Giulietta Gamberini, La Tribune, 14 février 2015
Les entreprises peuvent pourtant se protéger, souligne Richard Yung, sénateur représentant les Français établis hors de France et président du Comité national anti-contrefaçon (CNAC).
Le régulateur chinois qui accuse le géant national de la vente sur internet, Alibaba, d’être le havre de la contrefaçon; son patron, Jack Ma, qui s’insurge; et le rival, le site Jingdong Mall (JM), qui se vante publiquement de sa transparence afin d’attirer les producteurs français... Décidément, en Chine, la falsification de produits constitue une préoccupation majeure et la lutte contre le phénomène est en passe de devenir un enjeu concurrentiel. Le fléau n’épargne toutefois pas le reste du monde, souligne Richard Yung, membre du Sénat français et président du Comité national anti-contrefaçon (CNAC).
La Tribune - Quels sont le visage et l’ampleur de la contrefaçon aujourd’hui en France ?
Richard Yung - Après s’être énormément développée au cours des vingt dernières années, la contrefaçon prend désormais toutes les formes et investit tous les domaines économiques, puisqu’elle peut faire gagner à ses auteurs des sommes immenses à moindre coût. De la maroquinerie aux tickets restaurant, aucun produit n’est épargné et même les réseaux de distribution licites sont infiltrés. L’infraction se professionnalise d’ailleurs et devient de plus en plus l’apanage de la criminalité organisée, qui s’en sert pour blanchir l’argent gagné.
S’il est difficile d’évaluer le volume et l’impact économique du phénomène, d’après l’OCDE le trafic mondial de produits dits « contrefaisants », c’est-à-dire qui imitent indûment -et plus ou moins grossièrement- les produits originaux, générerait environ 250 milliards de dollars de revenus par an, - ce qui correspond à 221,715 milliards d’euros environ. Toujours selon une enquête de 2008 de l’OCDE, réactualisée en 2012 par la Chambre du commerce international, la valeur de ce produit est estimée en 2015 à 1.700 milliards de dollars (1.500 milliards d’euros). En France, où 7,6 millions d’articles contrefaisants ont été saisis par les douanes en 2013, l’infraction détruit plus de 38.000 emplois par an.
La Tribune - Quels dangers implique-t-elle ?
Non seulement la contrefaçon produit à l’évidence un effet fiscal négatif, avec plusieurs milliards d’euros qui s’évaporent au détriment du budget de l’Etat. Elle implique aussi des problèmes de sécurité. Ces derniers sont particulièrement évidents pour les médicaments, même si leur contrefaçon reste limitée en France, où le système de distribution est dans ce secteur strictement contrôlé. Le phénomène est en revanche un véritable fléau en Afrique, Asie et Amérique latine. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le LEEM (organisation qui regroupe les entreprises du secteur de l’industrie pharmaceutique en France, ndlr), la contrefaçon représenterait 10% de la totalité des médicaments mis en circulation: moins de 1% dans les pays développés, mais de 50 à 70% dans les pays africains. De plus, 50% des médicaments vendus par le biais d’internet seraient des contrefaçons.
Le risque est néanmoins présent dans tous les domaines: même les freins des voitures peuvent être contrefaits. Le danger est aggravé du fait que ceux qui achètent des produits de la contrefaçon, parfois pour les redistribuer, n’en sont pas toujours conscients.
La Tribune - Comment les entreprises peuvent-elles protéger leurs produits ?
Développer une offre licite à un prix raisonnable est la principale clé de voûte de la prévention. Mais pour se défendre, la première chose à faire c’est de déposer une demande de marque, de brevet etc., afin d’obtenir un titre reconnaissant un droit exclusif d’utilisation.
Il faut également que les entreprises soient en permanence attentives et actives sur leur marché et qu’elles réagissent vite à toute atteinte en engageant des actions. Une telle stratégie, adoptée par exemple par les producteurs de champagne, s’avère efficace, car elle protège l’image de la marque et décourage partiellement les contrefacteurs potentiels.
