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Richard Yung
Octobre 2021

Le 18 mai, à l'initiative du groupe socialiste et républicain, le Sénat a adopté à l'unanimité une proposition de résolution visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle.

Ce faisant, la Haute assemblée appelle le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire à prendre en considération les spécificités du modèle français de financement de l’habitat, qui repose très majoritairement sur des prêts à taux fixe à long terme qui, d'une part, sont octroyés après une analyse de la solvabilité et de la situation financière des emprunteurs et, d'autre part, sont garantis par une caution.

La crise financière de 2007-2009, qui trouve principalement son origine dans le secteur bancaire, a mis en lumière les faiblesses de la réglementation prudentielle applicable aux établissements de crédit. Au premier rang de ces faiblesses figure l’inadéquation des niveaux de fonds propres avec la réalité des risques encourus.

Afin de renforcer la résilience du système bancaire mondial, les États membres du G20 se sont engagés, en 2010, à mettre en œuvre les nouvelles règles prudentielles élaborées par le Comité de Bâle, qui réunit les banques centrales et les régulateurs bancaires de 27 pays ainsi que l'Union européenne.
Ces règles, dites de « Bâle III », visent essentiellement à renforcer la solvabilité des banques via un relèvement des exigences de fonds propres. Concrètement, les banques doivent désormais disposer d’un capital plus élevé et de meilleure qualité pour garantir leur activité et leur stabilité (ratio de fonds propres renforcé dit « CET1 », ratio de levier).
Ces normes ont été traduites en droit européen par le biais du paquet législatif dit « CRD IV » (2011). Ce dernier a ensuite été transposé en droit interne (2014) et complété par l’établissement d’un cadre européen de prévention et de gestion des crises bancaires (MSU et MRU).

Après avoir concentré ses efforts sur la définition du numérateur du ratio de solvabilité bancaire (fonds propres éligibles), le Comité de Bâle conduit, depuis 2014, des travaux relatifs aux modalités de calcul du dénominateur (actifs pondérés par les risques). Ils doivent aboutir d’ici à la fin de cette année pour une entrée en vigueur en 2018-2019. Concrètement, le Comité de Bâle souhaite rendre les risques pris par les établissements de crédit plus représentatifs des risques réels et plus comparables d’une banque à l’autre. Sont concernés les risques traditionnels (risque de marché, risque opérationnel, risque de crédit) ainsi que le risque de taux d’intérêt.
Il est à noter que, pour analyser les risques auxquels elles sont exposées, les banques ont le choix entre deux méthodes. Elles peuvent utiliser la méthode standard ou, sous réserve de l’approbation expresse du superviseur, avoir recours à leurs propres modèles. Cette dernière méthode est dite « avancée ».

Le Comité de Bâle procède actuellement à la révision de l’approche standard pour le risque de crédit. Il se penche notamment sur le risque associé au crédit immobilier. Afin d’évaluer ce risque, il propose que le ratio prêt/valeur devienne le principal facteur pris en considération. Plus connu sous son appellation anglaise (loan-to-value), ce ratio correspond au montant du prêt rapporté à la valeur du bien acquis. Il diffère du ratio prêt/revenus (loan-to-income), c’est-à-dire le volume du prêt rapporté aux revenus de l’emprunteur. Concrètement, les exigences de fonds propres augmenteraient lorsque le ratio LTV est supérieur à 80%. Dans le cas inverse, elles diminueraient.

Parallèlement à ses travaux relatifs au risque de crédit, le Comité de Bâle a engagé la révision du risque de taux d’intérêt. Alors que ce risque n’est aujourd’hui pris en considération que dans le cadre d’un dialogue entre chaque banque et son superviseur, un document publié en 2015 suggère d’en standardiser davantage le calcul.

