Le 20 juillet, j’ai participé, en séance publique, au débat d’orientation des finances publiques et à la discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016.
Le projet de loi de règlement a pour objectif d’arrêter les montants définitifs de recettes et dépenses de l’État en 2016 et d’apprécier le respect des mesures et orientations adoptées en loi de finances.
L’exercice budgétaire 2016 a été marqué par une nouvelle diminution du déficit public nominal : 75,9 milliards d’euros (3,4 % du PIB), contre 78,7 milliards d’euros en 2015 (3,6 % du PIB). Depuis 2009, le déficit public a diminué de 63 milliards d’euros, soit 3,8 points de PIB.
L’an dernier, le déficit de l’État s’est élevé à 74,1 milliards d’euros, soit 97,6% du déficit public. Les organismes d’administration centrale (opérateurs de l’État : AEFE, Institut français, etc.) ont, pour leur part, enregistré un déficit de 1,9 milliard d’euros. Le déficit des administrations de sécurité sociale s’est, lui, élevé à 2,9 milliards d’euros. Quant aux administrations publiques locales, elles ont dégagé un excédent de 3 milliards d’euros.
Entre 2013 et 2016, la baisse du déficit public a été réalisée grâce à une diminution des dépenses publiques (56,4% du PIB en 2016, contre 57% en 2013). Cette même période a, par ailleurs, été marquée par un allègement des prélèvements obligatoires (44,4% du PIB en 2016, contre 44,8% en 2013).
En 2016, le déficit structurel, c’est-à-dire le déficit corrigé des effets du cycle économique, a représenté 1,6 % du PIB, contre 1,9 % en 2015.
Bien qu’en hausse de 5,8 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2015, les recettes nettes du budget général de l’État - hors fonds de concours - ont été inférieures aux prévisions (300,3 milliards d’euros, dont 284,1 milliards d’euros de recettes fiscales et 16,2 milliards d’euros de recettes non fiscales). L’impôt sur les sociétés a notamment rapporté 2,8 milliards d’euros de moins que prévu, en raison, d’une part, d’une évolution spontanée plus faible qu’anticipée et, d’autre part, de la prolongation de la mesure de suramortissement.
Hors recapitalisation exceptionnelle de l’Agence française de développement (2,4 milliards d’euros), l’exécution 2016 des dépenses nettes de l’État a été conforme aux prévisions (373,8 milliards d’euros, dont 19 milliards d’euros au profit de l’UE et 46,5 milliards d’euros au profit des collectivités territoriales). Cette maîtrise des dépenses a été rendue possible grâce à de nombreux mouvements de crédits en cours de gestion (trois décrets d’avance; loi de finances rectificative pour 2016; mobilisation de la réserve de précaution).
Par ailleurs, en 2016, les effectifs de l’État ont connu une augmentation résultant notamment des recrutements réalisés - depuis 2015 - dans les ministères prioritaires (intérieur, justice, défense, éducation nationale, enseignement supérieur et recherche). Concrètement, les effectifs de l’État ont représenté 1.888.419 équivalents temps plein travaillés (+15.623 ETPT par rapport à l’exercice 2015). En dépit de cette hausse, le plafond d’emplois fixé en loi de finances a été respecté. Afin de compenser les créations d’emplois, plusieurs ministères ont vu leurs effectifs baisser, à commencer par le ministère des finances et des comptes publics.
Pour ce qui concerne la dette de l’État, elle a certes poursuivi sa progression, mais à un rythme ralenti par rapport aux exercices précédents. Fin 2016, son encours s’élevait à 1.621 milliards d’euros, soit une augmentation de 45 milliards d’euros par rapport à 2015. Il est à noter que l’endettement moyen annuel de l’État s’élevait à 98 milliards d’euros de 2007 à 2011.
Grâce à un contexte économique et financier exceptionnellement favorable (taux d’intérêt historiquement bas, taux d’inflation très faible), la charge de la dette diminue de façon continue depuis 2012. L’an dernier, elle s’établissait à 41,4 milliards d’euros, soit une baisse de 700 millions d’euros par rapport à 2015. Elle demeure cependant le deuxième poste budgétaire de l’État après la mission « Enseignement scolaire ».
Lors du débat, le ministre de l’économie et des finances, Bruno LE MAIRE, a présenté la stratégie économique du Gouvernement. Afin de « retrouver la croissance économique et la création d’emplois que nous avons perdues depuis trop de temps », le Gouvernement souhaite :
- engager la transformation de notre modèle économique et social (modernisation du code du travail, universalisation de l’assurance chômage, rénovation du système de retraite, renforcement des dispositifs de formation professionnelle, refonte de l’apprentissage, allègement des contraintes pesant sur les entrepreneurs, etc.) ;
- favoriser l’innovation de rupture via la création d’un fonds alimenté par la cession de 10 milliards d’euros d’actifs de l’État ;
- défendre un commerce équitable et fondé sur des règles de réciprocité.
