Nouvelle victoire pour la démocratie sociale : l’accord majoritaire sur la formation professionnelle trouvé ce weekend par les partenaires sociaux démontre une fois de plus que le dialogue social est une arme indispensable pour mener des réformes difficiles.
Chacun connait les travers du système actuel de la formation professionnelle malgré les 32 milliards qui y sont consacrés chaque année : financement complexe et opaque dont une partie est captée par les organisations patronales et syndicales, gestion couteuse souffrant de l’émiettement des organismes collecteurs, insuffisance de l’offre de formation réellement qualifiante, mauvais ciblage sacrifiant les demandeurs d’emploi et les salariés les moins qualifiés, etc.
Sur la base de ce constat largement partagé, les acteurs de la formation professionnelle se sont mis d’accord sur une réforme en profondeur qui répond aux exigences fixées initialement par le gouvernement : droit à la formation tout au long de la vie, amélioration de l’accès à la formation, en particulier de ceux qui en ont le plus besoin, simplification des procédures administratives et fiscales dans le cadre du « choc de simplification ».
L’accord devrait être signé par le Medef, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, tandis que la CGPME et FO se donnent encore le temps de réfléchir. Seule la CGT, toujours embourbée dans ses problèmes internes de succession, s’est déclarée opposée à l’accord, ce qui est d’autant plus incompréhensible qu’elle avait signé l’accord au rabais de 2009.
Dans le détail, l’accord contient plusieurs avancées qui méritent d’être soulignées :
- La création d’un compte personnel de formation (CPF) remplaçant le droit individuel à la formation (DIF) : alimenté à raison de 20h par an les six premières années de travail, puis de 10 heures par an les trois années suivantes, ce compte pourra être ouvert dès l’âge de 16 ans et suivre le salarié tout au long de sa vie professionnelle, même en cas de chômage ou de changement d’emploi (ce qui n’est pas le cas du DIF). Le plafond de 150h (supérieur de 30% à celui du DIF) pourra être complété par des abondements supplémentaires de l’employeur, des pouvoirs publics (État, région, pôle emploi) ainsi que par le futur compte personnel de prévention de la pénibilité. Le salarié aura en outre plus de liberté pour partir en formation, l’aval de Pôle emploi n’étant pas requis, ni dans certains cas celui de l’employeur (si la formation a lieu hors temps de travail ou si un accord de branche le permet). Doté de 1,2 milliards d’euros par an (six fois plus que le DIF), le CPF s’ajoute au congé individuel de formation (CIF) spécifique aux formations longues qui sera renforcé par la suppression de l’exonération de cotisation des entreprises de 10 à 19 salariés.
- Une réorientation des fonds vers ceux qui en ont le plus besoin : le défaut majeur du système actuel de la formation professionnelle est de profiter aux salariés déjà qualifiés au détriment de ceux qui ont un besoin réel de formation. L’accord définit trois cibles prioritaires qui doivent bénéficier d’un meilleur fléchage de l’argent destiné à la formation professionnelle : les salariés des petites entreprises, les salariés les moins qualifiés et les demandeurs d’emploi pour lesquels l’effort de formation sera porté à près d’un milliard contre 600 millions actuellement.
- Le renforcement du suivi professionnel : chaque salarié bénéficiera, d’une part, d’un entretien d’évolution professionnelle tous les deux ans dans son entreprise donnant lieu à une formalisation écrite tous les six ans et si besoin à un rattrapage de formation (jusqu’à 100h supplémentaires sur le CPF si le salarié n’a pas été assez formé), d’autre part, d’un accès gratuit à un conseilleur en évolution professionnelle ne dépendant pas de son entreprise avec lequel il pourra faire le point sur son orientation et son projet professionnel.
- L’allégement des contraintes de financements et de gestion : l’accord prévoit que les entreprises verseront une contribution unique et obligatoire allant de 0,55% de la masse salariale (entreprises de moins de 10 salariés) à 1 % (au-delà de 50 salariés) contre trois versements différenciés actuellement. Une partie de ces contribution sera mutualisée au bénéficie des petites entreprises. Surtout, ces financements seront entièrement déconnectés de ceux dédiés aux organisations patronales et syndicales. Le nombre d’organismes collecteurs sera divisé par quatre (une cinquantaine contre 200 aujourd’hui) pour limiter les couts de gestion.
Après l’accord sur le contrat de génération et celui sur la sécurisation de l’emploi, ce nouvel accord est le signe de la vitalité et de la force constructive du dialogue social. Le gouvernement ne peut qu’être conforté dans son choix de la concertation pour mener à bien des réformes structurelles. Il faudra maintenant respecter le fruit de ce travail collectif. Je salue donc l’annonce par Michel Sapin de la transcription de cet accord dans un projet de loi qui sera présenté en conseil des ministres le 22 janvier prochain et qui contiendra également la réforme de l’apprentissage, de la représentativité patronale et du financement du dialogue social.