Le 5 avril, j’ai eu le plaisir de participer à la vingt-troisième édition du Forum européen de la propriété intellectuelle (FEPI).
Organisé par l’Union des fabricants (Unifab), en partenariat avec le Comité national anti-contrefaçon (CNAC), le FEPI a rassemblé de nombreux acteurs, français et étrangers, du monde de la propriété intellectuelle (avocats, conseils en propriété industrielle, représentants d’entreprises, membres d’associations, représentants des pouvoirs publics, etc.). Ouvert par le président de l’Unifab, Christian Peugeot, cet évènement avait, cette année, pour thème « Quels nouveaux outils, quelles méthodes inédites, quels acteurs insolites pour protéger l’intelligence ? ».
M. Peugeot a notamment déclaré que le droit de la propriété intellectuelle « représente l’intelligence d’un peuple et insuffle son évolution ». Il est « un droit optimiste, celui d’un présent constructeur du futur ».
Pour sa part, la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, Delphine Gény-Stephann, a rappelé que « la propriété industrielle est une des clés de l’innovation et du rayonnement des entreprises françaises ». Après avoir souligné la nécessité d’« élaborer un système de protection plus flexible qui s’adapte à chaque besoin tout en préservant la sécurité juridique », elle a présenté les mesures relatives à la propriété industrielle qui figureront dans le projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises, dont le dépôt au Parlement est prévu le mois prochain. Le Gouvernement souhaite la création d’une demande provisoire de brevet, dont la durée sera limitée à un an. Selon Mme Gény-Stephann, cette demande « constituera une "première marche" d’accès au brevet, à coût réduit, donnant du temps pour être complétée par la suite, à mesure que l’entreprise avance dans l’instruction du brevet ». Le projet de loi prévoira également un allongement de la durée du certificat d’utilité (10 ans au lieu de 6 ans). Ce dernier pourra également être transformé « en demande de brevet d’invention si l’invention de l’entreprise nécessité une protection plus forte ». Quant à la mise en place d’une procédure d’opposition post-délivrance pour les brevets, elle « permettra d’attaquer à moindre coût les brevets de faible qualité ».
Lors de mon intervention, je me suis réjoui que la première table ronde du FEPI soit consacrée à l’éducation à la propriété intellectuelle. Ce sujet revêt une importance particulière. Une étude publiée l’an dernier par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) montre que les citoyens âgés de 15 à 24 ans sont les plus tolérants vis-à-vis de la contrefaçon et du piratage. De plus, nombre d’entre eux considèrent que la propriété intellectuelle freine l’innovation. Ces résultats sont très inquiétants. Ils mettent en évidence l’impérieuse nécessité d’inculquer aux nouvelles générations le respect des droits de propriété intellectuelle.
Plusieurs initiatives ont déjà été prises par les secteurs public et privé en vue de renforcer l’éducation à la propriété intellectuelle. Je pense notamment aux campagnes de communication diffusées sur Internet, aux actions de sensibilisation menées par l’Unifab auprès de collégiens ainsi qu’au programme de formation conçu par l’INPI à destination des professeurs.
Cet effort de pédagogie doit impérativement être accru. À cette fin, je souhaite que le Gouvernement s’inspire des expériences étrangères, par exemple en intégrant un volet « propriété intellectuelle » dans les programmes d’enseignement moral et civique. Dans quelques semaines, j’interrogerai le ministre de l’éducation nationale à ce sujet.
Parmi les nouveaux outils susceptibles d’améliorer la protection de la propriété intellectuelle, il en est un qui est très en vogue. Il s’agit des chaînes de blocs, plus connues sous l’appellation « blockchain ». Cette technologie est loin de se résumer au bitcoin. Elle offre aussi de nombreuses potentialités en matière de propriété intellectuelle. D’aucuns vont jusqu’à évoquer une véritable « révolution ». C’est sans doute dans le domaine de la propriété littéraire et artistique que les avantages liés à la blockchain sont les plus nombreux.
Les chaînes de blocs permettraient surtout de faciliter l’exploitation des droits de propriété intellectuelle. Grâce aux contrats dits « intelligents » (smart contracts), les taxes de maintien en vigueur et les redevances de licences pourraient être payées de manière automatique. Quant aux droits d’auteur, ils pourraient être plus efficacement répartis.
Pour ce qui concerne la défense des droits de propriété intellectuelle, la blockchain présente également de nombreux avantages. Grâce à son système d’horodatage, elle permettrait d’apporter plus facilement la preuve de la titularité des droits en cas de litige. Toute la question est de savoir s’il est nécessaire de donner une base légale à ce nouveau mode de preuve.
Par ailleurs, la blockchain permettrait d’assurer une meilleure traçabilité des produits. En d’autres termes, elle faciliterait l’identification des contrefaçons présentes dans les chaînes d’approvisionnement légitimes.
Toutes ces potentialités doivent être explorées plus en profondeur. Il en va de même des défis posés par la blockchain (sécurité, protection des données personnelles, etc.). La Commission européenne a décidé de se pencher sur le sujet. Elle va prochainement organiser un « Blockathon » européen, en partenariat avec l’Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle. Je salue cette initiative originale, qui vise à « libérer le potentiel de la blockchain et élaborer une solution intégrée destinée à lutter contre la contrefaçon ».
Je souhaite que le CNAC s’empare à son tour de ce sujet. Dans cette perspective, une conférence sera organisée après que l’INPI et France Stratégie auront chacun publié leur rapport sur la blockchain.