Le 29 mars, j'ai adressé une lettre à la garde des sceaux en vue d'attirer son attention sur la nécessité de renforcer la spécialisation des juridictions en matière de propriété intellectuelle.
Madame la Ministre,
Je souhaite appeler votre attention sur l’organisation judiciaire en matière de propriété intellectuelle.
À l’occasion de la discussion au Sénat du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, j’avais déposé plusieurs amendements visant à renforcer encore davantage la spécialisation des juridictions civiles et pénales en matière de propriété intellectuelle :
- réduction de moitié du nombre de TGI pouvant être désignés pour connaître des actions en matière de marques, de dessins et modèles, d’indications géographiques et de propriété littéraire et artistique ;
- attribution du contentieux marginal des obtentions végétales au seul TGI de Paris ;
- octroi à cinq tribunaux correctionnels d’une compétence exclusive pour les dossiers « simples » de contrefaçon ;
- création, au sein des juridictions spécialisées, d’une chambre mixte de propriété intellectuelle associant magistrats civilistes et pénalistes.
Ces amendements visaient à concrétiser des recommandations que j’avais formulées en 2011 dans un rapport d’information sur l’évaluation de la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon.
À mon sens, la spécialisation des juridictions est légitime, au regard de la complexité de la grande majorité des affaires en matière de propriété intellectuelle. Elle va dans le sens de l’Histoire et correspond à la situation en vigueur dans de nombreux autres pays européens. Elle présente également de nombreux avantages. Non seulement elle améliore le fonctionnement de l’institution judiciaire, mais elle est aussi et surtout un élément essentiel du rayonnement international du droit français et de l’attractivité juridique du territoire français, dans un contexte de forte concurrence des systèmes juridiques nationaux.
Comme vous le savez, mes amendements n’ont malheureusement pas été adoptés. Cependant, vous vous étiez dite « sensible » à plusieurs de mes propositions, qui vont dans le sens de la réforme que vous mettez actuellement en œuvre, à savoir « la recherche d’une spécialisation pour des contentieux techniques et de volumétrie relativement faible ».
Aussi, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir m’indiquer si vous envisagez de poursuivre, par voie réglementaire, le mouvement de concentration des compétences en matière de propriété intellectuelle.
Vous remerciant d’avance pour l’attention que vous voudrez bien porter à la présente lettre, je vous prie de croire, madame la Ministre, à l’expression de ma haute considération.
Richard YUNG