Le 18 novembre, à l’occasion de l’examen au Sénat de la proposition de loi tendant à interdire ou à réglementer le cumul des fonctions et des rémunérations de dirigeant d’une entreprise du secteur public et d’une entreprise du secteur privé, j’ai présenté, au nom du groupe socialiste, un amendement tendant à interdire purement et simplement tout cumul de fonctions. Cet amendement, malheureusement rejeté, visait à combler le vide juridique récemment mis en évidence par l’annonce de la prochaine nomination à la tête d’EDF de M. Henri PROGLIO, qui conservera en parallèle la présidence du conseil d’administration de Veolia.
Vous pouvez lire ci-dessous des extraits de la discussion de ce projet de loi. Cliquez ici pour en lire l’intégralité sur le site du Sénat.
Lire aussi à ce sujet le communiqué du groupe socialiste.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Yung, Anziani et Peyronnet, Mme Klès, MM. Navarro et Bodin, Mmes Chevé, Laurent-Perrigot, Cerisier-ben Guiga et Bourzai, M. Todeschini, Mme M. André, MM. Raoul et Marc, Mme Blondin, MM. Bérit-Débat, Berthou et Guillaume, Mmes Khiari et Printz, M. Besson, Mme Campion, MM. Bourquin et Sutour, Mmes Alquier, Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 9 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'exercice des fonctions de président du conseil d'administration, de directeur général, de membre du directoire ou de président du conseil de surveillance dans une entreprise mentionnée à l'article 1er de la présente loi est incompatible avec l'exercice de fonctions similaires, y compris non exécutives, dans une entreprise du secteur privé. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Il s’agit d’une proposition alternative à celle qui vient d’être exposée par le Gouvernement. Notre amendement tend en effet à poser le principe de l’incompatibilité entre les fonctions de direction d’une entreprise publique et celles d’une entreprise du secteur privé.
Il vise à prévenir les conflits d’intérêts consubstantiels à des cumuls de ce genre, tout en réglant la question du cumul des rémunérations liée à l’exercice concomitant de ces fonctions.
Pour nous, il est évident que les critères de gestion d’une entreprise publique et ceux d’une entreprise privée diffèrent, notamment parce que la seconde recherche une rentabilité financière pour répondre à l’attente de ses actionnaires. Cela ouvre un champ de conflits considérables.
Notre amendement concerne les fonctions de président du conseil d'administration, de directeur général, de membres du directoire ou de président du conseil de surveillance. Je note d’ailleurs que les règles actuellement applicables en matière de cumul et de bonne gouvernance n’ont pas évité le développement de concentrations de pouvoirs au sein des conseils d’administration, frappés par une endogamie assez générale. Du reste, si le cumul de mandats d’administrateur est limité à cinq, voire à trois dans le cadre du fameux code de bonne conduite, celui-ci est assez peu suivi, et l’on peut parler d’incantation. C’est dire que nous avons des raisons de nous méfier !
Il est à craindre que le fait de confier à un dirigeant des fonctions non exécutives donne seulement l’apparence d’une bonne gouvernance, sans empêcher ce dirigeant de prendre part au processus de décision.
La solution que nous vous proposons est, certes, radicale, mais elle a le mérite d’être plus simple et plus efficace que celle qui est suggérée par la commission.
On voit mal, en effet, surtout dans la rédaction proposée par le Gouvernement, où sont les progrès. Après l’Agence des participations de l’État, c’est maintenant le ministre lui-même qui va faire un rapport sur la nomination à laquelle il va lui-même procéder ! Comment attendre que la lumière jaillisse d’un tel système, hermétiquement clos ? Quant à la publication de la nomination dans le rapport annuel de l’Agence, qui interviendra dix-huit mois ou deux ans après, vous conviendrez que ce n’est pas sérieux au regard du débat qui nous occupe aujourd'hui !
[...]
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste apporte son entier soutien à l’amendement n° 3 rectifié bis de M. Yung.
Nous avons déposé au Sénat, voilà à peu près un an, une proposition de loi visant à réformer le statut des dirigeants de sociétés et à encadrer leurs rémunérations. Nous sommes attachés, notamment pour les entreprises aidées par l’État – particulièrement pour celles qui relèvent du statut d’entreprise publique – au respect des bonnes règles de gouvernance.
Mme la secrétaire d'État a raison : nul ici n’a mis en cause les compétences de M. Proglio. Tout son parcours professionnel a prouvé ses qualités d’entrepreneur. Mais il se trouve qu’il est, en plus, membre de cinq conseils d’administration.
Monsieur Hyest, pour faire suite à la proposition de loi précitée, vous avez organisé, le 11 mars dernier, une table ronde au cours de laquelle nous avons auditionné de nombreuses personnes : des membres du MEDEF, des administrateurs, des actionnaires… Tous se sont accordés pour dire que la bonne règle était de ne pas dépasser trois mandats d’administrateur.
Au travers de notre amendement, nous voulons rappeler ces principes. S’agissant de l’encadrement des rémunérations, particulièrement des bonus, Mme la ministre de l’économie s’est engagée à ce que, d’ici à la fin de l’année, nous dressions un bilan exhaustif de l’encadrement des rémunérations et des bonus par toutes les règles de bonne conduite qui ont été édictées à la place d’un dispositif législatif.
Aujourd'hui, nous avons l’occasion de voter un dispositif législatif et nous entendons le faire, en accord avec les auteurs de la proposition de loi, que nous remercions, une fois encore, d’avoir ouvert le débat.
Le Gouvernement doit se rendre compte que ces questions de cumul, de rémunérations comme de fonctions, sont désormais d’ordre public. Elles sont l’un des éléments à l’origine de la crise financière dont nous sortons à peine.
Aujourd'hui, nous avons l’occasion d’émettre un vote et nous le ferons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Madame la secrétaire d'État, quand nous vous avons interrogée sur la finalité de ce cumul de fonctions, vous nous avez répété à plusieurs reprises qu’il ne fallait pas procéder à un mélange des genres et qu’il n’y avait pas de projet industriel derrière cette nomination. Mais c’est bien ce qui m’inquiète le plus ! S’il y avait un vrai projet industriel, nous serions prêts à en discuter. Mais, s’il n’y en a pas, cela veut dire que nous sommes en face d’une opération purement personnelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)