Le 19 juillet, j’ai participé, dans le cadre de la commission des finances du Sénat, à l’audition de Robert OPHÈLE, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Diplômé de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC), M. OPHÈLE est actuellement second sous-gouverneur de la Banque de France. À ce titre, il est membre du collège de l’AMF, membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et, depuis janvier 2014, membre du Conseil de surveillance prudentielle du Mécanisme de supervision unique (Banque centrale européenne).
Créée en 2003, l’AMF est une autorité publique indépendante qui est chargée, d’une part, de réguler les acteurs et produits de la place financière française (marchés financiers, sociétés cotées, intermédiaires financiers, produits d’épargne collective investie dans des instruments financiers, etc.) et, d’autre part, de veiller à la bonne information des investisseurs. Concrètement, l’AMF édicte des règles, vise les documents d’information sur les opérations financières, mène des enquêtes et des contrôles, dispose d’un pouvoir de sanction, informe les épargnants et propose un dispositif de médiation, etc.
L’AMF comprend un collège, qui est le principal organe de décision, ainsi qu’une commission des sanctions, qui peut prononcer des sanctions disciplinaires et pécuniaires. Elle emploie environ 480 collaborateurs et perçoit le produit des droits et contributions versés par les acteurs soumis à son contrôle.
Partant du constat que l’environnement dans lequel évolue aujourd’hui l’AMF est « en profonde mutation » (évolution des modalités de financement de l’économie française; émergence d’un marché européen unique des financements), M. OPHÈLE souhaite « adapter la manière dont l’AMF exerce ses missions ». Il appelle de ses voeux une remise à plat, sous l’égide de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), de la coopération entre les régulateurs (plus de 50% des transactions déclarées et analysées par l’AMF sont issues de déclarations de régulateurs étrangers). Dans la perspective du Brexit, « l’AMF a vocation à devenir une référence européenne, si ce n’est la référence, des superviseurs de marché et à être moteur dans l’émergence d’un système européen de supervision associé au marché unique des capitaux ». Par ailleurs, l’AMF doit « soutenir l’industrie financière française et la place de Paris pour qu’elles se développent et, de ce fait, facilitent le financement de l’économie française au coût le plus bas possible ». Enfin, l’AMF doit « aider les investisseurs, singulièrement les investisseurs non professionnels, à comprendre les risques qu’ils prennent et, en cas de problème, [...] leur proposer un service de médiation ».
J’ai demandé à M. OPHÈLE si l’AMF est suffisamment outillée pour mener à bien ses missions (personnel, etc.). L’autorité apparaît, en effet, sous-dimensionnée lorsqu’on la compare aux autres régulateurs européens. Selon M. OPHÈLE, la régulation du système financier fait intervenir 4.500 personnes au Royaume-Uni, 3.000 personnes en Allemagne et seulement 1.500 personnes en France (AMF et ACPR).
Depuis 2014, les ressources financières de l’AMF (droits et contributions versés par les acteurs soumis à son contrôle) sont plafonnées (95 millions d’euros en 2014; 74 millions d’euros en 2015; 94 millions d’euros en 2016; 94 millions d’euros en 2017). La part excédant le montant du plafond est reversée au budget général de l’État (25,7 millions d’euros en 2015; 10,7 millions d’euros en 2016). L’AMF joue ainsi un rôle qui n’est pas le sien, celui de collecteur d’impôts. Selon l’actuel président de l’AMF, Gérard RAMEIX, cette situation « n’est plus tenable dans le futur », les dépenses de l’autorité étant supérieures au montant du plafond de recettes. J’ai demandé à M. OPHÈLE comment il entend aborder cette question délicate. Cette dernière s’apparente, selon M. OPHÈLE, à la « face Nord du Mont-Blanc ». Faute d’un relèvement du plafond de recettes en 2018, l’AMF « devra réduire [ses] effectifs, alors que tous les régulateurs européens les augmentent de façon très significative ».
Je considère que la mise en place de l’Union des marchés de capitaux (UMC) est excessivement lente et ne répond qu’imparfaitement à la nécessité de faciliter la circulation des capitaux entre les pays disposant d’épargne et ceux ayant des besoins de financement. Aussi, j’ai demandé à M. OPHÈLE quelle pourrait être la contribution de l’AMF dans ce domaine. Je lui ai également demandé s’il faut aller vers un superviseur européen unique des marchés financiers, sur le modèle de celui qui a été créé dans le cadre de l’Union bancaire (Mécanisme de supervision unique).
Selon M. OPHÈLE, pour réussir l’UMC, « il faut traiter trois sujets », à savoir le droit de la faillite, les normes comptables et la création de produits paneuropéens de long terme. Sur ce dernier point, M. OPHÈLE considère que le produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle, dont la Commission a récemment proposé la création, « n’est pas satisfaisant, mais il constitue une base à améliorer ».
S’agissant de la supervision unique des marchés financiers, M. OPHÈLE estime qu’elle « ne se décrète pas » et qu’« on en est très loin » (« Il y a un marché unique et, un jour ou l’autre, on n’aura plus vingt-neuf superviseurs mais un seul »).
À l’issue de l’audition de M. OPHÈLE, la commission des finances a émis un avis favorable à sa nomination (18 voix pour et 3 bulletins blancs). La commission des finances de l’Assemblée nationale ayant fait de même, M. OPHÈLE va pouvoir succéder à M. RAMEIX, qui quittera ses fonctions le 31 juillet. Son mandat courra jusqu’en 2022 et ne sera pas renouvelable.
Vous trouverez, ci-dessous, la vidéo de l’audition.