31 décembre 2019, le défaut de transmission d’un TIN par les banques n’emporte nullement pour conséquence immédiate la caractérisation d’un manquement significatif de leur part.
Les services de l’IRS prendront en considération les circonstances particulières ayant conduit à cette carence, ainsi que les procédures internes mises en place et les diligences accomplies par les institutions financières pour collecter cette information.
Théoriquement donc, à compter du 1er janvier 2020, les citoyens américains qui le sont par hasard pourront voir leurs comptes en banque maintenus ; mais nous continuons à mettre la pression sur les autorités américaines – j’ai refait le point la semaine dernière avec mon homologue néerlandais pour que nous cosignions un courrier demandant que cette réglementation soit encore précisée, de façon à ce que les banques françaises puissent maintenir en toute sécurité leurs relations avec ces Américains particuliers.