Le 19 décembre, le Parlement a adopté définitivement, par un ultime vote de l’Assemblée nationale, le projet de loi de finances pour 2020.
Ce texte prévoit notamment :
- une baisse de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu (baisse du taux de la première tranche de 14% à 11%; les ménages relevant des deux tranches les plus élevées du barème - 41% et 45% - ne seront pas concernés par cette baisse) ;
- l’achèvement de la réforme de la taxe d’habitation (suppression définitive de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour 80% des foyers fiscaux en 2020 ; suppression définitive de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour les 20% de ménages les plus aisés en 2023) ;
- l’ajustement de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 250 millions d’euros, le taux de l’impôt sur les sociétés sera de 28% jusqu’à 500.000 euros de bénéfices, puis de 31% au-delà ; en 2021, le taux applicable à ces grandes entreprises sera de 27,5% ; pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 millions d’euros, le taux applicable sera de 28% en 2020, 26,5% en 2021 et 25% en 2022) ;
- un aménagement des taxes sur les titres de séjour (réduction de treize à six du nombre de tarifs applicables; abaissement de 250 à 200 euros du montant de la taxe de base; remplacement des trois tarifs minorés - 30, 60 et 120 euros - par un tarif minoré unique de 50 euros; abaissement de 340 à 200 euros du montant du droit de visa de régularisation devant être acquitté par les étrangers en situation irrégulière au moment de la délivrance de leur premier titre de séjour; relèvement de 19 à 25 euros du droit de timbre; etc.) ;
- la mise sous condition de ressources du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), qui sera transformé en prime forfaitaire en euros (deux critères seront pris en considération pour l’attribution de cette prime, à savoir les ressources ménages et l’efficacité énergétique des travaux ; le dispositif sera centré sur les ménages modestes) ;
- le maintien en l’état du prêt à taux zéro (PTZ);
- la réforme de certains avantages fiscaux portant sur des taxes sur les carburants (suppression progressive des tarifs réduits dont bénéficie le BTP sur le gazole non routier; création d’un mécanisme de suramortissement pour l’achat de matériel moins polluant; réduction de deux centimes par litre du remboursement partiel de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques dont bénéficient les transporteurs routiers) ;
- la refonte des taxes sur les véhicules à moteur, dont le malus automobile (création d’un « supermalus » automobile visant les véhicules les plus polluants) ;
- la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avions, dite « taxe Chirac » (le produit de cette taxe est affecté au Fonds de solidarité pour le développement - géré par l’Agence française de développement - ainsi qu’à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France) ;
- la diminution d’un euro du tarif de la contribution à l’audiovisuel public;
- un aménagement de la réduction d’impôt en faveur du mécénat (le taux de défiscalisation applicables aux entreprises donnant plus de 2 millions d’euros par an passera de 60% à 40%) ;
- des modifications relatives au crédit d’impôt recherche (pour le calcul du forfait des dépenses de fonctionnement du CIR, le taux de prise en considération des dépenses de personnel passera de 50% à 43%) ;
- des mesures visant à responsabiliser les plateformes numériques en matière de lutte contre la fraude à la TVA (les plateformes seront redevables de la TVA due sur les ventes qu’elles facilitent lorsque le vendeur est établi dans un pays tiers; elles devront par ailleurs conserver pendant dix ans un registre permettant aux États membres de l’UE où les opérations sont imposables de vérifier si la TVA a été correctement acquittée; création d’une liste des plateformes non coopératives, publiée sur Internet) ;
- l’expérimentation de la collecte et de l’exploitation, par les administrations fiscale et douanière, des données rendues publiques sur les sites internet des réseaux sociaux et des opérateurs de plateforme (l’Assemblée nationale et le Sénat ont renforcé les garanties et restreint le champ d’application de cette expérimentation: application du dispositif aux activités occultes, aux domiciliations fiscales frauduleuses, à certains manquements sur les alcools, le tabac et des métaux précieux, et à certains délits douaniers; limitation de la collecte aux contenus manifestement rendus publics par les utilisateurs des plateformes; destruction des données non jugées sensibles à l’issue d’un délai de trente jours; destruction des données sensibles et des autres données manifestement sans lien avec les manquements et les infractions recherchés à l’issue d’un délai de cinq jours; interdiction de la sous-traitance pour le traitement et la conservation des données; etc.) ;
- la transposition de la directive européenne dite « ATAD 2 » visant à lutte contre les dispositifs « hybrides » mis en oeuvre par certaines multinationales pour limiter l’imposition de leurs bénéfices ;
- une réforme de la fiscalité locale (la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties sera transférée aux communes à compter du 1er janvier 2021; les pertes de recettes pour les départements seront compensées par une fraction de TVA; instauration, en 2023, d’une procédure de révision des valeurs locatives des locaux d’habitation);
- l’alignement progressif de la fiscalité du tabac applicable en Corse sur celle applicable sur le continent. - la revalorisation des aides personnelles au logement (APL), de la prime d’activité et de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).