Beaucoup d’entreprises cependant, notamment de PME, préfèrent ne pas s’engager dans la lutte contre la contrefaçon, par manque de temps (les procédures durent entre 18 mois et deux ans) ou d’argent, car elles ne croient pas que ce soit utile ou parce qu’elles refusent d’associer leur nom avec cette infraction.
La Tribune - Quelles actions en justice est-il possible d’engager ?
En France, la quasi-totalité des actions en la matière sont intentées au civil. Selon le référé sur la politique publique de lutte contre la contrefaçon publié l’an dernier par la Cour des comptes, l’action judiciaire pénale se concentre en effet sur les cas de contrefaçon mettant en jeu des réseaux criminels et portant gravement atteinte à l’intérêt général et aux consommateurs.
Les actions au civil sont quant à elles de moins en moins nombreuses : d’après la Cour des comptes, le nombre total des demandes devant les tribunaux de grande instance concernant la propriété industrielle est passé de 2.840 en 2009 à 1.704 en 2012.
La Tribune - Comment inciter les entreprises à se défendre davantage ?
Une réforme du système adoptée en mars 2014 a déjà significativement renforcé la capacité du juge de condamner les contrefacteurs à payer des dommages et intérêts proportionnés aux pertes causées, ainsi que de saisir les informations financières nécessaires pour chiffrer les gains engendrés et de confisquer l’argent gagné. Les pouvoirs des douanes à la frontière et la possibilité d’infiltrer les réseaux criminels ont également été étendus. Il est toutefois encore trop tôt pour un bilan de ces mesures.
La Tribune - La mondialisation, dont la contrefaçon profite de plus en plus, engendre-t-elle des difficultés spécifiques ?
Selon les pays, les compétences de lutte contre la contrefaçon sont attribuées à des autorités différentes, ce qui suscite sans doute des problèmes de coordination. Le défi représenté par la cyber-contrefaçon croît d’ailleurs, notamment pour les médicaments. Les sites où ces produits sont vendus se trouvent souvent dans des pays non coopératifs, ce qui rend quasiment impossible de les faire fermer définitivement. La solution à l’étude aujourd’hui est donc celle de demander aux banques situées en France d’empêcher l’achat de tels produits.
La Tribune - Quels sont les pays « modèles » en termes de lutte contre la contrefaçon ?
L’Allemagne se distingue, en raison de son histoire industrielle ancienne, en matière de culture de la protection des brevets. La France est plus active sur le terrain des marques, car elle est soucieuse de protéger ses produits du luxe, son vin, ses appellations d’origine. Le Japon est l’exemple même de l’évolution de la culture de la propriété intellectuelle en parallèle avec le niveau d’innovation interne : s’il a d’abord construit son industrie en imitant les produits des autres, il est aujourd’hui de plus en plus victime de contrefaçon et donc actif dans la lutte contre l’infraction.
Les pays plus faibles en termes d’innovation se montrent en effet souvent peu coopératifs. Non seulement leurs instruments de répression sont parfois inadaptés, Ils considèrent aussi l’industrie de la contrefaçon comme une activité économique profitable, bien qu’illégale. Ils minimisent également les dommages qu’elle peut causer aux entreprises occidentales.
La Tribune - Une entreprise peut-elle être l’auteur d’actes de contrefaçon sans le savoir ?
Ce n’est pas impossible, notamment en ce qui concerne les œuvres de l’esprit protégées par les brevets. Les entreprises d’un même secteur mènent en effet souvent leurs recherches dans le même domaine en même temps et chaque demande de brevet reste confidentielle pendant 18 mois. Les éventuels conflits, toutefois, sont le plus souvent résolus par la voie de négociations: les entreprises préfèrent éviter les contentieux car ils sont, notamment aux États-Unis, trop chers.
Dans le cas des marques, en revanche, ce risque est exclu puisque avant de déposer une demande d’enregistrement, il faut vérifier que le même signe distinctif ne soit pas utilisé par une autre société.
