La commission d'enquête sénatoriale sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières, dont j'étais membre, a récemment rendu public son rapport. Il comprend 34 propositions adoptées à l’unanimité.
I – Mieux connaître pour mieux combattre
Créer un cadre institutionnel favorable à la transparence des systèmes de contrôle
Proposition n° 1 : créer un Haut-Commissariat à la protection des intérêts financiers publics et développer cette mission au sein du Parlement.
Proposition n° 2 : doter les personnels dédiés au contrôle interne de conformité d'un statut de salarié protégé.
Proposition n° 3 : mettre en place un groupe de travail destiné à assurer la complète indépendance des commissaires aux comptes par rapport aux entreprises dans lesquelles ils interviennent.
Proposition n° 4 : appliquer rigoureusement les dispositions destinées à lutter contre les conflits d'intérêts aux autorités administratives de supervision, aux services des administrations économiques et aux magistrats.
Proposition n° 5 : inclure le civisme fiscal des entreprises dans le champ de leur responsabilité sociale et prescrire aux organes dirigeants des entreprises financières et des entreprises faisant appel public à l'épargne une obligation de déclaration de conformité fiscale et au regard des obligations imposées par la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Proposition n° 6 : renforcer les prérogatives des institutions représentatives du personnel en matière de prévention de la lutte contre l'évasion fiscale internationale.
Proposition n° 7 : assurer une protection adaptée des lanceurs d'alerte.
Proposition n° 8 : étendre l'obligation de déclaration de soupçon à TRACFIN aux employés des personnes assujetties.
Renforcer la fonction d’intelligence économique et financière
Proposition n° 9 : réalisation d'un rapport permettant d'apprécier finement les activités des entreprises financières dans les territoires du offshore tant à partir de leurs implantations locales qu'à partir d'autres entités des groupes considérés.
Proposition n° 10 : coordonner les services de renseignement en vue d'une lutte efficace contre la fraude et l'évasion fiscales internationales ainsi que contre les flux et circuits financiers illicites.
Proposition n° 11 : développer les efforts d'évaluation des risques en mobilisant l'appareil statistique et en développant les outils d'analyse risque des services de la DGFIP en liaison avec les autres services impliqués dans la connaissance des flux financiers illicites.
Proposition n° 12 : créer une structure de formation de très haut niveau sur la fiscalité.
Proposition n° 13 : les organismes en charge du contrôle et de la répression de la fraude financière et fiscale adoptent un programme de formation adaptée à leurs missions. Un droit à une formation régulière est reconnu à chaque agent.
Fortifier la lutte contre le blanchiment
Proposition n° 14 : faire évoluer TRACFIN en renforçant les garanties institutionnelles de son indépendance, en réunissant les moyens nécessaires à son efficacité et en clarifiant le cadre de ses relations avec son écosystème.
Proposition n° 15 : pénaliser les manquements à la déclaration de soupçon relatifs à des personnes particulièrement exposées ou à des opérations devant faire supposer des menaces particulièrement graves.
Proposition n° 16 : développer l'implication des superviseurs financiers dans les contrôles de conformité fiscale et des systèmes de blanchiment par l'adoption d'une culture de contrôle plus ferme et en approfondissant l'action contre les situations d'opacité liées en particulier au déploiement d'entités hors contrôle.
Proposition n° 17 : interdire sur le territoire français l'utilisation des cartes bancaires non rattachées à un compte dont le bénéficiaire effectif n'est pas identifiable.
Instaurer un « FATCA » européen
Proposition n 18 : instituer au niveau européen une obligation d'échange automatique analogue au dispositif « FATCA » américain, le cas échéant par la voie d'une coopération renforcée.
Proposition n° 19 : veiller à ne pas désarmer les régimes de durcissement de la législation fiscale prévus pour appréhender les activités réalisés dans les États et territoires non coopératifs.
Proposition n° 20 : exiger la constitution d'un registre international des trusts.
Proposition n° 21 : étendre l'obligation de déclaration des comptes bancaires aux entreprises au minimum lorsque ces comptes sont tenus dans des États non coopératifs.
Instituer une obligation de déclaration préalable des schémas d’optimisation fiscale auprès de l’administration
Proposition n° 22 : instituer une obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale, pesant sur les intermédiaires.
Encadrer et conditionner la politique de remises fiscales
Proposition n° 23 : ouvrir un débat sur la conditionnalité des remises de pénalités fiscales, notamment pour les « repentis » investissant dans l'économie réelle.
Renforcer les outils de l’administration fiscale
Proposition n° 24 : budgéter les moyens nécessaires à une politique décisive sur les plans financiers, social, économique et politique.
Proposition n° 25 : poursuivre le travail de renforcement des dispositifs anti-abus et des instruments juridiques de l'administration fiscale.
II – Renforcer les pouvoirs et l’implication de l’autorité judiciaire
Renforcer les moyens de la « police judiciaire fiscale »
Proposition n° 26 : concrétiser rapidement l'engagement pris par le Premier ministre de renforcer significativement les effectifs de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF).
Proposition n° 27 : remédier à la sous-dotation chronique des services d'enquête de la police et de la gendarmerie spécialisés en matière économique et financière.
Proposition n° 28 : doter les juridictions spécialisées dans les questions économiques et financières de magistrats du parquet et de juges d'instruction en nombre suffisant pour instruire les dossiers dans des conditions d'expertise et de délai satisfaisantes.
Adapter les outils juridiques permettant au juge de mieux sanctionner les intermédiaires
Proposition n° 29 : inciter les parquets et les services d'enquête à procéder systématiquement, dès lors que des indices sérieux laissent présumer une fraude complexe, à des investigations permettant d'identifier et de traduire devant la justice les intermédiaires qui contribuent en pleine connaissance de cause à la fraude fiscale de leurs clients.
Proposition n° 30 : créer un délit spécifique d'incitation à la fraude fiscale comportant notamment la répression du démarchage et de la publicité pour des dispositifs d'évasion fiscale.
Proposition n° 31 : réfléchir, dans le cadre d'un débat sur la régulation de l'Internet, aux moyens pertinents de restreindre l'accès du public à des sites commerciaux offrant des montages « clés en main » d'évasion fiscale illégale ou proposant l'ouverture de comptes bancaires à de telles fins dans des territoires complaisants.
Inviter les juges à prononcer des sanctions exemplaires
Proposition n° 32 : inciter les parquets à requérir systématiquement le prononcé des peines complémentaires de confiscation du produit de l'infraction et de publication des condamnations.
Impliquer davantage le juge pénal dans la répression de la fraude fiscale : poursuivre le débat sur le « verrou de Bercy »
Proposition n° 33 : rappeler aux agents de l'administration fiscale l'obligation qui leur incombe au titre de l'article 40 du code de procédure pénale de signaler à la justice tout crime ou délit dont ils auraient connaissance dans le cadre de leurs fonctions.
Proposition n° 34 : engager une réflexion, avec l'ensemble des professionnels concernés, sur un assouplissement du « verrou de Bercy » s'agissant de la poursuite et de la répression des fraudes fiscales complexes.