Le 15 octobre, le Sénat a adopté, par 292 voix pour et 1 voix contre, le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.
Héritier du Conseil national économique (1925-1940), le CESE est une assemblée consultative placée auprès des pouvoirs publics. Il exerce trois principales missions, à savoir conseiller le Gouvernement, favoriser le dialogue entre les forces vives de la Nation et contribuer à l’information du Parlement. Il est composé de 233 membres représentant la « société civile organisée » (syndicats, entreprises, associations, mutuelles, jeunes, etc.). Parmi eux, 193 sont désignés par les corps intermédiaires et 40 sont des personnalités qualifiées nommées par le Gouvernement.
Le projet de loi organique vise, d’une part, à faire du CESE le « carrefour des consultations publiques » et, d’autre part, à lui permettre de « renouer avec sa vocation de représentation de la société civile ».
À cette fin, il prévoit :
- la possibilité, pour le Gouvernement et le Parlement, de saisir le CESE d’une demande d’avis sur la mise en œuvre d’une disposition législative entrant dans son champ de compétence (l’objectif est de « renforcer le rôle du CESE comme conseil des institutions dans la mise en œuvre des réformes en matière économique, sociale et environnementale ») ;
- la facilitation de la saisine du CESE par voie de pétition (réduction à 150.000 signataires du seuil de prise en considération des pétitions ; abaissement à 16 ans de l’âge minimum des pétitionnaires ; possibilité de déposer une pétition par voie électronique ; réduction à six mois du délai laissé au CESE pour se prononcer par un avis sur les pétitions recevables et les suites à donner) ;
- la possibilité de recourir au tirage au sort en vue d’organiser des consultations publiques – sur le modèle de la convention citoyenne pour le climat – ou de permettre à des citoyens de participer – avec voix consultative – aux travaux des commissions du CESE ;
- l’accélération de la procédure simplifiée (la commission compétente ne disposerait plus que de deux semaines pour émettre un projet d’avis ; le projet d’avis deviendrait avis du CESE au terme d’un délai de trois jours à compter de sa publication, sauf en cas de demande d’examen en séance plénière formulée par le président ou au moins un tiers des membres du CESE) ;
- la suppression de l’obligation, pour le Gouvernement, de procéder aux consultations prévues par la loi ou le règlement lorsqu’il saisit le CESE sur un projet de loi portant sur des questions à caractère économique, social ou environnemental (exceptions: concertations préalables prévues par le code du travail, consultation des instances nationales dans lesquelles sont représentées les collectivités territoriales, consultation des autorités administratives ou publiques indépendantes, consultation des commissions statutaires de la fonction publique) ;
- le renforcement des liens entre le CESE et les instances locales (possibilité, pour le CESE, de consulter des instances consultatives créées auprès des collectivités territoriales ou de leurs groupements [conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, conseils de développement, conseils de quartier, etc.]; possibilité, pour des représentants des instances consultatives créées auprès des collectivités territoriales ou de leurs groupements, de participer aux travaux des commissions du CESE) ;
- la réforme de la composition du CESE (réduction à 175 du nombre de membres [52 représentants des salariés; 52 représentants des entreprises, des exploitants agricoles, des artisans, des professions libérales, des mutuelles, des coopératives et des chambres consulaires; 45 représentants au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative; 26 représentants au titre de la protection de la nature et de l’environnement]; suppression de la catégorie des personnalités qualifiées; représentation équilibrée, au sein des quatre catégories de membres, des territoires de la République, notamment des outre-mer; maintien de la répartition des membres du CESE en trois pôles, économique, social et environnemental; fixation, par décret en Conseil d’État, de la répartition des sièges à l’intérieur des pôles; mise en place d’un comité de 11 personnes chargé de proposer, avant chaque renouvellement, des évolutions de la composition du CESE) ;
- l’instauration de règles déontologiques, dont le contrôle serait assuré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et par un déontologue indépendant.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale a été profondément modifié par la majorité conservatrice du Sénat, qui :
- refuse « toute légitimation du tirage au sort comme outil de démocratie » ;
- souhaite que les pétitions adressées au CESE viennent de personnes résidant dans au moins trente départements ou collectivités d'outre-mer ;
- rejette le dispositif permettant au Gouvernement, lorsqu’il consulte le CESE sur un projet de loi, de s’exonérer des autres consultations préalables ;
- souhaite une « moindre réduction » des effectifs du CESE (193 membres).
Au regard des modifications apportées par la majorité sénatoriale, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) – dont je suis membre – s’est abstenu.
Seul motif de satisfaction : l’adoption, par le Sénat, de mon amendement prévoyant le maintien de la possibilité, pour les Français établis hors de France, de signer une pétition adressée au CESE. Le texte adopté par les députés et modifié par la commission des lois du Sénat tendait à exclure nos compatriotes résidant à l'étranger du champ des personnes autorisées à signer une pétition, ce qui n'était pas acceptable. Mon amendement a été adopté avec un avis favorable du Gouvernement.
En revanche, le Sénat n’a pas adopté mon amendement visant à rétablir la représentation des Français établis hors de France au sein du CESE.
Entre 1984 et 2010, les Français établis hors de France étaient représentés par deux conseillers nommés par décret pris sur le rapport du ministre chargé des affaires étrangères après consultation de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE).
Ces deux sièges ont été supprimés par la loi organique du 28 juin 2010 relative au Conseil économique, social et environnemental, au motif que les Français établis hors de France disposent de leur propre assemblée consultative et qu’ils sont représentés au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Actuellement, une personnalité qualifiée est censée représenter les activités économiques françaises à l’étranger. Or, malgré toutes ses qualités, elle n'est pas représentative des « forces vives de la présence française dans le monde ». De plus, la catégorie des personnalités qualifiées est amenée à disparaître.
L'absence de représentation des Français établis hors de France au sein du CESE est d'autant plus contestable que les activités économiques et sociales des départements et régions d’outre-mer, des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie sont représentées et continueront à être représentées au Conseil, et cela alors même que les outre-mer bénéficient également d’une représentation au Parlement ainsi que de leurs propres conseils économiques, sociaux et environnementaux.
Dans le contexte actuel de mondialisation, les Français établis hors de France peuvent apporter un éclairage précieux aux travaux du CESE. Ils doivent pouvoir « mettre leur expérience, leurs connaissances au service [...] d’une instance de consultation nationale modernisée » (discours du président de la République à l’occasion de la 27ème session plénière de l’AFE, 2 octobre 2017).
Le Sénat n’a pas non plus adopté mon amendement de repli visant à permettre à des conseillers à l’AFE de participer ponctuellement, avec voix consultative, aux travaux des commissions du CESE, à l’instar des représentants des instances consultatives créées auprès des collectivités territoriales ou de leurs groupements.
Les dispositions qui n’ont pas été adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées seront prochainement soumises à une commission mixte paritaire (CMP) réunissant sept députés et sept sénateurs.