Je partage entièrement les positions de Laurent Berger sur le manque de confiance du gouvernement envers les syndicats réformistes (laissons la CGT à ses errements).
C'est là que se fera ou pas le rééquilibrage « gauche-droite » dont Macron a besoin. Or le gouvernement donne l'impression de vouloir ignorer « les organisations intermédiaires » et de décider seul. Pourtant, un accord sur les différentes réformes dont la SNCF a besoin est possible mais dans le dialogue.
Dans cette tribune initialement publiée dans le journal Le Monde le 20 avril 2018, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, et Didier Aubert, secrétaire général de la CFDT-Cheminots, dénoncent un déni de démocratie sociale et invitent le gouvernement à de véritables négociations.
Alors que les mobilités explosent et se transforment, le rail est un élément essentiel de l’aménagement du territoire dans le respect de l’environnement. La CFDT le martèle, il est impératif de tracer une véritable transition écologique en se donnant les moyens d’atteindre les engagements de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Pour cela, le rail est un formidable outil.
La réforme ferroviaire a été lancée par le gouvernement à la suite du rapport Spinetta, mais elle n’a pas été débattue, dans le cadre des Assises de la mobilité. C’était une première erreur. Elle a été mise au centre du débat public à coups de caricatures et de chiffres brandis sans explications. C’était une deuxième profonde erreur. Mais, comme si ces deux premières ne suffisaient pas, le gouvernement en commet une troisième.
Un financement public pérenne
Les concertations patinent. La CFDT fait des propositions, mais le gouvernement n’a toujours pas esquissé un écosystème politique, économique et social à même de rassurer les citoyens, les élus et le corps social cheminot. Au contraire, il distille des annonces importantes (filialisation du fret, fin du statut en 2020) sans même une information préalable de ses interlocuteurs syndicaux. Quelle étrange conception de la concertation !
Il faut donc en finir avec les postures, telle celle consistant à échanger le statut actuel des cheminots contre une reprise de la dette. Cette dernière n’est pas celle des cheminots, mais celle de l’Etat et de ses politiques publiques depuis trente ans.
Pour la CFDT, cette réforme doit donner lieu à un large débat public et être étayée par une profonde et sincère négociation
Il faut aussi assumer qu’il ne peut pas y avoir de système ferroviaire efficace sans financement public pérenne. L’abandon de l’écotaxe et l’absence de décision claire sur la reprise intégrale de la dette et ses modalités soulèvent de graves inquiétudes.
La CFDT n’a pas souhaité l’ouverture à la concurrence. Mais c’est un fait politique qui s’impose. Et il est de notre responsabilité d’organisation syndicale de protéger les salariés de la SNCF dans cette transition et de nous assurer que la qualité du service public sera maintenue. Aujourd’hui, pour que la libéralisation du rail ne joue pas sur les conditions de travail, nous exigeons la négociation d’une convention collective qui protégerait tous les travailleurs du secteur. Nous pouvons créer un « cadre social de haut niveau ». La branche ferroviaire doit l’incarner.
La CFDT propose et continuera à proposer
La CFDT a proposé vingt premiers amendements portant sur la protection des salariés, l’évolution du statut des cheminots et l’amélioration des conditions de travail, la continuité ferroviaire des territoires et la garantie de la nature publique du groupe ferroviaire. Le débat à l’Assemblée nationale est passé et nous sommes loin du compte. La loi doit encore évoluer.
Concernant la nature juridique du groupe, le gouvernement prétend que le statut de société anonyme serait plus protecteur. C’est faux.
Mais il faut avant tout se poser la véritable question : quel service ferroviaire voulons-nous pour demain ? Les coûts réels de la libéralisation doivent être mis sur la table. Dans tous les pays européens qui ont ouvert à la concurrence, les investissements publics ont été massifs, dans des proportions trois à quatre fois supérieures à la France.
Pour la CFDT, cette réforme doit donner lieu à un large débat public et être étayée par une profonde et sincère négociation.
La CFDT propose et continuera à proposer. Il appartient au gouvernement de répondre et d’abandonner sa posture. C’est la condition pour sortir de l’impasse actuelle d’un conflit pénalisant les salariés comme les usagers. C’est aussi la condition indispensable pour donner un avenir au transport public ferroviaire et garantir un service de qualité.