Le 13 février, à l'occasion d'une séance de questions cribles sur "Pratiques et réalités agricoles et code de la propriété intellectuelle", j'ai interrogé le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, Stéphane LE FOLL, sur la révision de la réglementation européenne concernant l’enregistrement des variétés végétales et la commercialisation des semences.
Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention et de la réponse du ministre.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la proposition de règlement que la Commission européenne a présentée au mois de février 2013 en ce qui concerne l'enregistrement des obtentions végétales.
Ce document vise à réunir dans un seul règlement, qui est un texte d'application immédiate, une quinzaine de directives différentes ; l'idée est bonne, car ces directives forment un ensemble confus et assez complexe à appliquer.
Outre une amélioration de l'enregistrement des variétés et de la certification des semences, ce projet de règlement prévoit d'allonger la durée de protection de dix à trente ans, ce qui est considérable ; enfin, il traite de divers autres sujets, en particulier des semences de niche et des variétés anciennes tombées en désuétude.
Les enjeux sont importants pour la France, qui, je le répète, est l'un des principaux pays producteurs et exportateurs de semences. Le Sénat a exprimé certaines réticences au sujet de cette proposition de règlement : les actes délégués donnent à la Commission européenne la maîtrise complète du processus d'application, la durée de trente ans paraît trop longue et les aspects forestiers doivent relever d'autres modes de protection. Du reste, j'observe que le Parlement européen est lui-même très réticent.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement au sujet de cette proposition de règlement, et comment voyez-vous l'avenir de ce texte ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Yung, vous avez rappelé que la Commission européenne a mis en débat une proposition de règlement ; ce document fait partie de la discussion sur le cadre juridique général de l'obtention et du brevetage, mais il n'a pas vocation à en marquer l'aboutissement.
Avant-hier, cette proposition de règlement a été rejetée par la commission de l'agriculture du Parlement européen.
Le Gouvernement est favorable à une simplification et à une modernisation du droit dans ce domaine.
M. Charles Revet. Il y a du travail !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je pense que nous pouvons tomber d'accord sur ce point.
Nous sommes évidemment favorables aux dispositions qui sont cohérentes avec la politique nationale du plan « Semences et agriculture durable », en particulier à celles qui visent à intégrer la dimension environnementale dans les critères d'examen de la performance des variétés en vue de leur mise sur le marché.
En revanche, il est vrai que les actes délégués placent la Commission européenne dans une position extrêmement favorable ; vous avez rappelé la position du Sénat à cet égard.
Si j'en juge par la décision prise récemment par la Commission européenne d'autoriser le maïs TC1507 du groupe Pioneer, alors que le Parlement européen, à une large majorité, avait voté contre cette autorisation et que dix-neuf pays sur vingt-sept s'y étaient également opposés – quatre autres, et non des moindres s'étant abstenus –, je suis, comme vous, monsieur Yung, extrêmement prudent au sujet de la latitude d'action que les actes délégués doivent laisser à la Commission européenne.
Si donc nous soutenons les objectifs de modernisation et de simplification, ainsi que la prise en compte de la dimension environnementale, nous serons extrêmement vigilants sur les conditions d'application du nouveau dispositif.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour la réplique.
M. Richard Yung. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.
Nous partageons votre sentiment. Sur le fond, la Commission a été trop timide, en affirmant insuffisamment la primauté du certificat d'obtention végétale dans le système européen. Les États-Unis, en effet, utilisent uniquement le brevet. De fait, il existe donc un combat entre l'Europe et les États-Unis sur cette question, qui fera d'ailleurs l'objet du débat transatlantique.
J'attire votre attention, mes chers collègues, sur un point : la Grande Chambre des recours de l'Office européen des brevets doit rendre, dans les mois qui viennent, une décision sur le fond concernant le brocoli et la tomate. Cette décision posera les fondements de la politique de séparation du brevet et du COV. Comme l'a excellemment dit M. le ministre, les choses se passent donc au niveau non pas français, mais européen.