Giulietta Gamberini, La Tribune, 14 février 2015
Les entreprises peuvent pourtant se protéger, souligne Richard Yung, sénateur représentant les Français établis hors de France et président du Comité national anti-contrefaçon (CNAC).
Le régulateur chinois qui accuse le géant national de la vente sur internet, Alibaba, d’être le havre de la contrefaçon; son patron, Jack Ma, qui s’insurge; et le rival, le site Jingdong Mall (JM), qui se vante publiquement de sa transparence afin d’attirer les producteurs français... Décidément, en Chine, la falsification de produits constitue une préoccupation majeure et la lutte contre le phénomène est en passe de devenir un enjeu concurrentiel. Le fléau n’épargne toutefois pas le reste du monde, souligne Richard Yung, membre du Sénat français et président du Comité national anti-contrefaçon (CNAC).
La Tribune - Quels sont le visage et l’ampleur de la contrefaçon aujourd’hui en France ?
Richard Yung - Après s’être énormément développée au cours des vingt dernières années, la contrefaçon prend désormais toutes les formes et investit tous les domaines économiques, puisqu’elle peut faire gagner à ses auteurs des sommes immenses à moindre coût. De la maroquinerie aux tickets restaurant, aucun produit n’est épargné et même les réseaux de distribution licites sont infiltrés. L’infraction se professionnalise d’ailleurs et devient de plus en plus l’apanage de la criminalité organisée, qui s’en sert pour blanchir l’argent gagné.
S’il est difficile d’évaluer le volume et l’impact économique du phénomène, d’après l’OCDE le trafic mondial de produits dits « contrefaisants », c’est-à-dire qui imitent indûment -et plus ou moins grossièrement- les produits originaux, générerait environ 250 milliards de dollars de revenus par an, - ce qui correspond à 221,715 milliards d’euros environ. Toujours selon une enquête de 2008 de l’OCDE, réactualisée en 2012 par la Chambre du commerce international, la valeur de ce produit est estimée en 2015 à 1.700 milliards de dollars (1.500 milliards d’euros). En France, où 7,6 millions d’articles contrefaisants ont été saisis par les douanes en 2013, l’infraction détruit plus de 38.000 emplois par an.
La Tribune - Quels dangers implique-t-elle ?
Non seulement la contrefaçon produit à l’évidence un effet fiscal négatif, avec plusieurs milliards d’euros qui s’évaporent au détriment du budget de l’Etat. Elle implique aussi des problèmes de sécurité. Ces derniers sont particulièrement évidents pour les médicaments, même si leur contrefaçon reste limitée en France, où le système de distribution est dans ce secteur strictement contrôlé. Le phénomène est en revanche un véritable fléau en Afrique, Asie et Amérique latine. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le LEEM (organisation qui regroupe les entreprises du secteur de l’industrie pharmaceutique en France, ndlr), la contrefaçon représenterait 10% de la totalité des médicaments mis en circulation: moins de 1% dans les pays développés, mais de 50 à 70% dans les pays africains. De plus, 50% des médicaments vendus par le biais d’internet seraient des contrefaçons.
Le risque est néanmoins présent dans tous les domaines: même les freins des voitures peuvent être contrefaits. Le danger est aggravé du fait que ceux qui achètent des produits de la contrefaçon, parfois pour les redistribuer, n’en sont pas toujours conscients.
La Tribune - Comment les entreprises peuvent-elles protéger leurs produits ?
Développer une offre licite à un prix raisonnable est la principale clé de voûte de la prévention. Mais pour se défendre, la première chose à faire c’est de déposer une demande de marque, de brevet etc., afin d’obtenir un titre reconnaissant un droit exclusif d’utilisation.
Il faut également que les entreprises soient en permanence attentives et actives sur leur marché et qu’elles réagissent vite à toute atteinte en engageant des actions. Une telle stratégie, adoptée par exemple par les producteurs de champagne, s’avère efficace, car elle protège l’image de la marque et décourage partiellement les contrefacteurs potentiels.
