Séance du 18 juin 2008
Amendements tendant à accorder le droit de vote aux résidents étrangers non communautaires.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je trouve que le terme « étrangers » est inapproprié dans le présent débat. Ce qui importe, en l’occurrence, c’est la relation que ces personnes résidant dans notre pays, qui n’ont pas la citoyenneté française, entretiennent avec la société qui les entoure : ils vivent en France, y travaillent, y scolarisent leurs enfants, payent des impôts, participent à la vie sociale et associative. C’est précisément dans la mesure où ils ne sont pas étrangers à notre société que nous nous intéressons à eux ce soir. Leur accorder le droit de vote aux élections locales serait un signal fort d’intégration. Cela étant, s’intégrer ne signifie pas nécessairement acquérir la nationalité du pays d’accueil. Ainsi, j’ai vécu quinze ans en Allemagne, en participant à la vie allemande, y compris dans sa dimension politique. Pour autant, je n’ai jamais eu l’idée de demander la nationalité allemande : je suis culturellement Français,… M. Jean Desessard. Voilà ! M. Richard Yung. … je me revendique et me sens Français. En revanche, résidant à Munich, il était normal que je m’implique dans la vie locale. Par conséquent, annoncer à celui qui vient s’installer en France que la « grande République » lui ouvre les bras, lui accorde la nationalité française et le déclare descendant des Gaulois correspond à une conception quelque peu vieillotte, datée, aux relents d’impérialisme… Il faut évoluer ! J’ajoute que la frilosité du Gouvernement sur ces questions trahit une peur de l’étranger. Vous nous rétorquez que si les étrangers veulent voter, ils n’ont qu’à devenir Français, mais vous êtes les premiers à avoir multiplié les obstacles et entraves à l’acquisition de la nationalité française par les étrangers qui la souhaitent ! M. Jean Desessard. C’est vrai ! Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est faux ! Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le conjoint, par exemple ! M. Richard Yung. Ceux qui veulent épouser un Français ou une Française doivent demander un visa de longue durée, voire retourner dans leur pays pour y attendre pendant six mois celui-ci, qui leur permettra enfin de revenir en France pour se marier. Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pas du tout, il faut qu’ils soient résidents réguliers ! M. Richard Yung. Tel est l’esprit qui sous-tend les textes que, depuis deux ou trois ans, vous nous donnez régulièrement en pâture ! Cela témoigne de votre frilosité et de votre peur de l’étranger ! Je ne suis donc guère étonné que vous vouliez également refuser le droit de vote aux étrangers : c’est assez logique et cohérent. Pour notre part, nous pensons au contraire qu’il faut le leur accorder. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Séance du 19 juin 2008 Amendements tendant à supprimer l'article 40 qui limite le droit d'amendement des parlementaires. M. le président. La parole est à M. Richard Yung. M. Richard Yung. J’ai subi, comme certainement beaucoup d’entre nous, les foudres de l’article 40. Cela m’a fait penser à la Sublime Porte : avant de vous étrangler avec le lacet, on vous couvrait de bonnes paroles et de décorations ! Le lacet, c’est le courriel que l’on reçoit : « La commission des finances a décidé que… » M. Philippe Marini. C’est rédigé autrement ! M. Richard Yung. Cela étant, le président Arthuis, lorsqu’on va le voir, a toujours la courtoisie d’expliciter les méandres du raisonnement qui a conduit à l’application de l’article 40. Ma première réflexion a consisté à penser que les critères d’application n’étaient pas clairs. Je dirai même qu’ils sont à géométrie variable ! La règle est déjà discutable en elle-même si les critères ne font pas l’objet d’un accord assez large. Plusieurs d’entre vous ont souligné que l’article 40 était peu efficace, voire inefficace. Cette idée que l’on peut contourner l’article 40 par les gages, soit en recettes, soit en dépenses, n’est pas très sérieuse ; en tout cas, elle affaiblit le dispositif. Nous savons tous que les gages sur les tabacs ou autres ne sont pas très sérieux. Le dispositif présente donc une faiblesse structurelle. Sur le fond, à partir du moment où il ne peut pas faire de proposition qui ait des conséquences financières, qu’il s’agisse de dépenses ou de recettes, le parlementaire n’a plus la possibilité d’élaborer et de proposer une politique. C’est comme essayer de sauter en hauteur avec une jambe attachée ! L’article 40 empêche donc les parlementaires, quels qu’ils soient, de faire des propositions alternatives, ce qui constitue pourtant, me semble-t-il, le cœur de notre travail. Sans cette possibilité, ils sont des gestionnaires et des contrôleurs, mais alors on n’est plus dans le domaine de la politique. Mon intervention s’inscrit donc tout à fait dans le sens de la revendication tendant à restituer au Parlement sa fonction fondamentale en donnant des responsabilités pleines et entières aux parlementaires. Je voterai donc ces amendements.