Le 9 juillet, je suis intervenu dans la discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014.
Ce texte a pour objectif d'arrêter les montants définitifs de recettes et dépenses de l'État en 2014 et d'apprécier le respect des mesures et orientations adoptées en loi de finances. Il vise également à rendre compte de l'efficacité des efforts qui ont été demandés aux Français.
L’an dernier, le redressement des comptes publics s’est poursuivi, et cela en dépit d’une croissance molle (+0,2%) et d’un très faible niveau d’inflation (+0,5%). Alors qu’il était attendu à 4,4% du PIB, le déficit public nominal a finalement représenté 4,0% du PIB. Par rapport à 2013, il a reculé de 0,1 point. Il est en constante diminution depuis 2011, où il avait atteint 5,1% du PIB. En 2014, le déficit budgétaire de l’État – hors deuxième programme d'investissements d'avenir – a diminué de 1,3 milliard d’euros par rapport à 2013 (73,6 milliards d’euros contre 74,9 milliards d’euros). L’exercice 2014 a également été marqué par une baisse du déficit des administrations de sécurité sociale et une amélioration du solde budgétaire des administrations publiques locales. Pour ce qui concerne la dette, elle a certes continué à augmenter, mais à un rythme un peu inférieur à celui enregistré entre 2010 et 2013.
En 2014, le déficit structurel (déficit qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel) a atteint son plus bas niveau depuis la fin des années 1990. En dépit d’un contexte économique difficile, il a été ramené à 2,1% du PIB, contre 2,6% en 2013. L’effort structurel a donc été de 0,5 point l’an dernier, ce qui a représenté pas moins de 12 milliards d’euros. C’est la preuve que les efforts ont été réels.
Ces bons résultats sont le fruit d’une politique de sérieux budgétaire.
Le Gouvernement a piloté les dépenses avec beaucoup d'efficacité. L’exploit est triple.
Premièrement, les dépenses nettes de l’État ont été inférieures au niveau prévu par la loi de finances initiale pour 2014, et cela grâce notamment à l’annulation – parfois douloureuse – de crédits des missions budgétaires ainsi qu’à la baisse des taux d’intérêt, qui a permis une réduction de la charge de la dette (-3,4 milliards d’euros).
Deuxièmement, les dépenses nettes de l’État, hors dépenses exceptionnelles (décaissement des deux programmes d'investissements d'avenir), ont été inférieures de 1,9 milliard d’euros par rapport à l’exécution 2013.
Troisièmement, la maîtrise des dépenses n’a eu aucun impact sur le financement des priorités gouvernementales, à savoir l’éducation, l’emploi, la sécurité et la justice. La baisse globale des effectifs de l’État et de ses opérateurs, constatée en 2014, a été compatible avec la création de postes supplémentaires dans les ministères prioritaires.
Par ailleurs, l’exercice 2014 a connu deux évènements exceptionnels en dépenses. Outre le versement de la dernière tranche de la dotation en capital au Mécanisme européen de stabilité (3,3 milliards d’euros), le Gouvernement a procédé au lancement du deuxième programme d’investissements d’avenir (PIA 2), d’un montant de 12 milliards d’euros.
Pour ce qui concerne le volet recettes, l’année 2014 a vu la mise en œuvre de mesures exceptionnelles. Pour la première fois depuis 2010, des baisses d’impôts significatives ont été engagées. Elles ont certes entraîné un manque à gagner pour l’État. Cependant, elles étaient nécessaires tant du point de vue économique qu’au regard de l’impératif de justice fiscale. La mise en place du crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi (10,2 milliards d’euros) n’est sans doute pas totalement étrangère au rebond de l’investissement des entreprises constaté en 2014 (+2% en 2014 après +0,5% en 2013). Quant à la réduction exceptionnelle de l’impôt dû au titre des revenus de 2013 (1,3 milliard d’euros), adoptée dans le cadre de la première loi de finances rectificative de 2014, elle a permis de réduire la pression fiscale pesant sur nos concitoyens les plus modestes, ceux dont le revenu fiscal de référence est proche du SMIC. De plus, cette mesure a très vraisemblablement contribué à soutenir la consommation des ménages, qui a progressé sensiblement en 2014 (+0,6% après +0,4% en 2013).
Il importe aussi de souligner le fait que les prélèvements obligatoires se sont stabilisés en 2014 (44,9% du PIB contre 44,7% en 2013). C’est la première fois depuis 2009.
Par ailleurs, les résultats en matière de lutte contre la fraude sont impressionnants. En 2014, les contrôles fiscaux ont permis de sortir de l’ombre plus de 15,3 milliards d’euros d’avoirs et d’appliquer près de 4 milliards d’euros de pénalités aux fraudeurs. C’est 1,3 milliard d’euros de plus qu’en 2013. Ces excellents résultats prouvent la très grande efficacité du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR). Les efforts déployés par cette cellule de régularisation ont notamment permis d’augmenter considérablement le rendement de l’ISF, qui a atteint un record en 2014 (5,2 milliards d’euros). La plupart des revenus régularisés font désormais partie de l’assiette taxable au titre de l’ISF, ce qui laisse augurer de nouveaux gains record.
Le budget 2014 a été exécuté dans le respect des engagements pris par le Président de la République. Le « redressement dans la justice » des finances publiques est en marche et se poursuivra en 2015, conformément aux orientations budgétaires votées par le Parlement.
Au regard de ce constat très encourageant, j'ai voté pour le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014. Sans surprise, la majorité de droite du Sénat l'a rejeté de façon pavlovienne.
Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention et de la réponse du secrétaire d'État chargé du budget.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014.
Je rappelle le sens de l’exercice : il s’agit de constater que le budget a été exécuté convenablement, c'est-à-dire selon les règles.
M. Francis Delattre. C’est un peu plus que cela, tout de même !
M. Richard Yung. Ces comptes ont été validés par la Cour des comptes,...
M. Francis Delattre. Avec quelques observations !
M. Didier Guillaume. Mais ils sont validés !
M. Richard Yung. ... laquelle n’est pas d’une tendresse particulière.
M. Philippe Dallier. On peut le dire ! (Sourires.)
M. Richard Yung. En écoutant le rapporteur général, on avait l’impression que ces comptes avaient été préparés à Bercy, nuitamment…
M. Philippe Dallier. Non !
M. Richard Yung. … à la lumière d’une bougie, par une équipe de malfaiteurs ou de faussaires ! (M. François Marc approuve. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. C’est bien excessif !
M. Richard Yung. J’aurais été à la place du secrétaire d’État, je n’aurais pas hésité à vous rassurer tout à fait : ce n’est pas ainsi que cela se passe !
M. Roger Karoutchi. Donc, ce projet de loi n’a pas été élaboré la nuit ! (Sourires.)
M. Richard Yung. On travaille souvent la nuit !
M. Roger Karoutchi. À la bougie ? (Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung. J’ajoute, pour que votre information soit complète et que vous vous réjouissiez avec nous, chers collègues, que la Commission européenne a souligné que la France avait « pris des actions qui sont suivies d’effets positifs en 2013 et 2014 ». (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’an dernier, le redressement des comptes publics s’est poursuivi, et ce en dépit d’une croissance proche de zéro et d’un très faible niveau d’inflation. Le déficit public nominal, initialement prévu à 4,4 % du PIB, a finalement représenté 4 %.
M. Didier Guillaume. Il est important de le redire !
M. Richard Yung. En 2014, le déficit budgétaire de l’État – hors PIA 2 – a diminué…
M. Philippe Dallier. Non, il a augmenté !
M. Richard Yung. … de 1,3 milliard d’euros par rapport à 2013, soit 73,6 milliards d’euros, contre 74,9 milliards d’euros.
M. Philippe Dallier. Mais non !
M. Richard Yung. On note donc une baisse du déficit, même si celle-ci reste modeste. C’est une tendance importante et lourde qui apparaît pour la première fois et dont nous aurons l’occasion de reparler.
M. Philippe Dallier. Ne vous inquiétez pas, nous en reparlerons !
M. Richard Yung. Je regrette que la Cour des comptes n’ait pas davantage souligné les efforts accomplis en matière de réduction du déficit structurel. Vous demandiez un historique depuis 1990, monsieur Dallier, le voici : le déficit structurel a atteint, en 2014, son plus bas niveau depuis la fin des années quatre-vingt-dix et a été ramené à 2,1 % du PIB, contre 2,6 % en 2013.
Ces bons résultats sont le fruit d’une politique de sérieux budgétaire.
Les dépenses nettes de l’État ont été inférieures au montant prévu par la loi de finances initiale pour 2014, notamment grâce à l’annulation – souvent assez douloureuse – de nombreux crédits des missions budgétaires…
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oui !
M. Richard Yung. … ainsi qu’à la baisse des taux d’intérêt. Réjouissons-nous que les étoiles soient bien alignées pour notre pays !
M. Philippe Dallier. Inquiétons-nous, au contraire !
M. Richard Yung. Ceux qui aiment la France se réjouissent de cette configuration. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Par ailleurs, je note que l’exercice 2014 a connu deux événements exceptionnels en dépenses. Outre le versement de la dernière tranche de la dotation en capital au Mécanisme européen de stabilité – 3,3 milliards d’euros, ce n’est pas rien –, le Gouvernement a procédé au lancement du deuxième programme d’investissements d’avenir, qui a donné lieu à une controverse avec la Cour des comptes sur les modalités de comptabilisation.
La Cour des comptes considère en effet que les dépenses liées aux investissements d’avenir, soit 12 milliards d’euros, doivent être comptabilisées comme des dépenses ordinaires, alors qu’il s’agit d’une garantie donnée par l’État sur un emprunt, et que les décaissements correspondant à ces investissements sont réalisés par les opérateurs gestionnaires. Il faudra clarifier cette situation à l’avenir.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Richard Yung. Pour toutes ces raisons (Exclamations moqueuses sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Didier Guillaume. Et pour beaucoup d’autres, mais le temps est compté !
M. Richard Yung. … et pour d’autres que je garde en réserve pour l’an prochain (Sourires.), le groupe socialiste et républicain votera le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
[...]
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai ouvert ce débat en parlant pendant quinze minutes, je vous ai écoutés pendant deux heures : je peux donc prendre un peu de temps pour vous répondre. (Sourires.)
Je voudrais remercier les uns et les autres pour la courtoisie, le sérieux et la qualité de leurs interventions, qui n’empêchent pas les divergences d’opinions.
Je suis frappé par l’angoisse et l’inquiétude que j’ai pu ressentir dans les propos des membres de l’actuelle opposition nationale, qui, au vu d’un certain nombre de chiffres, semblent craindre pour l’avenir. Qu’en était-il il y a cinq ans ? Vous deviez être glacés d’effroi ! Vous deviez être terrorisés !
Je vais vous rappeler quelques chiffres.
Le déficit public est de 4 % en 2014. Et vous de dire que ce déficit est énorme, qu’il a explosé ! En 2010, il était de 6,8 %, en 2009, de 7,2 %. Cela ne vous faisait pas peur, alors !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’était le cas dans tous les pays !
M. Didier Guillaume. Nos collègues sont donc rassurés aujourd’hui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La dépense publique augmente actuellement de 0,9 % par an, et vous dites que nous allons à la dérive. Entre 2002 et 2012 – cela vous parle, 2012 - elle augmentait de plus de 3 % par an, soit, sur dix ans, trois fois plus qu’aujourd’hui !
M. Philippe Dallier. Vous disiez que nos plans de relance étaient insuffisants !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Alors, tout était normal, et vous n’aviez ni crainte ni souci… Je veux bien reconnaître que parfois nous essayons de présenter les choses sous un jour un peu plus attrayant, je le confesse.
