Mesure-phare de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, l’action de groupe est entrée en vigueur le 1er octobre dernier.
Attendu de longue date, ce nouvel instrument procédural vise à permettre aux consommateurs – au moins deux – de s’unir afin d’obtenir collectivement réparation des dommages matériels de faible montant qu’ils ont subis à l’occasion d’un acte de consommation (achat d’un bien ou d’un service) ou du fait de pratiques anti-concurrentielles.
L’action de groupe à la française est un dispositif très encadré qui s’inspire des nombreux travaux que j’avais menés au Sénat avec Nicole Bricq et Laurent Béteille entre 2005 et 2011. Afin d’éviter les dérives de la class action à l’américaine, seules les 15 associations de consommateurs agréées sont autorisées à introduire et conduire une action de groupe.
La procédure comprend deux phases, dont les détails ont été précisés par un décret du 24 septembre 2014.
Lors de la phase judiciaire, le juge statue en même temps sur la recevabilité de l’action et sur la responsabilité du professionnel. Une fois cette dernière engagée, le juge est chargé de définir le groupe de consommateurs lésés et de déterminer les préjudices susceptibles d’être réparés ainsi que leur montant ou tous les éléments permettant leur évaluation. Le juge fixe également les mesures destinées à informer de sa décision les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe. Ces mesures de publicité sont à la charge du professionnel et ne peuvent être mises en œuvre qu'une fois que la décision sur la responsabilité n'est plus susceptible de recours ordinaires ni de pourvoi en cassation. La décision de responsabilité prévoit aussi le délai – dont la durée est obligatoirement comprise entre deux et six mois – au cours duquel les consommateurs peuvent adhérer au groupe afin d'obtenir la réparation de leur préjudice. Il appartient enfin au juge de déterminer les modalités de l’adhésion au groupe ainsi que le délai dans lequel doit intervenir la réparation des préjudices.
Précisons que lorsque l’action porte sur un manquement aux règles de concurrence, elle ne peut être introduite qu’une fois le manquement établi par une décision émanant des autorités compétentes, nationales ou européennes, et insusceptible de recours.
Il est aussi à noter que la phase judiciaire peut être évitée par le recours à une médiation, à laquelle participe l’association requérante. L’accord en résultant doit obligatoirement être homologué par le juge.
Dans un second temps, le professionnel procède à l'indemnisation individuelle des préjudices subis par les consommateurs ayant rejoint la procédure, dans les conditions, limites et délais fixés par le jugement de responsabilité. La réparation prend la forme de dommages et intérêts ou, éventuellement, d’une réparation en nature. En cas de difficulté pendant cette phase, le juge peut de nouveau être saisi par l’association requérante qui représente alors les consommateurs lésés.
Parallèlement à cette procédure de droit commun, il existe une action de groupe simplifiée, qui s’applique lorsque l’identité et le nombre de consommateurs lésés sont connus. Dans ce cas, le juge peut, dès le jugement sur la responsabilité du professionnel, condamner ce dernier à indemniser les victimes directement et individuellement.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les associations de consommateurs n’auront pas tardé à s’approprier la nouvelle procédure. Et il faut s’en féliciter. La première action de groupe a été lancée par l’association UFC-Que Choisir, qui a décidé d’assigner en justice le groupe Foncia – réseau d’agences immobilières et administrateur de biens immobiliers – afin de lui réclamer l’indemnisation de 318.000 locataires, qui ont payé indûment des frais d’expédition de quittance. Le montant total du préjudice est évalué à 44 millions d’euros sur cinq ans.
Je me réjouis de l’entrée en vigueur de cette réforme, qui a été rendue possible par l’arrivée au pouvoir de François Hollande. La droite a en effet toujours refusé de légiférer sur ce sujet afin de ne pas froisser le patronat.
L’action de groupe va permettre de rééquilibrer les pouvoirs entre les consommateurs et les professionnels. Elle constitue une étape importante vers la démocratisation de l’accès à la justice et le renforcement de l’effectivité du droit à réparation. La prochaine étape devrait être la création d’une action de groupe dans le domaine de la santé dans le cadre du futur projet de loi relatif à la santé. Le débat sur l’action de groupe dans le domaine de l’environnement a par ailleurs été ouvert lors de la conférence environnementale qui s’était tenue en septembre 2013.