Le 27 mars, j'ai rencontré avec les sénateurs Jean-Jacques HYEST et Laurent BETEILLE le Collectif Prescription / Discrimination qui avait émis des réserves lors d'une conférence de presse sur la proposition de loi votée par le Sénat le 21 novembre 2007 sur la réforme de la prescription en matière civile. Suite à cette rencontre le collectif nous a envoyé le message et le compte-rendu suivant.
GROUPE DE TRAVAIL , PRESCRIPTION & DISCRIMINATION
CGT , FSU, SAF, SM, CLASCHES , CNDF, LGBT, etc.
PARIS le 31 mars 2008
A Messieurs les Sénateurs, Président,
Rapporteur et membre de commission des lois du Sénat
Monsieur Président Jean-Jacques HYEST
Monsieur le Rapporteur Laurent BETEILLE
Monsieur le Sénateur Richard YUNG
Nous voulions vous remercier de l’audition que vous nous aviez proposée et qui s’est tenue le 27 mars 2008. Cette audition a fait suite à votre communiqué du 19 mars 2008 qui répondait aux termes du nôtre, publié la veille. En commun, le 18 mars, nous avions voulu faire part publiquement de nos inquiétudes sur les effets de la proposition de loi votée par la Haute Assemblée le 21 novembre 2007.
En nous recevant vous nous avez indiqué que, comme nous, vous souhaitiez surmonter les incompréhensions et inquiétudes que manifestait notre communiqué du 18 mars, et que le Sénat n’avait pas souhaité, par son vote du 21 novembre 2007, affaiblir les droits des victimes de discrimination au travail.
Nous nous réjouissons donc du riche débat que nous avons eu. Il nous laisse augurer une remise à plat du contenu de l’article 2224 du projet initial portant sur le délai de droit commun et de son point de départ en matière civile. Ce texte posait à nos yeux de nombreuses questions en droit du travail dans le domaine de l’inégalité de traitement et de la discrimination.
Nous avons pris acte des apaisements et éclaircissements dont vous nous avez fait part et de la compréhension et de l’intérêt que vous bien voulu manifester à nos propos.
Vous trouverez, en document annexé à la présente lettre, un relevé de contenu de l’audition que notre délégation a dressé. Il n’engage que ses rédacteurs. Toutefois il nous permet de rendre compte des avancées positives que nous croyons avoir dégagées avec vous. Nous estimons utile de le faire savoir d’abord à ceux qui nous ont mandatés et de les communiquer à l’ensemble des organisations, syndicats, associations et parlementaires qui partageaient nos inquiétudes ainsi qu’à la presse.
Recevez Messieurs les Sénateurs l’assurance de notre considération distinguée.
Pour le Collectif : Ghislaine HOAREAU et François CLERC (CGT),
Philippe CASTEL (FSU), Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, Tiennot GRUMBACH et (SAF), Marie-Thérèse LANQUETIN ( Université Paris X- Nanterre).
RELEVÉ DU CONTENU DE L’AUDITION DE LA DÉLÉGATION DU COLLECTIF PRESCRIPTION / DISCRIMINATION
AYANT RENCONTRE MESSIEURS LES SÉNATEURS
Jean-Jacques HYEST, Laurent BETEILLE et Richard YUNG
LE 27 MARS 2008 AU SENAT
Le 18 mars, notre groupe de travail, rassemblant plusieurs organisations syndicales et associations, a souhaité communiquer publiquement sur la proposition de loi votée par la Haute Assemblée le 21 novembre 2007 sur la réforme de la prescription en matière civile. Cette conférence de presse a été suivie de la publication d’un communiqué daté du même jour, rédigé à l’initiative de la CGT, du Syndicat des Avocats de France, du Syndicat de la Magistrature, de la FSU et des diverses associations signataires.
La proposition de loi du Sénat a été transmise à la Commission des lois de l’Assemblée Nationale et, bien qu’elle ne figure pas encore à son ordre du jour, elle pourrait être débattue dans de brefs délais. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu faire part de notre commune inquiétude au sujet de la réduction à 5 ans de la prescription. Celle-ci pourrait entrainer d’importantes privations des droits des personnes dans le traitement juridique et judiciaire des discriminations au travail. Nous pensions que dans sa rédaction initiale, le texte de la proposition de loi ne permettait plus d’établir effectivement les discriminations, ni d’obtenir une réparation indemnitaire intégrale des préjudices subis pour les personnes et les collectifs discriminés.