Ces orientations ont été soumises à consultation. Elles suscitent l’inquiétude de l’industrie bancaire, des professionnels de l’immobilier et du secteur du bâtiment, qui craignent, à juste titre, que la mise en œuvre des futures recommandations du Comité de Bâle n’aboutisse à une remise en cause du système français de financement de l’habitat, auquel nos concitoyens sont très attachés.
Ils y sont très attachés car il repose très majoritairement sur des taux fixes. Cet élément constitue un gage de sécurité pour les emprunteurs. Or, il pourrait être remis en question par la standardisation du calcul du risque de taux d’intérêt, qui aurait pour effet de contraindre les banques à transférer ce risque vers les emprunteurs via des taux variables.
Un autre motif d’inquiétude concerne les politiques d’octroi des crédits à l’habitat. En France, ces politiques reposent d’abord sur l’analyse de la solvabilité des emprunteurs, et non sur la valeur des biens financés. Elles seraient menacées en cas d’application prioritaire du ratio prêt/valeur, dont on sait qu’il « pose problème en période de bulle spéculative, car il rend solvables des emprunteurs qui ne le sont pas ». Une telle évolution porterait alors fortement préjudice aux primo-accédants et à l’investissement locatif.
Enfin, les travaux du Comité de Bâle, centrés sur le mécanisme anglo-saxon de l’hypothèque, font craindre une remise en cause du cautionnement – mécanisme de garantie qui n’existe qu’en France et qui est sûr et peu coûteux.

Face aux incertitudes qu’ont fait naître les travaux du Comité de Bâle, il importe de défendre le système français de financement de l’habitat. C'est le sens de la résolution du Sénat.

Ce système doit impérativement être préservé car il est sain. J’en veux pour preuve les taux de sinistralité des crédits immobiliers, qui sont parmi les plus faibles des pays occidentaux. D’après l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), les encours douteux représentent une part du stock de crédits à l’habitat qui est « nettement plus basse que pour l’ensemble des crédits à la clientèle ». Par ailleurs, « le système bancaire français dans son ensemble dispose de fonds propres et de ressources assimilées, chez les banques prêteuses mais également chez les garants (fonds de garantie, provisions techniques, etc.) largement dimensionnés par rapport au coût du risque observé sur les crédits à l’habitat ».

Un autre argument en faveur de la préservation de ce système réside dans le fait qu’il a fait la preuve de sa solidité lors des crises financières récentes, contrairement au système anglo-saxon, qui a conduit à la crise dite des subprimes et aux faillites bancaires qui s’en sont suivies.

Le 28 mars dernier, lors de son audition devant la commission des finances du Sénat, le gouverneur de la Banque de France, François VILLEROY de GALHAU, s’est voulu rassurant. Selon lui, « il n'est pas question de passer du modèle français de financement du crédit immobilier à taux fixe à un système anglo-saxon de financement à taux variable ».
Il semble, en effet, que la menace pesant sur les taux fixes se soit quelque peu amoindrie. D’après un document publié le 21 avril dernier, le traitement du risque de taux d’intérêt ne devrait pas être totalement standardisé, les superviseurs conservant un pouvoir discrétionnaire. Cependant, d’après le secrétaire général de l’ACPR, « cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’impact ».
Pour ce qui concerne le risque de crédit, les choses sont plus compliquées. Selon M. VILLEROY de GALHAU, le ratio prêt/valeur ne s'appliquera que dans le cadre de l'approche standard. Or, « la très grande majorité des encours de crédit immobilier en France sont suivis selon l'approche dite avancée ». Il convient toutefois de rester prudent car certains pays souhaitent remettre en cause les modèles internes, auxquels les banques françaises ont recours. Cette offensive est conduite par les États-Unis, qui, contrairement aux États membres de l’UE, peuvent plus facilement faire valoir leur point de vue car ils parlent d’une seule voix au sein du Comité de Bâle. Il faudra aussi rester vigilant au moment de la traduction des recommandations du Comité de Bâle dans le droit européen.

Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention en séance publique.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, mes chers collègues, par cette proposition de résolution, nous nous adressons au Gouvernement, représenté par M. le secrétaire d'État. Mais, nous en avons bien conscience, ce n'est pas le Gouvernement qui siège à Bâle.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C'est la banque !

M. Pierre-Yves Collombat. Le vrai pouvoir !

M. Richard Yung. Au sein de ce comité, qui rassemble les banques centrales, notre pays est représenté par la Banque de France et par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l'ACPR.
Cela étant, nos débats vont dépasser les limites de cet hémicycle et leur écho atteindra le Palais-Royal, d'où il sera relayé vers d'autres cercles.
Notre but, c'est d'aider les négociateurs français. La préparation des accords de Bâle III n'est pas achevée. Elle devrait être conclue pour la fin de l'année.
Or, sur le dossier qui nous occupe ici, à savoir celui de l'immobilier, la France a du mal à trouver des alliés.
Le modèle français a été longuement décrit : je ne reprendrai donc pas cette présentation. Je souligne simplement que ce dispositif fait l'objet d'une offensive forte menée par divers pays, notamment par les États-Unis. À cet égard, nous devons l'énoncer clairement : l'opinion française n'est pas prête à voir bouleverser un système dont les qualités ont été rappelées.
Au demeurant, c'est là un des problèmes généraux des négociations menées par la Banque des règlements internationaux, la BRI, et au sein du comité de Bâle. Les États-Unis sont très organisés et défendent des positions fortes. A contrario, l'Europe se présente en ordre dispersé. Ses différents pays se rendent à Bâle de manière isolée. L'Union européenne fait peu entendre sa voix, alors qu'elle pourrait et devrait jouer un rôle de catalyseur. En conséquence, les positions anglo-saxonnes – et ce n'est pas là un propos dirigé contre les Anglo-saxons – occupent une place prédominante.
En outre, cette discussion relative au financement de l'immobilier implique d'autres débats qui poseront sans doute problème, notamment pour la France.
Je pense, entre autres sujets, à la question des ratios.
En la matière, les États-Unis souhaitent remanier de fond en comble différents dispositifs en vigueur, notamment le système des ratios de fonds propres. Ils estiment que les mesures existant en Europe ne sont pas suffisantes. Ils font valoir que les banques américaines se sont vu imposer des ratios plus élevés. Encore faut-il préciser qu'aux États-Unis, ces normes sont limitées aux sept ou huit plus grandes banques, dites « banques systémiques ». Tout le reste du système bancaire y échappe. À l'inverse, l'Europe a adopté le modèle de la banque universelle. Nous avons donc intérêt à défendre nos positions de manière vigoureuse.
J'ajoute que les États-Unis, vertueux, comme chacun sait, appliquent les règles prudentielles de Bâle quand celles-ci les arrangent, et qu'ils ne les appliquent pas quand elles ne les arrangent pas.

M. Francis Delattre. Exact !

M. François Marc. Bref, elles les appliquent prudemment… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Richard Yung. Cependant, personne ne leur fait la moindre réflexion. D'ailleurs, aucune autorité n'est en mesure de leur dire quoi que ce soit à cet égard. On ne peut aller jusqu'à affirmer que ces questions sont traitées de manière informelle. Mais, comme un intervenant l'a rappelé, elles relèvent dans certains cas du G20, dans d'autres du comité de Bâle. Nous sommes donc face à des méthodes de gouvernance assez floues, voire peu transparentes.

M. Jacques Chiron. Oui !

M. Richard Yung. Aussi, il est tout à fait normal que nous fassions valoir nos arguments, pour des raisons que beaucoup d'orateurs ont déjà mentionnées. Je songe notamment à l'accès au logement social, dont Marie-Noëlle Lienemann va parler dans quelques instants et qui représente un aspect essentiel de la politique menée par la France. Nous devons tenir bon et tenir ferme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Francis Delattre applaudit également.)