Le 23 mai, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a adopté, à l'unanimité, mon rapport sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur les interprétations et exécutions audiovisuelles.
Adopté à Pékin le 24 juin 2012, ce traité a pour objet de permettre aux interprètes et exécutants audiovisuels de bénéficier de la reconnaissance de la protection internationale dont jouissent leurs homologues du secteur musical depuis l’adoption du traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (TIEP) en 1996.
Le projet de loi sera examiné en séance publique le jeudi 31 mai.
Vous pouvez lire mon rapport en cliquant ici.
Par ailleurs, vous trouverez, ci-dessous, le texte de l'intervention que j'ai prononcée devant mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
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Monsieur le président,
Mes chers collègues,
Nous examinons ce matin le projet de loi autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions audiovisuelles.
Cette organisation, plus connue sous l’acronyme « OMPI », compte actuellement 191 États membres, dont la France et l’Union européenne. L’OMPI a pour principale mission de promouvoir la protection de la propriété intellectuelle dans le monde grâce à la coopération entre les États et en collaboration avec d’autres organisations internationales.
En 1996, l’OMPI a entrepris un important processus d’adaptation des droits d’auteur et des droits voisins à l’ère numérique. Le traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes – le TIEP – a ainsi permis d’assurer, au plan international, la protection des droits des artistes-interprètes participant à un enregistrement sonore ainsi que la protection des producteurs de phonogrammes.
Le présent traité, signé à Pékin en 2012, permettra d’étendre ces mêmes droits, déjà consacrés dans les ordres juridiques français et communautaire, aux artistes-interprètes et exécutants du secteur audiovisuel – c’est-à-dire aux comédiens, aux chanteurs et aux danseurs. Par conséquent, ce traité n’emportera aucune conséquence sur notre droit interne.
Il permettra aux artistes-interprètes de jouir d’un droit exclusif sur leurs interprétations. Ce droit se décompose, comme pour les auteurs, de droits patrimoniaux et d’un droit moral en raison du lien « intime » qui les relie à leur interprétation.
Le droit moral recouvre, notamment, le droit à la paternité et au respect de l’œuvre. Ces droits seront maintenus au moins jusqu’à l’extinction des droits patrimoniaux de l’artiste interprète. Le droit moral post mortem pourra quant à lui être écarté par les États membres qui ne reconnaissaient pas ce droit antérieurement à la ratification du traité ou à leur adhésion.
S’agissant à présent des droits patrimoniaux, l’artiste bénéficiera d’un droit exclusif de reproduction de son interprétation, qui s’applique pleinement dans l’environnement numérique. Le traité reconnait en outre à l’artiste des droits de distribution, de radiodiffusion et de location commerciale au public.
En matière de diffusion, le traité de Pékin veille toutefois à maintenir un équilibre entre, d’une part, les droits des artistes sur leurs interprétations audiovisuelles et, d’autre part, l’intérêt public général, notamment en matière d’enseignement, de recherche et d’accès à l’information.
En contrepartie de la radiodiffusion ou de la communication au public d’une interprétation, le traité propose aux États contractants de choisir entre trois options :
- octroyer à l’artiste interprète un droit exclusif sur son interprétation ;
- prévoir un système de rémunération dite « équitable » dont il pourra bénéficier ;
- ou alors n’accorder aucun droit.
Il s’agit donc d’un « régime à la carte » qui permettra à chaque partie de conserver ses traditions juridiques en la matière.
En application du « traitement national » prévu à l’article 4, les artistes de l’audiovisuel pourront, dans le cadre des exploitations de leurs interprétations au sein des États contractants, être considérés comme les nationaux et être rémunérés en conséquence. Le traité de Pékin reprend à cet égard la proposition de l’Union européenne d’assortir le traitement national d’un principe de réciprocité. Par conséquent, le traitement national s’appliquera dans la mesure des notifications ou réserves faites par la partie contractante ; cette disposition opère donc un parallélisme parfait entre la protection prévue par un État membre et la protection à laquelle pourront prétendre ses nationaux dans un autre État partie.
Il convient de noter que la copie privée, qui constitue une exception au droit de reproduction, est exclue du champ du traitement national.
En outre, le traité de Pékin impose aux parties d’assurer – je cite – « une protection juridique appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques efficaces qui sont mises en œuvre par les artistes-interprètes ou exécutants dans le cadre de l’exercice de leurs droits ». Ces sanctions s'appliquent donc aux mesures de contournement de protection d’une œuvre, mais également aux actes de contournement d'une mesure d'information sur le régime des droits afférents à une œuvre ou à une prestation protégée par un droit voisin.
Enfin, le traité aborde la question de la cession des droits des artistes-interprètes aux producteurs audiovisuels sans toutefois la trancher. Cette question a constitué un point d’achoppement ayant empêché l’OMPI de conclure le traité et l’a amené à conduire des négociations pendant douze ans.
Afin de faire aboutir ces discussions, le traité de Pékin ne revêt aucun caractère contraignant et couvre l’ensemble des modèles existants au sein des États membres de l’OMPI, permettant alors à chacun d’eux de conserver son cadre juridique qui précise les conditions dans lesquelles s’opère la cession des droits au producteur et ses contreparties.
Telles sont les principales stipulations du traité de Pékin. Ce traité permettra à nos artistes de bénéficier de prérogatives accrues dans les autres États parties et, partant, participera au rayonnement de la culture française à travers le monde.
Les syndicats d’artistes et les organismes de gestion collective sont satisfaits de la conclusion de ce traité qui accroît la protection des artistes-interprètes de l’audiovisuel au niveau international, et notamment dans certains pays qui ne leur reconnaissent pas ou peu de protection. Grâce au principe du traitement national, les artistes-interprètes pourront bénéficier de sources de revenus complémentaires au titre des exploitations faites dans certains États parties.
En conséquence, pour l’ensemble de ces raisons, je ne peux que préconiser l’adoption de ce projet de loi.
À ce jour, sur les 83 parties contractantes, seules 19 ont d’ores et déjà ratifié le traité, dont l’entrée en vigueur nécessite 30 ratifications ou adhésions. Le dépôt des instruments de l’Union européenne et de l’ensemble de ses États membres devrait intervenir de manière simultanée.