Beaucoup d’entreprises cependant, notamment de PME, préfèrent ne pas s’engager dans la lutte contre la contrefaçon, par manque de temps (les procédures durent entre 18 mois et deux ans) ou d’argent, car elles ne croient pas que ce soit utile ou parce qu’elles refusent d’associer leur nom avec cette infraction.
La Tribune - Quelles actions en justice est-il possible d’engager ?
En France, la quasi-totalité des actions en la matière sont intentées au civil. Selon le référé sur la politique publique de lutte contre la contrefaçon publié l’an dernier par la Cour des comptes, l’action judiciaire pénale se concentre en effet sur les cas de contrefaçon mettant en jeu des réseaux criminels et portant gravement atteinte à l’intérêt général et aux consommateurs.
Les actions au civil sont quant à elles de moins en moins nombreuses : d’après la Cour des comptes, le nombre total des demandes devant les tribunaux de grande instance concernant la propriété industrielle est passé de 2.840 en 2009 à 1.704 en 2012.
La Tribune - Comment inciter les entreprises à se défendre davantage ?
Une réforme du système adoptée en mars 2014 a déjà significativement renforcé la capacité du juge de condamner les contrefacteurs à payer des dommages et intérêts proportionnés aux pertes causées, ainsi que de saisir les informations financières nécessaires pour chiffrer les gains engendrés et de confisquer l’argent gagné. Les pouvoirs des douanes à la frontière et la possibilité d’infiltrer les réseaux criminels ont également été étendus. Il est toutefois encore trop tôt pour un bilan de ces mesures.
La Tribune - La mondialisation, dont la contrefaçon profite de plus en plus, engendre-t-elle des difficultés spécifiques ?
Selon les pays, les compétences de lutte contre la contrefaçon sont attribuées à des autorités différentes, ce qui suscite sans doute des problèmes de coordination. Le défi représenté par la cyber-contrefaçon croît d’ailleurs, notamment pour les médicaments. Les sites où ces produits sont vendus se trouvent souvent dans des pays non coopératifs, ce qui rend quasiment impossible de les faire fermer définitivement. La solution à l’étude aujourd’hui est donc celle de demander aux banques situées en France d’empêcher l’achat de tels produits.
La Tribune - Quels sont les pays « modèles » en termes de lutte contre la contrefaçon ?
L’Allemagne se distingue, en raison de son histoire industrielle ancienne, en matière de culture de la protection des brevets. La France est plus active sur le terrain des marques, car elle est soucieuse de protéger ses produits du luxe, son vin, ses appellations d’origine. Le Japon est l’exemple même de l’évolution de la culture de la propriété intellectuelle en parallèle avec le niveau d’innovation interne : s’il a d’abord construit son industrie en imitant les produits des autres, il est aujourd’hui de plus en plus victime de contrefaçon et donc actif dans la lutte contre l’infraction.
Les pays plus faibles en termes d’innovation se montrent en effet souvent peu coopératifs. Non seulement leurs instruments de répression sont parfois inadaptés, Ils considèrent aussi l’industrie de la contrefaçon comme une activité économique profitable, bien qu’illégale. Ils minimisent également les dommages qu’elle peut causer aux entreprises occidentales.
La Tribune - Une entreprise peut-elle être l’auteur d’actes de contrefaçon sans le savoir ?
Ce n’est pas impossible, notamment en ce qui concerne les œuvres de l’esprit protégées par les brevets. Les entreprises d’un même secteur mènent en effet souvent leurs recherches dans le même domaine en même temps et chaque demande de brevet reste confidentielle pendant 18 mois. Les éventuels conflits, toutefois, sont le plus souvent résolus par la voie de négociations: les entreprises préfèrent éviter les contentieux car ils sont, notamment aux États-Unis, trop chers.
Dans le cas des marques, en revanche, ce risque est exclu puisque avant de déposer une demande d’enregistrement, il faut vérifier que le même signe distinctif ne soit pas utilisé par une autre société.
