Le 2 septembre dernier, j'ai attiré l'attention de la ministre de la justice et des libertés sur l'accès à la télévision dans les établissements pénitentiaires.
Vous trouverez, ci-dessous, la lettre que j'ai adressée à Mme Michèle ALLIOT-MARIE ainsi qu'un communiqué de presse de l'association Robin des lois, qui mène une campagne contre ce qu'elle qualifie de "racket institutionnalisé de la télévision dans les prisons".
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Madame la Ministre d’Etat,
Je me permets d’attirer votre attention sur l’accès à la télévision dans les prisons.
Dans un récent rapport sur le service public pénitentiaire, la Cour des comptes a réitéré les critiques qu’elle avait formulées en 2006 concernant les conditions de mise à disposition des téléviseurs dans les établissements pénitentiaires : différences de prix d’une prison à l’autre ; modalités pratiques contestables ; mauvais contrôle des associations socioculturelles (dont certaines dégagent des marges bénéficiaires importantes sur le dos des détenus) ; etc.
Les magistrats de la rue Cambon ont pris acte des efforts engagés par la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) pour résorber les différences de prix et améliorer le mode de fonctionnement des associations.
La DAP devrait prochainement vous remettre un rapport dressant un état des lieux de la situation dans la perspective d’une réforme du système de location des téléviseurs.
D’après le quotidien Le Monde daté du 26 août dernier, vous auriez l’intention de fixer "un tarif unique, uniforme, harmonisé et raisonnable pour la location des téléviseurs".
Ces initiatives me semblent nettement insuffisantes. A l’instar de mon collègue Robert BADINTER, je considère que le système de location, qui devait être transitoire, est "honteux" car, depuis vingt-cinq ans, il pénalise les détenus dont les revenus sont limités et pour lesquels la télévision constitue souvent le seul divertissement et le seul contact avec le monde extérieur.
Ce dispositif est contraire à l’objectif de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 d’améliorer les conditions de vie en détention afin de limiter les tensions carcérales. Il ne respecte pas non plus pleinement la règle pénitentiaire européenne n°24.10, qui prévoit que les "détenus doivent pouvoir se tenir régulièrement informés des affaires publiques (…) en suivant des émissions de radio ou de télévision".
Je me permets également de vous rappeler que la possibilité de s’informer constitue un élément du droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
En conséquence, je souhaiterais savoir s’il ne serait pas possible de rendre gratuit l’accès à la télévision dans les établissements pénitentiaires. Une telle initiative, dont le coût serait modéré, permettrait de concrétiser le dispositif imaginé par M. BADINTER en 1985. En outre, j’aimerais savoir comment vous entendez régler le problème des téléviseurs achetés lors des transfèrements.
Vous remerciant d’avance pour l’attention que vous voudrez bien porter à mes remarques, je vous prie de croire, madame la Ministre d’Etat, en l’expression de ma très haute considération.
Richard YUNG
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Communiqué du jeudi 9 septembre 2010
Le sénateur Richard YUNG rejoint le combat de l’association ROBIN des LOIS contre le racket institutionnel de la télévision dans les prisons et pour la gratuité de l’accès à la télévision
L’association ROBIN des LOIS mène, depuis plus d’un an, une très active campagne contre le racket institutionnel de la télévision dans les prisons. Selon les Établissements, les tarifs de location mensuels peuvent, en effet, varier de 10 euros par mois à 38 euros par mois. En janvier 2006, puis en juillet 2006, la Cour des Comptes a dénoncé ce système illégal et injuste. Qui pénalise une population totalement démunie, faute de travail derrière les murs. À chaque offensive, depuis 4 ans, la Chancellerie a indiqué qu’elle "réfléchissait" et qu’elle avait demandé un rapport.
ROBIN DES LOIS rappelle que Robert BADINTER avait prévu, en 1985, la gratuité des téléviseurs dans les cellules, cet outil devant constituer - aux yeux de l’association - le minimum carcéral vital et un précieux outil de culture et de lutte contre les suicides. Robert BADINTER vient d’ailleurs d’apporter un renfort considérable à cette campagne dans une interview à l’hebdomadaire STRATÉGIES du jeudi 26 août 2010, en qualifiant le système actuel de "honteux".
