Le 13 septembre, le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la consommation.
Ce texte monumental – 73 articles – s’inscrit dans le prolongement des réformes portées par la gauche pour rééquilibrer les pouvoirs entre les consommateurs et les professionnels. Il participe également de la bataille du pouvoir d’achat pour relancer la croissance car, comme l’a rappelé Pierre Moscovici, « la consommation est l'un des éléments fondamentaux de la reprise économique naissante dans notre pays ». Il est par ailleurs favorable aux petites et moyennes entreprises (PME).
Défendu en séance par le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, Benoît Hamon, il comprend un large éventail de mesures au service des consommateurs.
Définition du consommateur. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe pas de définition du consommateur dans notre législation. Afin de combler cette lacune, le projet de loi introduit dans le code de la consommation la définition européenne du consommateur. Un consommateur est « toute personne physique qui (…) agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».
Création d'une action de groupe. « Toute puissance est faible, à moins que d’être unie ». Cette morale d’une fable de Jean de La Fontaine (Le Vieillard et ses Enfants) résume parfaitement la philosophie de la mesure-phare du projet de loi. L’action de groupe est en effet un instrument procédural qui vise à permettre aux consommateurs de s’unir afin d’obtenir collectivement réparation des dommages matériels de faible montant qu’ils ont subis à l’occasion d’un acte de consommation ou du fait de pratiques anticoncurrentielles. Véritable « arlésienne du débat politique », pour reprendre les mots de Benoît Hamon, cette disposition s’inspire des nombreux travaux que j’ai menés avec mes anciens collègues Nicole Bricq et Laurent Béteille entre 2005 et 2011 (adhésion volontaire au groupe ; double filtre des associations agréées et des juges ; clause de revoyure, etc.). Lors de la discussion générale, je me suis réjoui de cette avancée.
Le Sénat a validé la création d’une procédure d’action de groupe simplifiée. Introduite à l’initiative du rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, cette dernière permet à un juge de condamner un professionnel à indemniser directement et individuellement des consommateurs lésés lorsque leur identité et leur nombre sont connus. La Haute assemblée a également adopté un amendement supprimant la désignation de tribunaux spécialisés pour traiter des actions de groupe.
Lutte contre les clauses abusives. Le projet de loi tend à renforcer les pouvoirs du juge en matière de clauses abusives. Une décision de justice constatant l’existence de clauses abusives pourra être étendue à l’ensemble des contrats identiques conclus par le même professionnel.
Modernisation et renforcement des moyens d’actions de la répression des fraudes. Le projet de loi propose d’attribuer aux agents de la direction générale de la consommation de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) de nouvelles habilitations afin de renforcer l’effectivité du droit de la consommation : possibilité de saisir le juge judiciaire en référé ; développement de la pratique des « clients mystères » ; sanctions administratives ; etc.
Renforcement des sanctions applicables en matière de consommation. Tirant les leçons du récent scandale de la viande de cheval, le projet de loi prévoit un alourdissement des sanctions pénales pour les auteurs de fraudes économiques (amendes pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaires ; peines complémentaires telles que l’interdiction d’exercer l’activité commerciale concernée). Il s’agit de dissuader les pratiques trompeuses et de protéger la santé des consommateurs.
Lutte contre le surendettement et encadrement du crédit à la consommation. Afin de réguler le marché du crédit à la consommation, qui est à l’origine de 87% des cas traités en commission de surendettement, le projet de loi prévoit l’obligation pour les prêteurs de proposer systématiquement un crédit amortissable pour les achats d’un montant supérieur à 1.000 euros. Cette disposition favorisera le développement d’offres de crédit alternatives au crédit renouvelable.
Traduction de l’engagement n°8 du candidat François Hollande, la création d’un registre national des crédits aux particuliers vise à responsabiliser les établissements de crédit. Placé sous la responsabilité de la Banque de France, ce registre devra être consulté avant tout octroi de prêts à la consommation. Un bilan de cette mesure sera établi trois ans après la promulgation de la loi.
Une disposition introduite à l’Assemblée nationale et modifiée au Sénat prévoit la réduction de la durée des plans conventionnels de redressement (7 ans au lieu de 5 ans).
Assouplissement des conditions de résiliation des contrats d’assurance. Partant du constat que les primes d’assurance multirisques habitation ont augmenté trois fois plus vite que l’inflation au cours des trois dernières années, le Gouvernement propose de donner aux consommateurs la faculté de résilier leurs contrats d’assurance dès la première année. Cette mesure, qui s’appliquera également aux contrats d’assurance responsabilité civile automobile, vise à améliorer la concurrence sur des dépenses contraintes.
Renforcement des droits des consommateurs sur Internet. Face à l’explosion du commerce en ligne, le projet de loi propose que le délai de rétractation dont bénéficie le consommateur soit porté de sept à quatorze jours et que le délai de remboursement à la charge du professionnel n’excède pas trente jours.
Création d’indications géographiques pour les produits manufacturés. Portée par la ministre Sylvia Pinel, cette mesure vise à améliorer la transparence sur l’origine et le mode de fabrication des produits. Elle rend le dispositif de protection des indications géographiques accessible aux produits non alimentaires qui ne peuvent pas bénéficier d'une appellation d'origine (porcelaine de Limoges, dentelle du Puy, dentelle de Calais, etc.).
Développement de modes de consommation responsables. Afin de lutter contre l’obsolescence programmée des produits, le projet de loi prévoit que lors de l’achat d’un produit, le consommateur sera informé de l’existence et de la disponibilité de pièces détachées. Cette mesure est destinée à limiter le gaspillage en favorisant la réparation des appareils en cas de panne. Elle favorisera également le développement des filières du commerce de pièces détachées.
La liste ci-dessus est loin d’être exhaustive. Le projet de loi comprend d’autres dispositions très intéressantes, dont certaines ont été adoptées lors de la discussion parlementaire : création d’un label « fait maison » pour les restaurants ; obligation de mentionner l'origine des viandes sur l'étiquetage des plats préparés ; tarification à la minute dans les parkings ; liste positive de consommateurs acceptant le démarchage téléphonique ; mobilité bancaire (gratuité de la clôture des comptes ; service d’aide à la mobilité bancaire ; rapport sur la mise en œuvre de la portabilité bancaire) ; autorisation de la vente des tests de grossesse hors des pharmacies ; sanctions applicables aux facturations injustifiées intervenant après le décès d’une personne hébergée en maison de retraite ; lutte contre les jeux et paris en ligne illégaux ; etc.
Le projet de loi doit désormais être examiné en deuxième lecture par les députés avant de revenir éventuellement au Sénat.