Le 13 novembre, en notre qualité de rapporteurs spéciaux du budget, mon collègue Roland du LUART et moi-même avons présenté devant la commission des finances du Sénat notre rapport sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » (voir la note de présentation des crédits).
Le budget consacré à l’action extérieure de la France s’élèvera à 2,97 milliards d’euros en 2013 (+2,3% par rapport à 2012).
Selon le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, les sommes consacrées à cette mission devraient légèrement diminuer en 2014 puis se stabiliser en 2015. En termes d’effectifs, il est prévu une diminution de 600 emplois entre 2013 et 2015.
La mission « Action extérieure de l’État » comporte trois programmes budgétaires qui connaissent une évolution contrastée.
Le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » (action diplomatique au sens strict ; sécurité des Français à l’étranger ; etc.) sera doté d’un budget de 1,86 milliards d’euros (+4,6% par rapport à 2012). Les suppressions d’emplois prévues sur ce programme sont de 67 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT).
Les crédits du programme « Diplomatie culturelle et d’influence » s’élèveront quant à eux à 747,6 millions d’euros (-0,8% par rapport à 2012).
Certains domaines considérés comme prioritaires ont été préservés sur le plan budgétaire: Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), bourses de mobilité des étudiants étrangers en France (dotation en augmentation de 1,2 %), échanges d’expertise et échanges scientifiques. En revanche, des lignes budgétaires ont été réduites conformément à la nécessité de maîtriser les dépenses publiques: animation du réseau (-6,4%) ; dotations de fonctionnement aux établissements à autonomie financière (-4%) ; dotations pour opérations des EAF et subventions aux alliances françaises, invitées à augmenter leur autofinancement (-7%) ; Institut français (–7%), incité à développer les cofinancements d’opérations.
S’agissant de l’AEFE, je salue, dans un tel contexte, le supplément de dotation de 5,5 millions d’euros qui lui est accordé – ce qui portera sa subvention à 425 millions d’euros. Je tiens cependant à souligner que le coût de la part patronale de la pension civile devrait augmenter de 13 millions d’euros par rapport à 2012. L’agence devra donc de nouveau augmenter ses ressources propres pour faire face à ses charges. De plus, je relève que le système mis en place en 2012 pour que l’AEFE puisse financer son développement immobilier à l’étranger malgré l’interdiction qui lui est faite de s’endetter au-delà de douze mois sera reconduit en 2013. L’AEFE pourra donc de nouveau bénéficier d’avances de France Trésor pour un montant de l’ordre de 12,5 millions d’euros.
Par ailleurs, en 2013 devrait sonner l’heure du bilan de l’expérimentation du rattachement du réseau culturel à l’Institut français (testé dans douze pays). Il est à espérer qu’une fois ce bilan tiré, il sera possible de tirer des conclusions tranchées et de sortir de l’ambiguïté actuelle. En effet, pour garder à l’expérimentation un caractère réversible, il a fallu maintenir le statut qu’offre la couverture de l’ambassade ainsi que la création d’un bureau local de l’Institut français sans personnalité juridique locale propre, ce statu quo préservant les privilèges diplomatiques et fiscaux des personnels concernés.
Enfin, la mise en place assez laborieuse de Campus France, qui est chargé de l’attractivité de l’enseignement supérieur français à l’étranger, touche à sa fin. Sa mise en place effective est intervenue le 1er mai dernier avec la dissolution de deux de ses composantes, le groupement d’intérêt public (GIP) CampusFrance le 28 avril et l’association Egide le 1er mai. Quant au transfert des bourses gérées par le CNOUS, il a eu lieu le 1er septembre, début de l’année universitaire.
Pour ce qui concerne le programme « Français à l’étranger et affaires consulaires », il regroupe 357 millions d’euros. Ces crédits diminuent de 3 % à périmètre constant. Cette évolution s’explique par deux raisons :
- une raison « subie » : en 2013 ne se répéteront pas les élections nationales de 2012, notamment les premières élections législatives auxquels les Français établis hors de France étaient invités à participer. Il en résulte une économie de 8,5 millions d’euros, malgré les 2,2 millions d’euros qui seront dévolus, l’an prochain, à l’organisation des élections à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) ;
- une raison « choisie » : la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des lycéens français scolarisés dans des lycées français de l’étranger (PEC) par la loi de finances rectificative de l’été dernier et effective depuis la rentrée.
Je soutiens la suppression de la PEC, que nous avions déjà largement entaillée l’année dernière en adoptant un amendement faisant dépendre son versement d’un plafond de revenus (amendement supprimé par la suite par l’Assemblée nationale). Un chiffre me paraît justifier cette mesure : selon un tout premier bilan dressé par Hélène CONWAY-MOURET, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, seuls 9 % des élèves qui bénéficiaient auparavant de la PEC ont déposé un dossier pour l’obtention d’une bourse, soit un « effet d’aubaine » d’au moins 91% pour une dépense qui dépassait 30 millions d’euros.
Je serai néanmoins très attentif à la suite, c’est-à-dire au respect de l’engagement du Président de la République de réutiliser les fonds ainsi dégagés pour améliorer le système de bourses de scolarité sur critères sociaux au bénéfice des élèves français scolarisés à l’étranger. Selon les éléments que le Gouvernement m’a transmis, la dotation des bourses devrait passer de 93,6 millions d’euros en 2012 à 125,5 millions d’euros en 2015. Les négociations doivent s’engager prochainement afin de réviser les critères d’attribution des bourses et les quotités et il est évidemment naturel que le Parlement s’y intéresse de près.