Pour ce qui concerne les Français établis hors de France, le projet de loi de finances apporte des aménagements à la réforme de l’imposition des revenus d’activité et de remplacement de source française perçus par les non-résidents. Il prévoit, d’une part, un report au 1er janvier 2021 de la suppression du caractère partiellement libératoire de la retenue à la source spécifique aux revenus salariaux et assimilés et, d’autre part, un report au 1er janvier 2023 du remplacement de la retenue à la source spécifique par le prélèvement à la source (PAS) de droit commun. Ces deux moratoires doivent permettre de corriger les « effets de bord importants » induits par le dispositif prévu à l’article 13 de la loi de finances initiale pour 2019.
Actuellement, les traitements publics, les salaires, les pensions et les rentes viagères servis aux non-résidents font l’objet – après abattement forfaitaire de 10% – d’une retenue à la source spécifique qui est calculée par tranches de revenus aux taux de 0%, 12% et 20%. Cette retenue est partiellement libératoire de l’impôt sur le revenu. En effet, seule la fraction qui a été soumise au taux de 20% est imposée – avec les autres revenus de source française imposables en France – au barème progressif de l’impôt sur le revenu, mais avec application du taux minimum (20% pour la fraction du revenu net imposable inférieure ou égale à 27.519 euros et 30% pour la fraction supérieure à 27.519 euros). Les contribuables ont cependant la possibilité de bénéficier de l’application du taux moyen (ce taux n’est appliqué que s’il est favorable au contribuable). Dans tous les cas, la retenue prélevée au taux de 20% est imputable sur le montant de l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, si le montant de la retenue à la source excède l’impôt dû après application du taux moyen, les contribuables peuvent demander le remboursement de l’excédent de la retenue à la source en produisant un justificatif du paiement de cette retenue par le débiteur (employeur, caisse de retraite, etc.).
L’article 13 de la loi de finances initiale pour 2019 prévoit le remplacement de la retenue à la source spécifique par une retenue à la source non libératoire de l’impôt sur le revenu, calculée par l’application de la grille de taux par défaut utilisée pour le PAS de droit commun. Pour déterminer la base de la retenue, il ne serait plus fait application de l’abattement forfaitaire de 10% (cet abattement serait appliqué lors de la soumission des revenus au barème progressif). Par ailleurs, les contribuables auraient toujours la possibilité de bénéficier du taux moyen et la retenue à la source continuerait de s’imputer sur le montant de l’impôt résultant de la soumission au barème progressif de l’ensemble des revenus de source française imposables en France.
Cette réforme vise à rapprocher les règles d’imposition applicables aux non-résidents de celles applicables aux personnes fiscalement domiciliées en France. Elle suscite néanmoins beaucoup d’inquiétude parmi les non-résidents, qui craignent d’être pénalisés par les nouvelles règles d’imposition. Selon le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, les deux moratoires permettront d’éviter que la réforme de la fiscalité des non-résidents n’ait un effet « confiscatoire ».
Outre les moratoires, le projet de loi de finances prévoit l’obligation, pour le Gouvernement, de remettre au Parlement, avant le 1er juin 2020, « un rapport relatif à la fiscalité appliquée aux revenus de source française des contribuables fiscalement domiciliés hors de France ». Ce rapport servira « de base à d’éventuelles corrections et améliorations pour l’établissement du projet de loi de finances pour 2021 ». La question de l’application de la décote à l’ensemble des non-résidents devrait également être examinée dans ce cadre.
Il est également à noter que le projet de loi de finances prévoit l’inclusion, dans le champ des personnes considérées comme fiscalement domiciliées en France, des agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière qui exercent leurs fonctions dans un pays étranger et ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus. Ces agents seront ainsi traités fiscalement comme les agents de l’État en poste à l’étranger (non-application de la retenue à la source spécifique des non-résidents ; exemption du taux minimum d’imposition ; déductibilité des charges ; bénéfice du mécanisme de la décote ; bénéfice des réductions et crédits d’impôt sur le revenu ; etc.).
Lors de la première lecture, j’avais déposé plusieurs amendements, qui n’ont malheureusement pas été adoptés :
- inclusion, dans le champ des personnes considérées comme fiscalement domiciliées en France, des agents relevant d’une personne morale de droit public en poste à l’étranger ;
- application automatique du taux moyen d’imposition aux revenus de source française perçus par les non-résidents ;
- possibilité, pour les non-résidents sollicitant l’application du taux moyen d’imposition, de déduire des prestations compensatoires de leurs revenus mondiaux ;
- possibilité, pour tous les non-résidents tirant l’essentiel de leurs revenus de la France (au moins 75% des revenus mondiaux), de déduire leurs charges de leurs revenus mondiaux ;
- possibilité, pour tous les non-résidents tirant l’essentiel de leurs revenus de la France (au moins 75% des revenus mondiaux), de bénéficier de la décote ;
- extension de la liste des thèmes devant être abordés dans le rapport du Gouvernement relatif à la fiscalité des non-résidents (application automatique du taux moyen d’imposition, mise à la disposition des non-résidents un simulateur de calcul de l’impôt sur le revenu) ;
- exonération des conjoints étrangers de Français de toute taxe liée à la délivrance ou au renouvellement de leur titre de séjour (recommandation formulée par le Défenseur des droits) ;
- abaissement de 340 à 200 euros du montant du droit de visa de régularisation devant être acquitté par les étrangers en situation irrégulière au moment de la délivrance de leur premier titre de séjour (un amendement identique a été adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale).