Le 18 février, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l’approbation de la nouvelle convention fiscale franco-singapourienne.
Signée le 15 janvier 2015, cette convention permet de renforcer la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale, notamment en mettant fin aux situations de non-imposition. Un revenu taxable ne pourra ainsi être exonéré d’imposition en France que si le bénéficiaire a effectivement été assujetti à l’impôt à Singapour. Conforme au modèle de l’OCDE, la nouvelle convention comprend également des aménagements fiscaux favorables aux acteurs économiques intervenant dans les relations entre les deux pays.
Pour en savoir plus, vous pouvez lire le rapport de la commission des finances du Sénat en cliquant ici.
Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention dans l’hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie Éric Bocquet d’avoir rappelé la situation géographique de Singapour. Cela m’a fait penser que c’était une spécialité de nos amis britanniques de créer des micro-États – Koweït, anciennement Hong Kong, Brunei – partout où il y avait soit des besoins stratégiques, soit du pétrole. (M. André Gattolin acquiesce.)
M. Michel Bouvard. Cela s’appelait des comptoirs !
M. Richard Yung. Singapour rentre évidemment dans cette catégorie. La cité-État a été occupée par les Japonais, mais reconquise brillamment et douloureusement par l’armée britannique.
L’accord qui nous est présenté aujourd’hui vise à remplacer la convention fiscale franco-singapourienne du 9 septembre 1974. L’idée est de moderniser les relations fiscales entre les deux pays, d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales. C’est d’autant plus important que la cité-État est devenue un grand carrefour économique en Asie du Sud-Est.
J’aborde l’examen de cette convention avec un sentiment un peu différent de celui qu’a exprimé Éric Bocquet. Pour ma part, je considère que nous avons plutôt des raisons de nous réjouir de voir Singapour consentir des efforts et s’ouvrir à un petit peu plus de transparence, incomplètement, il est vrai.
Le dynamisme commercial de ce pays est très important, qui possède le deuxième port du monde. Et comme vous le savez, un port génère énormément d’activité, soit des activités directement portuaires, soit la finance, car il faut assurer le financement des importations et des exportations.
La France veut renforcer ses liens économiques avec Singapour. Elle n’est en effet que le sixième investisseur européen et le dix-huitième investisseur étranger dans cet État, qui est la voie d’accès au marché des dix pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, l’ASEAN. Y sont implantées quelque 600 entreprises de toutes tailles, très grandes pour certaines, comme Dragages-Bouygues Construction, qui est la première entreprise de travaux publics, Alstom ou encore Thales – et toutes les grandes entreprises du CAC 40 –, mais aussi de très nombreuses petites entreprises, particulièrement actives dans le secteur des services aux entreprises et dans le secteur de la finance.
La convention permettra de renforcer la sécurité juridique des personnes morales et physiques en clarifiant les règles applicables aux opérations impliquant des résidents des deux États et de sécuriser davantage les recettes fiscales, comme l’a souligné M. le secrétaire d’État.
Nous espérons que cette adaptation des mesures relatives à la répartition des droits d’imposer se fera en notre faveur.
Les principaux éléments de cet accord ont déjà été évoqués. Il prévoit non seulement l’augmentation de six à douze mois de la durée minimale requise pour considérer qu’une activité de construction est constitutive d’un établissement stable, l’imposition des intérêts versés par une entreprise dans le seul État du bénéficiaire, mais aussi une diminution du taux maximal de la retenue à la source pour certains dividendes, en fonction du niveau de détention, de 10 % à 5 %.
De plus, il supprime le mécanisme de crédits d’impôt fictifs, qui permet, à ce jour encore, à un contribuable résident d’imputer sur son imposition en France un montant proportionnel à certains revenus exonérés à Singapour.
Cet accord intègre également, dans son article 28, un nouveau dispositif anti-abus dans un objectif de lutte contre l’optimisation fiscale. Après la Suisse, le chemin de l’optimisation fiscale – on en connaît des exemples célèbres –…
M. Michel Bouvard. Oh !
M. Richard Yung. … passait désormais par Singapour, sur recommandation de certains banquiers. Nous espérons que cela sera désormais moins souvent le cas, pour ne pas dire plus jamais.
Enfin, l’accord met en place un dispositif d’échanges de renseignements qui ne sera pas limité aux personnes ou aux impôts couverts par l’accord, conformément aux normes de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, dites normes « BEPS ».
Certes, cet accord présente certaines faiblesses, dont certaines ont été évoquées par M. le rapporteur. Ainsi, il ne porte pas sur les impôts sur la fortune, mais pour la bonne raison qu’il n’en existe pas à Singapour ! Cet État, comme l’Arabie saoudite, est, en la matière, un peu un pays de cocagne. Tous deux sont en tout cas le genre de pays que vous n’appréciez pas, monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes chargé de faire rentrer les impôts !
Cet accord est toutefois la preuve de la volonté de coopération de cette nation, qui mettra d’ailleurs en place un système d’échange automatique de renseignements. Nous y reviendrons plus en détail lorsque nous évoquerons la Suisse. C’est pourquoi, l’Assemblée nationale ayant voté ce texte à l’unanimité, j’appelle le groupe socialiste et républicain à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – M. le rapporteur et Mme Jacky Deromedi applaudissent également.)