Hier, le gouvernement a déposé un amendement sur le projet de loi organique portant diverses mesures relatives à l’élection du président de la République, visant à instaurer un vote anticipé lors de l’élection présidentielle de 2022.
La Commission des lois du Sénat a évidemment rejeté l’amendement illico presto, ruminant comme à son habitude davantage sur la forme que sur le fond. Il sera discuté en séance publique cet après-midi. Bien que, je le concède, le dépôt de l’amendement n’ait pas été fait de la meilleure façon, c’est une mesure importante que je soutiens.
Les dernières élections européennes et municipales ont mis en lumière une faille démocratique croissante, à laquelle la France n’est pas la seule à être confrontée : l’abstention. 55,25% au premier tour des municipales, 58,6% au deuxième ; 49,88% aux européennes… Il est pourtant clair que des mesures pour y remédier sont cruciales. Emmanuel Macron a pris en 2017 l’engagement de donner « le plus de possibilités de participer au scrutin aux Français ». Il a raison. De surcroît, la crise sanitaire risque d’augmenter le taux d’abstention dans les prochaines élections, car j’imagine bien la réticence de nombreuses personnes à se déplacer dans les bureaux de vote si la covid-19 n’est pas éradiquée - et d’ici les prochaines élections régionales, qui doivent se tenir afin d’assurer le continuum du processus électoral français auquel nous sommes tous attachés, il n’y aura pas de risque zéro. Le taux de participation y sera fortement mis à l’épreuve.
Il faut être prévoyant. C’est pour cela qu’instaurer un vote anticipé lors des élections présidentielles permettrait d’assurer la tenue de ce rendez-vous démocratique primordial sans remettre en cause la participation en vue de la crise sanitaire : chacune et chacun d’entre nous pourrait ainsi aller voter sereinement dans les jours précédant l’élection, et cela éviterait un engorgement des bureaux de votes. La droite a hier en commission évoquée le cas d’Hillary Clinton pour contrer cette proposition. Or, en 2020, la participation record aux États-Unis (sachant qu’en novembre, le pays était dans une très mauvaise passe sanitaire) est due au vote anticipé : plus de 100 millions d’Américains ont voté avant le jour officiel du scrutin, représentant environ 73% de la participation totale en 2016.
Quant à la question de rupture d’égalité, je la comprends. Mais le décret stipule que ce vote anticipé se tiendra à « une date » - il s’agira donc probablement d’une journée précise. Si le vote a donc lieu le mercredi ou le jeudi précédant le jour du scrutin, l’écart d’égalité de sera en rien contraignant.
Enfin, ce processus est déjà applicable lors des élections des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger : si un élu ne peut se rendre à Paris pour y déposer son vote, il a la possibilité de le donner à l’Ambassadeur en poste de son pays, qui le conserve jusqu’au jour du scrutin. Aucun problème à signaler non plus de ce côté-là. Par ailleurs, des pays avec des indices démocratiques plus élevés que le nôtre ont appliqué de tels dispositifs depuis plusieurs décennies, sans que cela ne pose de réel problème électoral : Suisse, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Allemagne… Alors que la France enregistrait un taux d’abstention record aux municipales, la Corée du Sud organisait en avril 2020 ses élections législatives par anticipation avec… un taux de participation record !
Si nos alliés démocratiques l’ont fait, et que le vote anticipé permettrait aux électeurs de choisir un créneau sans contrainte, les incitant de facto à plus voter, comme cela a été le cas en 2020 au Portugal, aux Etats-Unis et en Corée du Sud, je dis oui !