Des articles de presse (L’Humanité le 07/02/2008, Libération le 18/03/2008, Les échos le 20/03/2008 et L’Humanité le 20/03/2008) s’étaient fait l’écho de nos inquiétudes et plusieurs députés (Mesdames Martine BILLARD, Marie-George BUFFET, Martine PINVILLE, Messieurs, Christophe CARESCHE, Jean-Michel CLEMENT Francis VERCAMER) sont intervenus le mardi 25 mars 2008, à l’occasion de la discussion à l’Assemblée Nationale de la transposition des directives européennes relatives à la lutte contre les discriminations, exprimant leur inquiétude et réclamant une position claire du gouvernement.
Madame Valérie LETARD, Secrétaire d’Etat, a déclaré à l’issue des débats, que « la proposition de loi portant réforme de la prescription civile adoptée en première lecture par le Sénat, que nombre d’entre vous ont évoquée, n’a nullement pour objet de remettre en cause la protection des salariés victimes de discriminations. Il n’est pas question de limiter la réparation du préjudice aux cinq dernières années précédents l’action en justice ».
Monsieur Louis SCHWEITZER, Président, de la Haute Autorité de Lutte contre les discriminations et pour l’Egalité, faisait savoir le 26 mars que « la proposition de loi n’était pas un progrès…la prescription trentenaire est justifiée » et recommandait son abandon.
Après un communiqué du Sénat indiquant que l’intention des sénateurs qui ont soutenu ce texte n’était pas « d’affaiblir les droits des victimes des discrimination au travail », Messieurs les Sénateurs Jean Jacques Hyest, Laurent Béteille et Rchard Yung, respectivement Président, de la Commission des lois du Sénat ont reçu en adition, le 27 mars une délégation du Groupe de travail, composée de Messieurs et Mesdames Ghislaine HOAREAU et François CLERC (CGT), Philippe CASTEL (FSU) Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA et Tiennot GRUMBACH (SAF), Marie-Thérèse LANQUETIN (Universitaire, Paris X- Nanterre).
Lors de cette rencontre, ont été soulevés auprès des Sénateurs la nécessité du respect du principe de la réparation intégrale du dommage, reconnu par la Cour de Cassation et le droit communautaire, la complexité de la fixation de la date de connaissance de la discrimination et le renversement de la charge de la preuve sur ce point. Enfin la délégation a soulevé ses interrogations résultant du fait qu’en droit la prescription civile est une prescription tant de l’action que du droit à réparation.
La délégation a rappelé que l’inquiétude des signataires et des organisations et associations qui partagent leur point de vue était aussi fondée sur le fait que depuis 2003, deux initiatives parlementaires avaient visé expressément la réduction de la prescription en matière de discrimination syndicale. Cette inquiétude a été encore renforcée par le fait que la prescription à cinq ans figurait dans le rapport de travail des « 44 propositions » du MEDEF.
Le Président et le rapporteur de la commission des lois du Sénat ont respectivement précisé que le malentendu indiqué nécessiterait sans doute des éclaircissements et des précisions et qu’il faudrait bien distinguer la prescription des salaires, créances périodiques se prescrivant par annuités, des dommages et intérêts résultant d’une discrimination, non fractionnables que la jurisprudence actuelle adosse à la prescription trentenaire de droit commun.
La délégation a donc pris acte du fait que le « délai pour agir » de 5 ans à l’issue d’une situation de discrimination, dès lors que la situation de discrimination serait connue, ne remettait pas en cause le principe de la réparation intégrale du préjudice subi.
La délégation a par ailleurs insisté pour que certains termes figurant dans le texte proposé, notamment les termes « aurait dû connaître ») soit supprimé tant ils étaient porteurs de contentieux multiples et complexes. En d’autres termes il faudrait que soit clairement exprimée la position du législateur sur la prescription extinctive de droits et le délai pour agir. Elle a rappelé que pour sa part elle souhaitait un texte exprimant clairement lors de son examen par l’Assemblée Nationale puis par le Sénat, à l’occasion de la navette parlementaire, l’exclusion de la prescription en matière de discrimination.
Le Collectif Prescription/ Discrimination se tient à la disposition de l’ensemble des groupes parlementaires de l’Assemblée Nationale et du Sénat pour continuer la réflexion et éviter que la loi de transposition qui vient d’être votée par l’Assemblée Nationale le 25 mars 2008 soit rendue ineffective par des règles de procédures contraires à son but et à son objet.
Ghislaine HOAREAU et François CLERC (CGT), Philippe CASTEL (FSU),
Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, Tiennot GRUMBACH (SAF),
Marie-Thérèse LANQUETIN ( Université Paris X Nanterre).