M. Philippe Dallier. Vous pouvez !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cependant, lorsque vous dites que les chiffres actuels sont catastrophiques, que nous sommes au bord du gouffre et que nous allons bientôt être comparés à la Grèce,…
M. Philippe Dallier. Pour la dette, oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … je trouve, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, que vous y allez un peu fort !
La dette s’élevait à 1 869 milliards en 2012.
M. Francis Delattre. C’est vous qui étiez aux commandes ! Parlez de 2011 !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous préférez 2011 ? La dette se montait à 1754 milliards, et nous n’y étions pour rien ! Depuis, la dette a augmenté d’environ 15 %. Mais, aujourd’hui, ce serait-ce insurmontable, nous serions « anesthésiés », alors qu’à l’époque tout était tranquille et la situation, sans danger ?...
M. Roger Karoutchi. Nous n’avons jamais dit cela !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si, précisément, c’est ce que vous dites, sinon vous, monsieur Karoutchi, du moins vos collègues de travées !
Depuis deux heures, j’entends dire que la situation est catastrophique et que les dangers sont éminents, sans considération pour des chiffres souvent pires ou à tout le moins comparables, qui étaient le résultat de vos politiques, même si je reconnais l’existence de la crise.
M. Francis Delattre. La situation a évolué !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Et, aujourd’hui, tout serait dû à la conjonction des astres, nous n’y serions pour rien. Je vous ferai cependant gentiment observer que, si les taux d’intérêt pour notre pays sont relativement favorables, cela n’est pas complètement dû au hasard. C’est peut-être parce que la signature de la France inspire un peu de confiance. Si l’euro a baissé, c’est peut-être parce que c’était une demande pressante de la France, par rapport à nos partenaires de l’Union européenne et de la zone euro.
Nous ne sommes donc pas responsables à 100 % de cette baisse, cependant reconnaissons que, depuis quelques années, la France, le Président de la République, voire quelques membres de ce gouvernement, ont très souvent plaidé pour un mouvement favorable à cette baisse. Si M. Draghi s’est attelé à la tâche, ce n’est pas simplement du fait de sa seule décision personnelle, prise en se rasant un matin. Il y a été encouragé…
Voilà pour le préambule général. Je vais désormais rentrer dans le détail.
J’ai entendu certains propos qu’il convient de corriger. Monsieur le rapporteur général, vous évoquez la position de la Commission européenne et les critiques qu’elle aurait formulées, voilà quelques mois, sur notre programme de stabilité, ainsi que les réserves émises sur notre programme d’économies. Vous avez cependant oublié le dernier épisode. M. Requier l’a rappelé : alors que, depuis six mois, je lisais dans la presse que la France serait menacée de sanctions et que la Commission allait s’en mêler, que nous serions sous tutelle et que la troïka allait intervenir. Mais, le 1er juillet, je n’ai vu aucun titre aussi gros pour saluer le jour où la Commission a validé notre programme de stabilité et le rapport que nous lui avions transmis le 10 juin. Les Échos n’y consacraient qu’un huitième de page, et encore pour dire : « Ric-rac, mais ça passe. »
Et je n’ai entendu personne, aujourd’hui, se féliciter du fait que la Commission accorde sa confiance à la trajectoire budgétaire de notre pays. Il n’y aurait donc guère que les sénateurs et les sénatrices de l’opposition nationale pour ne pas faire confiance à cette trajectoire budgétaire proposée par le Gouvernement… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Concernant les résultats de 2014, monsieur le rapporteur général, vous nous dites qu’ils n’ont pu être atteints qu’au prix de reports de charges massifs.
M. Francis Delattre. C’est la Cour des comptes qui le dit !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Que sont des reports de charges ? Les reports de crédits, certes relativement importants, s’élèvent à 3,3 milliards d’euros en 2014, au lieu de 1,5 milliard d’euros en 2013, mais cela ne veut pas dire que les factures ne sont pas payées. Il s’agit de reports de crédits pour les ministères, et non de factures en attente.
M. Francis Delattre. Mais si !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non, monsieur le sénateur ! Mais, rassurez-vous, je reviendrai sur les chiffres qui vous ont été communiqués !
Les factures impayées d’une année sur l’autre, ce que vous appelez, à juste titre, les dettes de fonctionnement, s’élevaient en 2012 à 6,7 milliards d’euros, également à 6,7 milliards d’euros en 2013 et à 8,7 milliards en 2014. Elles ont donc augmenté de 2 milliards d’euros, et ce pour trois raisons.
Les apurements communautaires sont la première cause. Je vous rappellerai qui en est responsable, et pourquoi nous devons les payer pour des aides agricoles accordées au titre des politiques conduites par la majorité précédente. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Delattre. Il s’agit des radars !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Comment ? Les radars ? Cela n’a rien à voir ! Les apurements communautaires dont il s’agit tiennent à des évaluations de surface agricole qui n’ont pas été réalisées correctement, à des aides attribuées à des agriculteurs que l’Europe aujourd’hui nous réclame. Si nous le voulions, nous pourrions les réclamer aux agriculteurs, ce que personne ici n’ose imaginer : nous payons à leur place, et le montant s’élève à un milliard d’euros, monsieur le sénateur ! Un milliard dû à la gestion désastreuse d’un programme communautaire !
M. Francis Delattre. C’est la faute du Gouvernement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La faute du Gouvernement ? Ce que vous dites est scandaleux, mais nous en reparlerons ! Ce gouvernement assume un milliard d’euros sur ses crédits agricoles, à cause d’une mauvaise gestion passée des aides communautaires. Tout le monde le sait ! Tous les spécialistes le savent ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je ne souhaite pas développer cette question plus avant, mais, si vous m’y poussez, je le ferai.
M. Francis Delattre. Faites donc !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Par ailleurs, le Gouvernement assume sur ses budgets d’autres opérations d’apurement ou des contentieux communautaires, entre autres concernant les OPCVM. Ces opérations se comptent en milliards d’euros, que notre gouvernement assume sur ses budgets ! Ce sont les « cadavres » laissés par la majorité précédente. J’en donnerai le détail, monsieur le sénateur ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. S’il vous plaît, ne vous adressez pas ainsi aux parlementaires !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Les conséquences d’Ecomouv’ constituent la deuxième cause des reports de charges. Le paiement a été effectué, mais nous l’avons décalé d’une année. Tout cela est parfaitement clair. Il n’y a donc pas eu de reports de charges, tout juste 300 millions d’euros que je vous accorde sur les 6 à 7 milliards d’euros habituels.
J’évoquerai le fameux débat que nous avons avec la Cour des comptes. Vous soutenez la position de la Cour, vous en avez le droit. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Delattre. Merci bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je vous en prie… Vous m’avez parlé des radars, ce qui ne concerne en rien notre sujet. J’ai simplement mis les choses au point. Je n’ai pas été insultant, j’ai simplement souhaité préciser, ici, au Sénat, la position du Gouvernement, sur un problème dont manifestement vous ignorez les causes, et dont nous subissons les conséquences.
M. Francis Delattre. Nous sommes vraiment des ignares !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous avons une différence d’interprétation concernant la prise en compte du programme d’investissements d’avenir, le PIA, dans le calcul du déficit. Le Gouvernement, à l’instar de tous ceux qui l’ont précédé, a comptabilisé les dépenses exceptionnelles, dont relève ce programme, hors de la norme de dépenses de l’État. Si l’on exclut les dépenses liées au PIA, dont la Cour des comptes admet elle-même le caractère exceptionnel, il apparaît que le déficit budgétaire est passé de 75 milliards d’euros en 2013 à 73,6 milliards d’euros en 2014. Libre à vous d’appeler cela une augmentation ; pour ma part, je constate une diminution.
Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, selon vous, la baisse des dépenses serait uniquement due à la diminution du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui ! Cela représente bien 1,1 milliard d’euros !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certes, mais il n’empêche que 250 millions d’euros de taxes affectées, 360 millions d’euros d’économies réalisées par le ministère des finances – vous y avez vous-même fait référence –, 425 millions d’euros d’économies sur le secteur du logement et 50 millions d’euros d’économies obtenues au ministère de l’économie, cela fait aussi 1,1 milliard d’euros ! Il y a également d’autres baisses, ainsi que des dépenses supplémentaires, dont j’ai exposé les raisons et que nous assumons !
Monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, le déficit des comptes sociaux est moins élevé qu’auparavant, même s’il demeure important : en 2010, le déficit cumulé des quatre branches de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse était proche de 25 milliards d’euros ; il est moitié moindre en 2014. On peut estimer que c’est encore trop, mais on ne peut donc pas prétendre que les déficits des budgets sociaux explosent, puisqu’ils ont été réduits de moitié depuis 2010.
Cette performance est à mettre au crédit de l’ensemble des acteurs concernés, pas seulement à celui du Gouvernement. Je pense en particulier aux personnels hospitaliers, voire aux laboratoires pharmaceutiques, qui, même s’ils ont eu un peu de mal à y venir, ont parfois contribué eux aussi à la baisse des déficits.
Je partage dans une certaine mesure vos interrogations quant aux économies attendues au titre des régimes de retraite complémentaires ou de l’assurance chômage. Pour l’heure, les partenaires sociaux ne se sont pas encore mis d’accord sur de nouvelles modalités de gestion des régimes de retraite complémentaires ou, a fortiori, de l’UNEDIC, ce chantier ne devant être ouvert qu’une fois le premier achevé. Rendez-vous est pris entre les partenaires sociaux pour le mois d’octobre. Le cas échéant, si aucun accord n’est trouvé, le Gouvernement prendra ses responsabilités.
Monsieur Gattolin, j’ai un point de désaccord avec vous.
M. André Gattolin. Cela peut arriver !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À vos yeux, lorsque des crédits ne sont pas intégralement consommés, c’est que le budget a été mal géré. Faut-il, comme jadis à l’armée, faire tourner en rond les camions en fin d’année pour utiliser tous les crédits de carburant ? (Sourires.)
M. Francis Delattre. Aujourd'hui, cela ne risquerait plus d’arriver !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’armée dispose encore de crédits de fonctionnement assez importants, monsieur le sénateur, notamment pour l’essence.
M. André Gattolin. Il est curieux de répondre à un écologiste en évoquant l’armée ! (Nouveaux sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Gattolin, le principal reproche que vous adressez au projet de loi de règlement tient au fait que certains crédits n’aient pas été entièrement consommés. Pour ma part, je ne suis pas persuadé que ce soit un signe de mauvaise gestion. Le secrétaire d’État chargé du budget est plutôt content lorsqu’un ministère ne consomme pas la totalité de ses crédits !
Nombre d’entre vous se sont interrogés sur les risques liés à la dette, notamment sur les conséquences d’une éventuelle remontée des taux d’intérêt, en faisant référence à des propos du directeur de l’Agence France Trésor.
Nous avons fondé nos calculs sur l’hypothèse que le taux d’intérêt de l’obligation assimilable du Trésor à dix ans atteindrait 1,2 % en fin d’année. À cet instant, il est de 1,12 %. Or nous avons déjà réalisé une large majorité de nos émissions d’OAT pour l’année 2015 : c’est plutôt en début d’année que l’État a besoin de trésorerie, les impôts, nationaux comme locaux, étant perçus surtout en fin d’année. Je puis donc affirmer avec une quasi-certitude que les économies prévues sur la charge de la dette pour 2015 seront réalisées. Le taux pourra atteindre 2,1 % à la fin de 2016, 3 % en 2017 et 3,5 % en 2018 sans que cela nous fasse dévier de notre trajectoire budgétaire. Certes, des mouvements brutaux peuvent toujours venir invalider ces hypothèses, mais ils ne seraient pas forcément durables. Il est d’ailleurs un peu surprenant qu’il n’y en ait pas malgré les incertitudes liées à la Grèce.
M. Philippe Dallier. Pourvu que ça dure !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est un signe de la confiance qu’inspire la signature de la France. En tout état de cause, on peut convenir que le Gouvernement a prévu des marges de sécurité assez importantes dans les modèles qu’il a retenus.
Par ailleurs, monsieur Gattolin, vous savez que l’action en faveur de l’écologie ne se réduit pas aux seuls crédits du ministère de l’environnement. Il faut également prendre en compte des dispositifs comme le crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, le Fonds de transition énergétique, qui s’élève à 1,5 milliard d’euros, ou encore la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, dont le montant avoisine 5 milliards d’euros.
Mme Beaufils a fait un discours de politique générale, ce qui est tout à fait respectable. Je lui ferai simplement observer que tout le monde n’a pas forcément la même conception de l’austérité. Nous essayons de mener une politique équilibrée, en réduisant les dépenses publiques sans casser la croissance. Bien entendu, chacun est libre d’apprécier que la balance penche trop d’un côté ou de l’autre.
M. Requier et d’autres orateurs ont fait référence aux études de l’INSEE selon lesquelles la dette aurait augmenté de 51,6 milliards d’euros au premier semestre, pour s’établir à 97,2 % du PIB. Je maintiens que nous serons à 96,3 % en fin d’année. Encore une fois, les émissions d’OAT sont toujours plus importantes en début qu’en fin d’année. Le pic du premier semestre est un phénomène tout à fait habituel ; n’en surestimons pas l’importance.
Je remercie M. Requier d’avoir rappelé que notre programme de stabilité avait été bien accueilli par la Commission européenne.
M. Yung a eu raison d’insister sur le sens de notre débat. Certes, chacun est libre de voter comme il l’entend, mais un projet de loi de règlement, c’est un peu comme un compte administratif dans une collectivité territoriale : il s’agit de constater que les autorisations de dépenses ont été respectées, ce que la Cour des comptes a confirmé en certifiant les comptes de l’État. Il est curieux de s’opposer à un tel texte au motif que l’on a voté contre la loi de finances initiale.
MM. Delahaye et Dallier auraient souhaité que le Sénat consacre davantage de temps à l’examen du présent projet de loi de règlement. Le Gouvernement se tient à la disposition des parlementaires, mais il revient à la conférence des présidents du Sénat d’apprécier quelle doit être la durée du débat. Pour ma part, je suis tout disposé à passer deux heures de plus en votre compagnie.
Nous avons été accusés de sous-budgéter honteusement les OPEX. D’abord, je rappelle que tous les gouvernements l’ont fait.
M. Philippe Dallier. C’est vrai !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cela tient notamment à des raisons de sécurité : il s’agit de ne pas donner au reste du monde une indication sur le niveau d’engagement de nos armées que nous envisageons pour l’année à venir. D’ailleurs, le ministère de la défense lui-même ne souhaite pas que nous affichions des crédits budgétaires trop importants pour les OPEX.
En outre, beaucoup considèrent que le financement de ces opérations, qui relèvent d’une décision du Président de la République, ne doit pas être assumé par le seul ministère de la défense. Il fait donc l’objet d’une taxation interministérielle en fin d’année. À titre personnel, je n’approuve pas forcément ce type de pratique, mais tel est l’usage. À ce stade, je peux vous indiquer que la dépense au titre des OPEX sera à peu près comparable à ce qu’elle a été l’année dernière.
M. Dallier s’est montré très pessimiste ou, du moins, dubitatif sur nombre de sujets. C’est son droit. J’observe que le taux de marge des entreprises connaît un net redressement, notamment grâce aux mesures que nous avons prises, dont certaines sont d’ailleurs aujourd'hui complètement ignorées. Ainsi, les mesures de réduction de charges sociales qui s’appliquent depuis le 1er janvier représentent un coût de 4,5 milliards d’euros pour le budget de l’État, ce qui est loin d’être négligeable. Elles commencent à produire leurs effets au bénéfice des entreprises. Nous enregistrons des signes tout à fait encourageants, y compris en termes de niveau d’investissements des entreprises.
Nos prévisions de croissance sont-elles trop optimistes ? Un certain nombre de députés de votre propre famille politique réclament une loi de finances rectificative, estimant que notre prévision de 1 % de croissance, inférieure au consensus de la plupart des observateurs internationaux, est au contraire trop pessimiste.
Je n’ai pas compris tout ce qu’a dit M. Dassault. (Sourires.) J’imagine que nous trouverons le contenu de son intervention demain dans la presse… Quoi qu’il en soit, je ne peux pas accepter qu’il déclare, parlant notamment du niveau de la dette, que « tout le monde s’en fout ». Je puis vous assurer que tel n’est pas le cas du Gouvernement ! J’ai dit précisément tout à l’heure ce qui a été fait en termes de taux. Il est un peu trop facile de prétendre détenir seul la vérité et de considérer que tous les autres « s’en foutent » !
M. Marc a insisté sur la prudence des prévisions macroéconomiques du Gouvernement. Je l’en remercie, de même que de ses encouragements.
M. Vincent a, quant à lui, insisté sur la lourdeur de l’héritage. J’ai rapproché tout à l’heure les chiffres de 2010 et de 2011 de ceux de 2014. Il a en outre rappelé les nouvelles mesures prises, telles que la mise en place d’un dispositif de suramortissement pour les entreprises ou du service civique pour les jeunes, ainsi que la nécessité de corriger la politique des effectifs engagée sous la législature précédente : je pense notamment à ceux de la défense ou des forces de sécurité. Je dois tout de même rappeler dans quel état nous avons trouvé les effectifs de la police. Il faut du temps pour remédier à cette situation.
M. Daudigny a évoqué les comptes sociaux et souligné que leur redressement, que l’actuel rapporteur général de la commission des affaires sociales ne conteste pas, s’est opéré sans déremboursements ni diminutions de prestations, dans le souci permanent de préserver notre modèle social.
Monsieur Patient, vous nous invitez à réfléchir sur les aides au logement, notamment en outre-mer, en appelant notre attention sur le cas de la Société immobilière de la Guyane, la SIGUY. (M. Michel Bouvard s’exclame.) Pour m’être rendu en Guyane il y a peu, j’ai conscience du problème. Il convient de se féliciter de la transformation en crédits d’impôt d’un certain nombre d’aides, qui auparavant étaient apportées au travers de dispositifs de défiscalisation. Les difficultés actuelles de la SIGUY tiennent en partie au fait qu’un certain nombre d’opérations de défiscalisation ont été mal conduites.
M. Michel Bouvard. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je n’en dirai pas plus… La justice a d’ailleurs été saisie d’un certain nombre d’entre elles : je rappelle que l’article 40 du code pénal fait obligation à tout fonctionnaire de donner avis au procureur de la République des faits dont il acquiert la connaissance qui lui semblent contrevenir à la loi.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous essayons, conformément à votre souhait, de trouver des solutions pour les opérations immobilières qui étaient sur le point d’être engagées. C’est notre souci permanent. De nombreuses réunions interministérielles consacrées à ce dossier ont déjà eu lieu. La dernière s’est tenue il y a un ou deux jours. Michel Sapin et moi-même avons rédigé un document de trois pages sur ce sujet à l’intention du Premier ministre, pour lui donner une vision parfaite de la situation, effectivement très préoccupante. Le transfert d’agrément étant impossible d’un point de vue juridique, nous devrons trouver des solutions pour faire en sorte que certaines opérations qui devaient être conduites par la SIGUY et qui représentent une part importante de l’activité du secteur du BTP en Guyane puissent l’être par d’autres opérateurs plus fiables, pour dire les choses de façon pudique.
Enfin, Mme André a insisté sur la crédibilité et la cohérence de la politique du Gouvernement. Je ne peux que l’en remercier et la féliciter de sa bonne conduite des travaux de la commission des finances du Sénat, qui a eu à plusieurs reprises l’occasion, ces derniers temps, de se pencher sur les questions budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)