Le 22 février, j’ai participé, dans le cadre de la commission des finances du Sénat, à l’audition de William COEN, secrétaire général du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, et Édouard FERNANDEZ-BOLLO, secrétaire général de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Créé en 1974 suite à la faillite de la banque allemande Herstatt, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire est chargé de renforcer la solidité du système financier mondial, l’efficacité du contrôle prudentiel ainsi que la coopération entre régulateurs bancaires. Actuellement présidé par le gouverneur de la Banque de Suède, il rassemble les superviseurs de vingt-sept pays, dont la France. Son instance de gouvernance est le Groupe des gouverneurs de banque centrale et des responsables du contrôle bancaire (GHOS). Quant à son secrétariat, il est assuré par la Banque des règlements internationaux (BRI). Les documents publiés par le Comité n’ont pas de caractère contraignant.
La crise financière de 2007-2009, qui trouve principalement son origine dans le secteur bancaire, a mis en lumière les faiblesses de la réglementation prudentielle applicable aux établissements de crédit. Au premier rang de ces faiblesses figure l’inadéquation des niveaux de fonds propres avec la réalité des risques encourus.
Afin de renforcer la résilience du système bancaire mondial, les États membres du G20 se sont engagés, en 2010, à mettre en œuvre les nouvelles règles prudentielles élaborées par le Comité de Bâle.
Ces règles, dites de « Bâle III », visent essentiellement à renforcer la solvabilité des banques via un relèvement des exigences de fonds propres. Concrètement, les banques doivent désormais disposer d’un capital plus élevé et de meilleure qualité pour garantir leur activité et leur stabilité (ratio de fonds propres renforcé dit « CET1 », ratio de levier).
Ces normes ont été traduites en droit européen par le biais du paquet législatif dit « CRD IV » (2011). Ce dernier a ensuite été transposé en droit interne (2014) et complété par l’établissement d’un cadre européen de prévention et de gestion des crises bancaires (MSU et MRU).
Après avoir concentré ses efforts sur la définition du numérateur du ratio de solvabilité bancaire (fonds propres éligibles), le Comité de Bâle conduit, depuis 2014, des travaux relatifs aux modalités de calcul du dénominateur (actifs pondérés par les risques). L’objectif est de rendre les risques pris par les établissements de crédit plus représentatifs des risques réels et plus comparables d’une banque à l’autre. Sont concernés les risques traditionnels (risque de marché, risque opérationnel, risque de crédit) ainsi que le risque de taux d’intérêt.
Pour évaluer les risques auxquels elles sont exposées, les banques ont le choix entre deux méthodes, à savoir la méthode dite « standard » (utilisation de modèles fournis par les régulateurs) et la méthode dite « avancée » (recours à des modèles internes validés par les superviseurs). Cette dernière permet une analyse plus fine des risques. Elle est largement utilisée par les établissements de crédit européens alors que la méthode dite « standard » a la préférence des établissements américains.
La question de l’avenir de la méthode dite « avancée » occupe une place centrale dans les négociations, les superviseurs américains prônant son alignement sur la méthode dite « standard ».
Faute d’accord entre les superviseurs, la réunion du GHOS qui devait valider les nouvelles règles de solvabilité, initialement prévue en janvier, a été reportée sine die. Les négociations achoppent, d’une part, sur le traitement prudentiel des financements spécialisés (infrastructures, avions, etc.) et, d’autre part, sur le niveau plancher de fonds propres en dessous duquel une banque ne pourrait pas descendre, quelle que soit la méthode d’évaluation des risques utilisée (« output floor »).
L’audition du 22 février a été l’occasion, pour le Sénat, d’exprimer ses inquiétudes, comme il l’avait déjà fait, l’année dernière, dans une résolution visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle.
Vous trouverez, ci-dessous, la vidéo de l’audition ainsi que le compte rendu de mon intervention.
M. Richard Yung. - Je remercie William Coen d’être venu nous expliquer toutes les difficultés et toutes les subtilités des négociations que mène le Comité de Bâle.
L’ensemble de la réglementation de Bâle - Bâle I, Bâle II, Bâle III - représente globalement un progrès puisqu’elle encourage l’harmonisation et la stabilité. Tout le monde cherche un accord, mais encore faut-il que celui-ci respecte les conditions particulières en vigueur dans de grands pays, par exemple la France, dont le système bancaire est plutôt bien portant.
J’ai cru comprendre que l’accord sur le crédit immobilier, d’une part, et sur ce qu’on appelle les risques majeurs - les avions, les bateaux, etc. -, d’autre part, faisait partie d’un package, avec un accord sur la fixation du plancher. Or on ne peut pas dire que ces deux accords, très importants pour la France, soient proches d’être conclus.
Le débat autour du plancher soulève la question des modèles. Nous comprenons que les États-Unis poussent beaucoup pour faire passer le modèle standard, alors que les banques françaises ont développé des modèles spécifiques qui donnent satisfaction, me semble-t-il. Si ces modèles n’étaient pas convenables, Édouard Fernandez-Bollo, qui est chargé de contrôler les banques, le dirait ! Faut-il donc changer ces modèles et faut-il donc vraiment un plancher ? Certains proposent de fixer ce plancher à 70 % de fonds propres, niveau extrêmement élevé, et certainement inacceptable pour le système bancaire français et probablement pour les systèmes bancaires d’autres pays. Faut-il fixer ce seuil à 40 % ? À 50 % ? À 70 % ? À 80 % ?
Nous avons des craintes quant à la politique de dérégulation américaine. À quoi rimeraient dix années de travail si demain étaient dénoncés la séparation des activités bancaires, les ratios, etc. À la fois les Français et les Européens ont tendance à penser qu’il ne faut pas trop se presser et à ne pas surtransposer ces règles avant de savoir si elles seront communément respectées. Sinon, nous serons les dindons de la farce.