Selon M. LE MAIRE, cette stratégie économique « doit profiter à tous les Français et à tous les territoires ». Le Gouvernement « veut faire en sorte que le travail paye » (suppression, à partir de 2018, des cotisations salariales maladie et chômage; revalorisation de la prime d’activité; etc.). Il souhaite également « favoriser la compétitivité des entreprises françaises » (réduction par étapes du taux d’impôt sur les sociétés [33,3% aujourd’hui, 25% en 2022]; transformation, à compter de 2019, du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en un allègement pérenne de cotisations; suppression de la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués; etc.).
Pour sa part, le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald DARMANIN, a présenté les engagements du Gouvernement en matière de redressement des finances publiques. Le Gouvernement souhaite faire baisser d’environ trois points de PIB les dépenses publiques (51,3% du PIB en 2022), d’environ un point de PIB les prélèvements obligatoires (43,5% du PIB en 2022), de deux points de PIB le déficit public (0,5% du PIB en 2022) et de cinq points de PIB la dette publique (92% du PIB). L’objectif est de permettre à la France de sortir de la procédure de de déficit excessif, dont elle fait l’objet depuis 2009.
La consolidation budgétaire reposera uniquement sur la baisse des dépenses publiques, à commencer par celles de l’État, qui « compteront pour plus de 50% de la diminution de la dépense publique l’année prochaine, et pour un peu plus de 40% les années suivantes ». Pour ce faire, le Gouvernement souhaite « accomplir des réformes structurelles dans plusieurs domaines » (politique de santé, logement, formation professionnelle, etc.).
Le déficit structurel resterait constant en 2017 et 2018, et baisserait ensuite (0,4 point de PIB en 2019, 0,3 point de PIB en 2020 et 2021 et 0,1 point de PIB en 2022).
La trajectoire de finances publiques du Gouvernement repose sur des hypothèses macroéconomiques crédibles et prudentes. Cette année, la croissance devrait s’établir à 1,6% du PIB. Cette prévision est conforme à celle de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). À partir de 2018, la mise en œuvre des réformes « permettrait de renouer graduellement avec des niveaux plus élevés de croissance, à 1,7% jusqu’en 2021, et 1,8% en 2022 ».
La croissance potentielle est estimée à 1,3% sur la période 2017-2022. Sur la base de ces hypothèses, l’écart de production, c’est-à-dire l’écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel, serait résorbé en 2020. Le déficit structurel deviendrait ainsi égal au déficit public nominal.
Selon M. DARMANIN, « l’ambition sociale du Gouvernement est extrêmement forte, notamment en direction des classes populaires et des classes moyennes » : augmentation de plus de 100 euros du montant de l’allocation aux adultes handicapés; augmentation de 100 euros du montant du minimum vieillesse (900 euros mensuels); revalorisation de la prime d’activité (+80 euros/mois). Il est aussi à noter que la suppression des cotisations salariales maladie et chômage représentera « 260 euros supplémentaires pour un ouvrier percevant le SMIC ». Quant à la suppression de la taxe d’habitation, elle « offrira 500 euros de pouvoir d’achat supplémentaire à ceux qui en bénéficient ».
Le projet de loi de finances pour 2018 comprendra notamment la transformation du CICE en un allègement de cotisations pérenne (entrée en vigueur en 2019), la trajectoire de baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, la suppression de la contribution de 3% sur les revenus distribués, le remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), l’instauration d’un prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus du capital, l’engagement de la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des ménages, l’extension du champ d’application des régimes d’imposition simplifiés, la hausse des tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN).
Vous pouvez lire ma contribution sur l’exécution 2016 du budget de l’action extérieure de la France en cliquant ici.
Vous trouverez, ci-dessous, la vidéo et le compte rendu de mon intervention.
Richard Yung. Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, je commencerai par aborder le projet de loi de règlement du budget. Je rappelle que la discussion sur ce texte doit permettre d’évaluer la manière dont la loi de finances initiale, éventuellement modifiée par des lois de finances rectificatives, a été exécutée.
Le débat ne doit pas porter sur le contenu de la loi de finances elle-même, comme cela est parfois le cas, lorsque la discussion dévie. Ce qui nous intéresse, c’est de mesurer l’efficacité des politiques mises en œuvre.
L’exécution de la loi de finances pour 2016 est globalement satisfaisante et conforme aux objectifs fixés. Le taux de croissance est de 1,2 %, comme prévu. Nous nous en réjouissons, mais ce n’est tout de même pas un taux fracassant ! Aux États-Unis, ce taux est d’environ 2 %, sans même parler des pays qui connaissent une croissance de 6 ou 7 %.
L’inflation reste faible, ce qui est dommage, puisque nous avions pour ambition d’atteindre un taux de 2 %. Mais il faut mettre cet élément de côté, car l’inflation n’est plus vraiment entre les mains du gouvernement français – c’est la Banque centrale européenne qui est active en la matière.
Notre point le plus faible est toujours le commerce extérieur, en particulier la faiblesse de nos exportations. Nous le savons, cela s’explique non pas par des raisons extérieures – les intempéries ou le ralentissement du commerce international sont invoqués – puisque les autres pays y sont également confrontés, mais par le fait que le tissu économique formé par nos PME n’est pas orienté vers les exportations et n’a pas une productivité suffisante. Nous rêvons tous au Mittelstand allemand, mais ce rêve relève davantage d’un souhait que de la réalité.