L’association souligne que Pascal CLÉMENT, alors garde des Sceaux, avait engagé l’État en ces termes, le 20 octobre 2006, dans un débat avec Robert BADINTER sur FRANCE-INTER : "Je suis d’accord avec vous : pour les télévisions, je pense que l’on pourrait accéder - et c’est déjà tout à fait dans les tuyaux comme décision - à la gratuité, et s’agissant du fait de continuer d’une façon qui est souvent hors de prix, je suis personnellement choqué, et je souhaite effectivement remédier à cette question-là". Comment prétendre insérer ou réinsérer des personnes détenues si le ministre de la Justice lui-même renie sa parole ?
Il n’est, d’ailleurs, pas le seul. Devant la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale, le 8 septembre 2009, Jean-Jacques URVOAS, député du FINISTERE, dénonçait un système inique et soutenait un amendement à la loi pénitentiaire instaurant la gratuité promise 24 ans auparavant. En s’opposant à cet amendement, la toute nouvelle Garde des Sceaux, nommée en juin 2009, déclarait : "Je ne comprends pas non plus ces différences de prix, et j’ai demandé une enquête à ce sujet". Nous attendons toujours la copie de cette enquête, officiellement demandée en copie le 6 août dernier, mais que personne n’a jamais vue jusqu’à présent…
Très curieusement, en outre, la Ministre de la Justice - après notre nouvelle offensive en date du mercredi 11 août 2010 - a fait répondre par son porte-parole adjoint, depuis la TUNISIE où elle passait de très agréables vacances, qu’"elle a demandé il y a quelques mois un état des lieux complet sur cette question de la location des téléviseurs qu’elle attend pour la rentrée, ajoutant qu’elle souhaitait que ces tarifs soient harmonisés, uniformes et raisonnables".
"Il y a quelques mois", cela signifie en mars ou avril 2009 …
Pourquoi demander un nouveau rapport si - comme elle l’a affirmé aux députés le 8 septembre 2009 - elle en avait déjà commandé un en juillet-août 2009 ? Quand Michèle ALLIOT-MARIE ment-elle ? Quand dit-elle la vérité ? Et à qui ?
Exaspérés par ces palinodies depuis 4 ans, ROBIN DES LOIS a demandé, les 6 août, 9 août et 10 août un ensemble de documents qui sont listés sur le site de l’association :
- l’ensemble des rapports et enquêtes qui auraient été réalisés depuis 2006
- la copie du bail de M. Jean-Amédée LATHOUD, Directeur de l’Administration Pénitentiaire qui bénéficie d’une Aide Personnalisée au logement de 30 000 euros totalement illégale
- la copie des frais générés par la mise à disposition d’une 3ème voiture de fonction allouée à Mme Rachida DATI pendant deux ans par l’Administration Pénitentiaire (coût du véhicule, salaires du chauffeur, charges sociales, etc.…)
Nous attendons l’ensemble de ces documents pour le 15 septembre, avec pour objectif de demander, ensuite, aux deux prédateurs, de rembourser des sommes indues qui - avec les 800 000 euros illégalement détenus par l’ASSODAS (association SocioCulturelle et Sportive de FLEURY-MEROGIS) - permettront largement de financer la gratuité de la télévision dans les prisons pendant 4 ou 5 ans.
Chaque association, personnalité ou parlementaire agit avec les moyens qui lui sont propres.
ROBIN des LOIS se réjouit de l’engagement dans ce combat de M. Richard YUNG, Sénateur des Français établis hors de France, qui vient d’adresser - le jeudi 2 septembre 2010 - un courrier à la Ministre d’État pour demander, lui aussi, la gratuité de la télévision dans les établissements pénitentiaires, "en considérant, comme Robert BADINTER, que le système de location qui devait être transitoire, est ‘‘honteux’’ car, depuis vingt-cinq ans, il pénalise les détenus dont les revenus sont limités et pour lesquels la télévision constitue souvent le seul divertissement et le seul contact avec l’extérieur (...)".