Giulietta Gamberini, La Tribune, 14 février 2015
Les entreprises peuvent pourtant se protéger, souligne Richard Yung, sénateur représentant les Français établis hors de France et président du Comité national anti-contrefaçon (CNAC).
Le régulateur chinois qui accuse le géant national de la vente sur internet, Alibaba, d’être le havre de la contrefaçon; son patron, Jack Ma, qui s’insurge; et le rival, le site Jingdong Mall (JM), qui se vante publiquement de sa transparence afin d’attirer les producteurs français... Décidément, en Chine, la falsification de produits constitue une préoccupation majeure et la lutte contre le phénomène est en passe de devenir un enjeu concurrentiel. Le fléau n’épargne toutefois pas le reste du monde, souligne Richard Yung, membre du Sénat français et président du Comité national anti-contrefaçon (CNAC).
La Tribune - Quels sont le visage et l’ampleur de la contrefaçon aujourd’hui en France ?
Richard Yung - Après s’être énormément développée au cours des vingt dernières années, la contrefaçon prend désormais toutes les formes et investit tous les domaines économiques, puisqu’elle peut faire gagner à ses auteurs des sommes immenses à moindre coût. De la maroquinerie aux tickets restaurant, aucun produit n’est épargné et même les réseaux de distribution licites sont infiltrés. L’infraction se professionnalise d’ailleurs et devient de plus en plus l’apanage de la criminalité organisée, qui s’en sert pour blanchir l’argent gagné.
S’il est difficile d’évaluer le volume et l’impact économique du phénomène, d’après l’OCDE le trafic mondial de produits dits « contrefaisants », c’est-à-dire qui imitent indûment -et plus ou moins grossièrement- les produits originaux, générerait environ 250 milliards de dollars de revenus par an, - ce qui correspond à 221,715 milliards d’euros environ. Toujours selon une enquête de 2008 de l’OCDE, réactualisée en 2012 par la Chambre du commerce international, la valeur de ce produit est estimée en 2015 à 1.700 milliards de dollars (1.500 milliards d’euros). En France, où 7,6 millions d’articles contrefaisants ont été saisis par les douanes en 2013, l’infraction détruit plus de 38.000 emplois par an.
La Tribune - Quels dangers implique-t-elle ?
Non seulement la contrefaçon produit à l’évidence un effet fiscal négatif, avec plusieurs milliards d’euros qui s’évaporent au détriment du budget de l’Etat. Elle implique aussi des problèmes de sécurité. Ces derniers sont particulièrement évidents pour les médicaments, même si leur contrefaçon reste limitée en France, où le système de distribution est dans ce secteur strictement contrôlé. Le phénomène est en revanche un véritable fléau en Afrique, Asie et Amérique latine. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le LEEM (organisation qui regroupe les entreprises du secteur de l’industrie pharmaceutique en France, ndlr), la contrefaçon représenterait 10% de la totalité des médicaments mis en circulation: moins de 1% dans les pays développés, mais de 50 à 70% dans les pays africains. De plus, 50% des médicaments vendus par le biais d’internet seraient des contrefaçons.
Le risque est néanmoins présent dans tous les domaines: même les freins des voitures peuvent être contrefaits. Le danger est aggravé du fait que ceux qui achètent des produits de la contrefaçon, parfois pour les redistribuer, n’en sont pas toujours conscients.
La Tribune - Comment les entreprises peuvent-elles protéger leurs produits ?
Développer une offre licite à un prix raisonnable est la principale clé de voûte de la prévention. Mais pour se défendre, la première chose à faire c’est de déposer une demande de marque, de brevet etc., afin d’obtenir un titre reconnaissant un droit exclusif d’utilisation.
Il faut également que les entreprises soient en permanence attentives et actives sur leur marché et qu’elles réagissent vite à toute atteinte en engageant des actions. Une telle stratégie, adoptée par exemple par les producteurs de champagne, s’avère efficace, car elle protège l’image de la marque et décourage partiellement les contrefacteurs potentiels.