Les dépenses sont couvertes par les recettes comme prévu, même si, au fond, la baisse de 2 milliards d’euros du déficit, de 72 à 70 milliards, n’est pas énorme…
Le déficit structurel, calculé en dehors de toutes les influences conjoncturelles extérieures, est de 1,6 % du PIB, ce qui reste très élevé. Je rappelle que l’objectif communautaire, fixé par le fameux traité, est de 0,5 %.
Quant au déficit, il se situe à 3,4 % du PIB. Vous l’avez regretté, monsieur le rapporteur général de la commission des finances. Mais c’est mieux que 3,6 %, le taux initialement prévu.
Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. M. de La Palice n’aurait pas dit mieux !
Richard Yung. Certes, on aurait préféré 3 %, mais vous devriez accorder un petit satisfecit à cette amélioration !
S’agissant des dépenses, notre pays fait l’objet d’une procédure pour déficit excessif depuis 2009, soit depuis bientôt dix ans. La Commission européenne est bonne fille. En effet, lors de chaque débat annuel, elle accorde une année de plus à la France ! On dirait une dispute familiale… Le moment est venu d’agir de façon plus sérieuse en la matière.
Nous avons évoqué la question de la sous-budgétisation lors de l’examen du rapport de la Cour des comptes. Le mot « sincérité » a été employé à plusieurs reprises. Pour 2016, la sous-budgétisation s’élève à 3 milliards d’euros pour les programmes qui ont été mentionnés – OPEX, asile, santé, etc. Ce n’est pas tout à fait une nouveauté, puisque tous les gouvernements y recourent depuis vingt ans.
Francis Delattre. C’était avant ! (Sourires.)
Richard Yung. Je suis sûr que le nouveau gouvernement est décidé à prendre cette question à bras-le-corps et à faire cesser cette sous-budgétisation.
La question qui se pose est celle de l’évaluation. Nous en avons discuté avec la Cour des comptes. Le Haut Conseil des finances publiques a été créé pour évaluer les hypothèses de croissance et d’inflation. Il donne apparemment satisfaction. Faut-il envisager que ce conseil ou qu’une autre institution économique donne un avis sur les budgétisations proposées ? Nous devons, me semble-t-il, avoir ce débat.
En ce qui concerne les réserves de précaution, j’estime qu’elles vident la discussion budgétaire de son sens.
Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !
Richard Yung. Tout le travail que nous faisons dans cette enceinte pendant trois semaines – cette discussion détaillée des programmes – ne sert plus à grand-chose. Au départ fixé à 5 %, le taux est passé à 6 % puis à 8 %... Ensuite, on gèle, on dégèle…
Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On regèle !
Richard Yung. … et maintenant on gèle les reports de crédits.
Autrement dit, ce que nous avons voté n’a plus aucun sens !
Je propose, comme cela est d’ailleurs mentionné dans le rapport sur la trajectoire à moyen terme, que nous travaillions ensemble, peut-être sous la forme d’une table ronde, pour revoir l’ensemble de ces procédures, à la fois d’élaboration du budget et d’évaluation. La démocratie est à ce prix.
Sur le chemin d’orientation à moyen terme, les hypothèses de croissance sont prudentes et crédibles : la prévision pour cette année est, par exemple, de 1,6 %. Le FMI vient d’oindre le Gouvernement français de sa bénédiction pour l’année en cours et probablement pour les années qui viennent. Nous nous en réjouissons. Alléluia ! (Sourires amusés sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Le retour à un déficit de 3 % est prévu dès cette année grâce aux 4,5 milliards d’euros d’économies et à une soudaine progression des recettes fiscales. C’est une bonne nouvelle ! Il semblerait que le taux d’élasticité fiscale, dont notre collègue François Marc est le spécialiste, ait été recalculé à la hausse. Nous respecterons donc, semble-t-il, le taux de 3 %.
En ce qui concerne le déficit structurel, nous sommes en revanche loin d’atteindre le taux de 0,5 %, même si c’est le cas pour le déficit courant.
Messieurs les ministres, je souhaite vous interroger sur la fiscalité. Vous avez prévu un taux forfaitaire de 30 % pour les revenus du capital. Cette mesure était demandée et peut être discutée. Pourriez-vous nous apporter des précisions quant à l’assiette de cette taxe ? La formule « revenus du capital » est en effet assez large… Je suppose que les revenus immobiliers n’en font pas partie, mais je n’en suis pas certain… Quid du livret A ? Le sujet est assez sensible en ce moment.
Enfin, pourriez-vous préciser les grandes lignes de votre plan de réduction des dépenses de quelque 60 milliards d’euros en cinq ans, répartis à hauteur de 25 milliards pour l’État, 10 milliards pour les collectivités territoriales, portés maintenant à 13 milliards, et 25 milliards pour la sphère sociale ? C’est tout de même assez énorme ! C’est la raison pour laquelle j’aimerais que vous nous détailliez ce que comprennent ces différentes masses.
Sous réserve de ces observations, mon groupe approuvera le plan à moyen terme. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche. – M. Yvon Collin applaudit également.)