Je suis intervenu en séance à plusieurs reprises les 24 et 25 mars dans les débats sur la proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures, notamment avec l’adoption de l’amendement que j'avais déposé avec le groupe socialiste sur la reconnaissance en France des partenariats civils enregistrés à l’étranger (voir le communiqué sur cette reconnaissance).
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, simplification, clarification du droit et allégement des procédures sont trois nobles objectifs auxquels nous souscrivons tous tant il est patent que, dans le « monde » législatif – et aussi réglementaire – français, nous avons un travail considérable à mener. Rendre la loi accessible et lisible est d’ailleurs un objectif dégagé par le Conseil constitutionnel en 1999.
Je veux cependant souligner d’emblée que la simplification est vouée à connaître non pas un échec complet mais un certain échec tant que nous continuerons à recourir de façon compulsive à la norme législative, y compris et surtout par voie d’ordonnance.
Je rappelle que lors de la session parlementaire 2007-2008, cinquante-cinq lois ont été adoptées, auxquelles se sont ajoutés quarante-sept projets de loi autorisant l’approbation de conventions internationales, soit une centaine de textes sur deux cents jours, ou encore un texte tous les deux jours ! On conçoit qu’à ce rythme plus personne n’arrive à suivre.
La quantité des textes constitue un des aspects du problème.
Par ailleurs, l’usage abusif de la procédure d’urgence, même rebaptisée « procédure accélérée », nuit également à la qualité de la loi. Exemple d’actualité, je crains fort que la future loi pénitentiaire, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé ici, ne pâtisse du refus du Gouvernement de lever l’urgence…
La navette et la double discussion sont des garanties de la qualité, donc de la simplification et de la clarification des textes.
Dans certains domaines, le droit est devenu particulièrement instable. Ainsi, depuis 2002, cinq lois relatives à l’immigration et une dizaine de lois pénales ont été adoptées !
L’empilement des textes a pour conséquence une complexification du droit, qui devient illisible et inaccessible, non seulement pour les citoyens, pour les entreprises et pour les collectivités, mais aussi pour les praticiens du droit.
Le recours immodéré à la procédure des ordonnances vient encore aggraver, on l’a déjà souligné, la situation. J’ai compté dans la présente proposition de loi au moins huit renvois aux ordonnances, par exemple pour réformer le champ de contrôle de la légalité, le code général des collectivités territoriales, le code forestier.
Lorsqu’il s’agit de fixer la taille des tuyaux des pipelines ou de prendre des mesures d’ordre purement technique, j’admets que le recours à des ordonnances soit acceptable, mais, quand elles deviennent la règle générale et la norme, force est de crier : halte là !
Bien sûr, nous allons avoir à faire fonctionner la nouvelle procédure parlementaire et j’en attends une amélioration, notamment du fait du délai minimum de six semaines entre le dépôt ou la transmission d’un texte et son examen en séance plénière. Espérons que cela aura un effet positif sur la qualité de la loi et ralentira le rythme de la production de normes législatives !
Au rang des nouveautés, on nous dit d’ailleurs que la présente proposition de loi est, un peu comme au cinéma, une « coproduction » entre le Parlement et le Gouvernement, ce qui, en soi, est une bonne idée… sauf que, en l’occurrence, en tout cas nous parlementaires de l’opposition, nous n’avons pas été beaucoup associés à cette coproduction…
Pour simplifier et clarifier notre droit, il faudrait également – et ce sera ma dernière observation sur ce plan – davantage tenir compte des propositions de réforme formulées par le Médiateur de la République, dont le rapport annuel, qu’il nous a présenté la semaine dernière, contenait beaucoup de propositions intéressantes, ainsi que des observations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.
J’en viens maintenant à quelques observations sur certains des articles de la présente proposition de loi et sur le rapport présenté par M. Saugey, que je remercie d’avoir écouté les propositions faites des deux côtés de l’hémicycle et d’en avoir intégré une partie.
[...]
L’article 11 prévoit de désigner des tribunaux de grande instance pour connaître des actions aux fins d’adoption et des actions aux fins de reconnaissance des jugements d’adoption rendus à l’étranger.
C’est un progrès important pour les parents qui, revenant de l’étranger avec un enfant adopté, veulent pleinement compléter la procédure d’adoption en droit français.
Nous espérons que cette mesure sera adoptée, même si, je le souligne, elle ne répondra pas au problème plus général de l’organisation institutionnelle de l’adoption en France.