Par ailleurs, je m’étais inquiété, l’année dernière, du partage des frais entre l’État et la Caisse des Français de l’étranger (CFE) pour ce qui concerne la prise en charge de la troisième catégorie aidée de cotisation maladie-maternité à la CFE, accessible aux Français dont les ressources n’excèdent pas 50% du plafond de la sécurité sociale: pour une charge totale de 2,5 millions d’euros, l’État ne prenait à son compte que 500.000 euros, laissant la CFE assumer les 2 millions d’euros restants.
Le même partage est prévu pour 2013. Cependant, j’ai obtenu des éléments sur l’évolution du fonds de roulement de la CFE, qui s’est élevé à 70,9 millions d’euros à fin 2009, 66,7 millions d’euros à fin 2010 et 76 millions d’euros en fin d’année 2011. Le profil financier de la CFE tend donc à montrer qu’elle est bien en mesure d’assumer sans dommage cette dépense.
En 2013, les services des visas seront dotés de 25 postes d’agents supplémentaires. Il s’agit d’une augmentation d’effectifs vertueuse car elle n’empêche pas une rationalisation de l’activité, qui se manifeste par l’externalisation croissante de la collecte de dossiers de demandes de visas (que pratiquent aujourd’hui 29 consulats). De plus, il s’agit d’une activité lucrative pour l’État. Ainsi, en 2011, les visas ont engendré 116,4 millions d’euros de recettes pour le budget de l’État. Une fois déduite la masse salariale, l’activité a généré une « marge bénéficiaire » de 77,9 millions d’euros.
À cet égard, il est à noter que le coût unitaire d’un visa est estimé à 22 euros en moyenne. Les droits dont doivent s’acquitter les demandeurs s’élèvent à 60 euros pour un court séjour. Les recettes des droits de visas sont reversées au budget de l’État et ne sont pas conservées par le ministère des affaires étrangères.
Enfin, j’ai présenté à mes collègues de la commission des finances un amendement en conclusion de mes travaux de contrôle sur les « ambassadeurs thématiques ». Je propose de réduire de 150.000 euros le budget du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » afin d’envoyer un message au Quai d’Orsay à propos des ambassadeurs thématiques.
La situation de ces ambassadeurs est très diverse. La diversité est statutaire : 16 ambassadeurs sur 28 sont des agents du ministère des affaires étrangères, le profil des autres titulaires variant entre la politique, d’autres administrations et des fonctions du secteur privé.
La diversité est aussi liée aux dossiers dont s’occupent les intéressés :
- une douzaine d’ambassadeurs ont des fonctions liées à une zone géographique, avec des problématiques parfois proches de celles des ambassadeurs classiques. Tel est, par exemple, le cas des ambassadeurs chargés de la coopération régionale dans une zone donnée, où la France est présente du fait de ses territoires ultramarins ;
- d’autres se voient confier un dossier thématique véritablement transversal (comme la lutte contre la criminalité organisée) ;
- enfin, certains profils correspondent à un poste de direction d’un service central du ministère – le titre d’ambassadeur venant alors comme un simple élément de valorisation. Tel est notamment le cas de l’ambassadeur chargé de l’adoption internationale ou de celui encore chargé de la mobilité externe des cadres du ministère.
Les ambassadeurs thématiques ne constituent pas un enjeu budgétaire : la somme totale engagée en 2011 par la mission « Action extérieure de l’État » pour l’ensemble des 28 postes d’ambassadeur thématique n’atteint pas 725.000 euros (répartis entre les 3 programmes de la mission, ainsi que sur le programme 209 de la mission « Aide publique au développement »).
Il me semble que l’exécutif prend régulièrement quelque liberté sur le sujet. Ainsi, près de la moitié des ambassadeurs thématiques actuellement en poste n’ont pas été nommés en Conseil des ministres, comme le prescrit pourtant l’article 13 de la Constitution, mais par une simple note de service. Ce détail n’est pas anodin: la qualité d’ambassadeur ne doit pas être galvaudée. De plus, ce mode de nomination peut aussi être la traduction d’un contexte particulier. Il m’a ainsi été donné d’entendre le titulaire d’une de ces fonctions reconnaître que sa propre nomination relevait du « fait du prince », indépendamment de toute utilité identifiée de sa fonction au sein du ministère, et même à l’encontre de la volonté du ministre de l’époque.
Partant, il importe que le Parlement manifeste sa vigilance sur la question « à titre conservatoire », afin de préserver l’exécutif de ses tentations de multiplier inconsidérément ce type de postes, d’autant que tous les postes actuellement pourvus ne sont objectivement pas indispensables. Mais, compte tenu de la réalité budgétaire, il convient d’agir avec mesure. La coupe budgétaire que je propose de réaliser obligera le Gouvernement à réfléchir et à supprimer réellement les postes les moins utiles. Pour l’avenir, le message envoyé devrait être clair et les prochaines créations de postes devraient être tout spécialement justifiées. Néanmoins, on ne sacrifie pas tout le monde (certaines missions sont vraiment utiles) et on ne se prive pas de toute possibilité de recruter hors du Quai d’Orsay car il n’est parfois pas malsain d’apporter un peu d’air frais.
Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » et mon amendement sur les ambassadeurs thématiques devraient être examinés en séance publique le jeudi 29 novembre. La version définitive de mon rapport sera disponible 48 h avant le débat.