Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a rendu public mercredi 4 février 2015 un rapport relatif à l’imposition des revenus. Il s’agissait notamment, à la demande de la commission des finances du Sénat, d’explorer les pistes de fusion ou de rapprochement de l’impôt sur le revenu (IR) et de la contribution sociale généralisée (CSG).
Le projet de fusion de l’IR et de la CSG répond aux exigences de lisibilité, d’efficacité et d’équité de l’imposition des revenus dans le souci d’en renforcer l’acceptabilité par les citoyens. Notre système dual d’imposition a en effet montré sa double insuffisance.
D’un côté, l’IR est acquitté par moins d’un foyer sur deux, ce qui entretient l’idée fausse qu’une partie de la population ne participe pas à la solidarité nationale. Son assiette est mitée par de multiples niches fiscales qui réduisent d’autant son rendement (inférieur à celui de la CSG depuis 1998). Enfin, il est perçu en année n+1, ce décalage étant source de difficulté de paiement en cas de dégradation de la situation sociale (perte d’emploi) du redevable.
De l’autre côté, la CSG a un bon rendement du fait de son assiette large et ne pose pas de difficulté de paiement puisqu’elle prélevée à la source. Mais cette efficacité économique pour les caisses de l’État, ou de la Sécurité sociale pour être précis, est obtenue au prix d’une injustice sociale pour le contribuable. En effet, contrairement à l’IR, les taux de la CSG sont proportionnels et non progressifs et elle ne tient pas compte de la capacité contributive du foyer fiscal (conjoint, enfants ou autre personne à charge). Par ailleurs, les taux réduits et exonérations sont pratiqués selon le type de revenu (pensions de retraite par exemple) et non selon leur niveau.
Les faiblesses de ce système d’imposition complexe et au final peu progressif méritaient donc d’être questionnées et la fusion de l’IR et de la CSG dans un grand impôt citoyen progressif étudiée. L’apport du nouveau rapport du CPO sur ce point est assez maigre. Il ne nous apprend rien de plus que ce que l’on sait déjà : la fusion de l’IR et de la CSG est souhaitable à moyen terme, difficile à court terme pour des raisons techniques et exige donc un rapprochement préalable des règles relatives à l’IR et à la CSG afin de renforcer la complémentarité de ces deux impositions.
Un rapport similaire, réalisé par Didier Migaud au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale en 2007, parvenait aux mêmes conclusions. Huit ans plus tard, le dossier bloque toujours et aucune réforme de fond n’a été engagée. La raison est connue : Bercy est opposé à la fusion IR-CSG. Sous couvert d’arguments techniques, les agents du ministère des finances – et leurs syndicats très puissants – craignent en réalité pour leur emploi.
Je ne prétends pas que la fusion IR-CSG est aisée. Les obstacles sont effectivement nombreux : différences d’assiette, de taux, de modalité de recouvrement, d’affectation, de prise en compte ou non de la situation familiale... La transition vers un impôt unifié s’étalerait probablement sur quelques années mais elle est parfaitement possible d’un point de vue technique. C’est d’ailleurs le mérite de ce rapport de rappeler qu’ « une telle réforme reste possible » même s’il ajoute que des aménagements respectifs de la CSG et de l’IR seraient plus simples à réaliser dans un premier temps.
Je regrette que le chantier de la fusion IR-CSG n’ait pas été lancé dès le début du quinquennat. Je le dis : ce fut même une erreur de ne pas le faire. Cette réforme figure depuis 2011 dans le programme du parti socialiste et elle a été reprise dans le programme présidentiel de François Hollande en 2012 (engagement n°14). Aussitôt relancée par Jean-Marc Ayrault à la fin de l’année 2013 dans le cadre d’une grande réforme fiscale, l’idée a été immédiatement enterrée – en même temps que la réforme fiscale annoncée. Je constate que malheureusement la volonté politique ne fait pas le poids face au monstre technocratique bercyéen.
J’espère que les propositions du CPO relanceront le débat. Même si elles sont moins ambitieuses et ne font que reporter à plus tard la fusion IR-CSG, les pistes de réformes avancées par le CPO précisent la « voie médiane » qu’il est possible de suivre à court terme : réduction des niches fiscales et imposition contemporaine des revenus pour l’IR, instauration d’un taux minimum (1%) applicable à tous les revenus et progressivité des taux pour la CSG, suppression de la déductibilité partielle de la CSG à l’IR compensée par un dispositif de « filet fiscal » (afin de garantir que l’impôt n’augmente pas sensiblement d’une année sur l’autre). Ce n’est pas la réforme systémique que l’on attendait mais il faudra déjà un certain courage pour mettre en œuvre ces propositions. Chiche !