C’est d’ailleurs une des questions auxquelles nous avons été en permanence confrontés au cours de l’examen de cette proposition de loi. Les dispositions retenues sont souvent de bon sens et permettent de corriger certains dysfonctionnements, mais nous n’avons pas pu ou voulu aller plus loin, car il aurait alors fallu s’engager dans un débat de politique générale sur les sujets abordés. Ainsi, la commission n’a pas accepté l’excellent amendement relatif aux enfants nés sans vie présenté par notre collègue Jacques Gautier, au motif qu’une telle question de société, comportant une dimension éthique, ne pouvait être traitée dans le cadre de la discussion du présent texte. Cela aboutit à écarter du débat les sujets vraiment importants. Pour reprendre un titre d’André Gide, je dirai que la porte était étroite !
Cela étant, nous souscrivons à l’article 56, tendant à supprimer les dispositions qui ne sont pas conformes au principe d’individualisation de la peine, ainsi qu’à l’article 57, relatif aux quantums de peine initiaux.
Enfin, je me réjouis que la commission des lois ait repris un amendement de notre groupe tendant à introduire dans le code civil une règle de conflit de lois pour permettre aux partenariats civils enregistrés à l’étranger de produire des effets juridiques en France.
En définitive, ce texte nous laisse sur un sentiment d’amertume. S’il comporte des avancées, que nous saluons, il ne va pas aussi loin que nous l’aurions souhaité. Par conséquent, nous restons quelque peu sur notre faim. Je conclurai mon intervention en citant un poète aujourd’hui bien oublié, Pierre Reverdy : « Ce n'est pas si simple que ça, d'être simple. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
[...]
M. le président. L'amendement n° 107 rectifié, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 515-7 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les conditions de formation et les effets d'un partenariat enregistré, ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispositions matérielles de l'État de l'autorité qui a procédé à son enregistrement. »
II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont aussi, quelque peu, les représentants des étrangers installés en France !
À de nombreuses reprises, des couples ayant passé un contrat similaire au PACS dans un pays membre ou non de l’Union européenne ont attiré notre attention sur le fait que la forme juridique de leur union n’est pas reconnue en France. Souvent, on leur demande de rompre l’union qu’ils ont passée à l’étranger et de conclure ensuite un PACS en France. Cette situation est tout de même étonnante !
Un certain nombre de collègues et moi-même avons déposé au mois de novembre dernier une proposition de loi portant sur ce sujet et un débat sur le même thème a eu lieu à l’Assemblée nationale. Une convergence est apparue sur la nécessité de trouver une solution.
On pourrait demander l’élaboration d’une directive européenne pour régler la question, s’agissant du moins des unions conclues dans un État membre de l’Union européenne. Mais, compte tenu des différences culturelles entre les vingt-sept pays, cela paraît difficile.
On pourrait également imaginer que la France, à l’instar du Danemark, passe avec les autres pays des accords bilatéraux visant à reconnaître les différentes formes d’union.
Cependant, il nous a semblé que l’introduction d’une disposition ad hoc dans la loi française était la solution la plus complète, la plus élégante et la plus simple. Cela permettrait l’égalité de tous devant la loi et une circulation facilitée des personnes au sein de l’Union européenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 39 rectifié et 107 rectifié ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Ces deux amendements, quasiment identiques, visent à répondre à une préoccupation largement partagée. Leur adoption permettrait de prévenir tout risque de contentieux avec la Commission européenne sur ce sujet. La commission émet donc un avis favorable, mais demande au Gouvernement de bien vouloir lever le gage.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ces deux amendements correspondent parfaitement à l’objet de la proposition de loi, en visant à simplifier la vie des personnes qui, ayant contracté un partenariat à l’étranger, sont installées en France et ont des difficultés à faire reconnaître leur engagement.
L’introduction d’une règle de conflit de lois dans le code civil mettra fin à ces situations. Le Gouvernement donne donc un avis favorable à ces deux amendements et lève le gage.
M. le président. Il s’agit donc des amendements nos 39 rectifié bis et 107 rectifié bis, désormais identiques.
Je les mets aux voix.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.
Toutes mes interventions peuvent être consultée ici :
http://www.senat.fr/senint/yung_richard04034c_seance20090324.html
http://www.senat.fr/senint/yung_richard04034c_seance20090325.html