Beaucoup d’entreprises cependant, notamment de PME, préfèrent ne pas s’engager dans la lutte contre la contrefaçon, par manque de temps (les procédures durent entre 18 mois et deux ans) ou d’argent, car elles ne croient pas que ce soit utile ou parce qu’elles refusent d’associer leur nom avec cette infraction.
La Tribune - Quelles actions en justice est-il possible d’engager ?
En France, la quasi-totalité des actions en la matière sont intentées au civil. Selon le référé sur la politique publique de lutte contre la contrefaçon publié l’an dernier par la Cour des comptes, l’action judiciaire pénale se concentre en effet sur les cas de contrefaçon mettant en jeu des réseaux criminels et portant gravement atteinte à l’intérêt général et aux consommateurs.
Les actions au civil sont quant à elles de moins en moins nombreuses : d’après la Cour des comptes, le nombre total des demandes devant les tribunaux de grande instance concernant la propriété industrielle est passé de 2.840 en 2009 à 1.704 en 2012.
La Tribune - Comment inciter les entreprises à se défendre davantage ?
Une réforme du système adoptée en mars 2014 a déjà significativement renforcé la capacité du juge de condamner les contrefacteurs à payer des dommages et intérêts proportionnés aux pertes causées, ainsi que de saisir les informations financières nécessaires pour chiffrer les gains engendrés et de confisquer l’argent gagné. Les pouvoirs des douanes à la frontière et la possibilité d’infiltrer les réseaux criminels ont également été étendus. Il est toutefois encore trop tôt pour un bilan de ces mesures.
La Tribune - La mondialisation, dont la contrefaçon profite de plus en plus, engendre-t-elle des difficultés spécifiques ?
Selon les pays, les compétences de lutte contre la contrefaçon sont attribuées à des autorités différentes, ce qui suscite sans doute des problèmes de coordination. Le défi représenté par la cyber-contrefaçon croît d’ailleurs, notamment pour les médicaments. Les sites où ces produits sont vendus se trouvent souvent dans des pays non coopératifs, ce qui rend quasiment impossible de les faire fermer définitivement. La solution à l’étude aujourd’hui est donc celle de demander aux banques situées en France d’empêcher l’achat de tels produits.
La Tribune - Quels sont les pays « modèles » en termes de lutte contre la contrefaçon ?
L’Allemagne se distingue, en raison de son histoire industrielle ancienne, en matière de culture de la protection des brevets. La France est plus active sur le terrain des marques, car elle est soucieuse de protéger ses produits du luxe, son vin, ses appellations d’origine. Le Japon est l’exemple même de l’évolution de la culture de la propriété intellectuelle en parallèle avec le niveau d’innovation interne : s’il a d’abord construit son industrie en imitant les produits des autres, il est aujourd’hui de plus en plus victime de contrefaçon et donc actif dans la lutte contre l’infraction.
Les pays plus faibles en termes d’innovation se montrent en effet souvent peu coopératifs. Non seulement leurs instruments de répression sont parfois inadaptés, Ils considèrent aussi l’industrie de la contrefaçon comme une activité économique profitable, bien qu’illégale. Ils minimisent également les dommages qu’elle peut causer aux entreprises occidentales.
La Tribune - Une entreprise peut-elle être l’auteur d’actes de contrefaçon sans le savoir ?
Ce n’est pas impossible, notamment en ce qui concerne les œuvres de l’esprit protégées par les brevets. Les entreprises d’un même secteur mènent en effet souvent leurs recherches dans le même domaine en même temps et chaque demande de brevet reste confidentielle pendant 18 mois. Les éventuels conflits, toutefois, sont le plus souvent résolus par la voie de négociations: les entreprises préfèrent éviter les contentieux car ils sont, notamment aux États-Unis, trop chers.
Dans le cas des marques, en revanche, ce risque est exclu puisque avant de déposer une demande d’enregistrement, il faut vérifier que le même signe distinctif ne soit pas utilisé par une autre société.