Dans la nuit du 28 au 29 avril, à l’occasion de la discussion du projet de loi pour une République numérique, j’ai fait adopter un amendement visant à renforcer la lutte contre la cyber-contrefaçon.
D’après un récent rapport publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), le trafic international de produits contrefaisants et piratés représentait 461 milliards de dollars américains en 2013, soit 2,5% du commerce mondial. Cela équivaut au PIB de l’Autriche !
Internet est désormais le principal canal de distribution des produits contrefaisants. Il s’ensuit que ces derniers sont de plus en plus souvent acheminés en petites quantités par voie postale ou fret express. En cas d'achat en ligne de contrefaçons, les consommateurs se trouvent totalement démunis.
Pour lutter contre ce fléau, la loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon a étendu les compétences des douanes en matière de « coups d'achat ». Elle a également renforcé le contrôle des locaux des opérateurs postaux et des expressistes. De plus, les douanes se sont vu doter d’un fichier informatisé rassemblant des données transmises par les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express.
D’autres mesures sont nécessaires. J’appelle de mes vœux la création d’une troisième catégorie d’acteurs de l’Internet - en sus de celles d'éditeurs et d'hébergeurs - via une révision de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique. Par ailleurs, il conviendrait d'impliquer plus étroitement les intermédiaires de paiement en ligne dans la lutte anti-contrefaçon afin d’assécher les ressources financières des sites internet qui contreviennent aux droits de propriété industrielle (mise en place d'un guichet unique et création d’un comité de suivi des bonnes pratiques).
À mon sens, il serait également opportun de faire peser sur les opérateurs de plateforme en ligne un « devoir de diligence ». Concrètement, ces opérateurs (moteurs de recherche, places de marché, réseaux sociaux, etc.) devraient avoir l’obligation de prendre des « mesures raisonnables, adéquates et proactives afin de protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre la promotion, la commercialisation et la diffusion de produits contrefaisants ». Tel est l’objet de l’amendement que j’ai fait adopter.
Le régime juridique actuellement applicable n’est pas satisfaisant. En vertu de la directive sur le commerce électronique, aucune obligation générale de surveillance ou de recherche des contenus illicites n’incombe aux intermédiaires en ligne. Partant, ce sont les consommateurs et les titulaires de droits qui doivent rester vigilants, détecter les contenus illicites et les signaler en vue de leur suppression. De plus, selon la Commission européenne, « le blocage de l’accès aux contenus illicites et leur retrait par les prestataires de services d’hébergement peuvent s’avérer lents et compliqués ».
Dans le cadre de sa stratégie pour un marché unique numérique en Europe, la Commission européenne souhaite analyser « la meilleure manière de lutter contre les contenus illicites sur l’Internet ». À cette fin, elle a récemment réalisé une consultation publique sur les plateformes. D’après son vice-président chargé du marché unique numérique, Andrus ANSIP, la Commission envisage de procéder, à la fin de cette année, à la « clarification » des mesures liées au retrait de contenus illicites.
C’est la raison pour laquelle mon amendement prévoit l’entrée en vigueur du « devoir de diligence » à compter du 1er janvier 2018. La période qui nous sépare de cette date permettra à la France de peser dans le débat ouvert par la Commission.
Espérons que la disposition adoptée par le Sénat survivra à la commission mixte paritaire.